Assassinat dans un commissariat de police au Bénin: le jeune frère de la victime raconte

Après environ quatre heures de garde à vue au commissariat de Manta, dans la commune de Boukoumbé au Bénin, un homme de 40 ans, Fidèle Combetti, a connu une mort tragique. Son jeune frère, Ferdinand Combétti, parle d’un assassinat aux environs de trois heures du matin « à l’intérieur du commissariat et dans la chambre des policiers ». Il raconte ici, la triste histoire du 8 septembre 2019 et les développements postérieurs surprenants d’une scène crapuleuse.

Dans quel contexte cet assassinat est intervenu ?

« Pour nous la famille Combetti, on ne s’en revient pas que Fidèle soit tué. Pour le papa que j’ai rencontré il y a deux jours, c’est des rumeurs. Pour lui, son fils est toujours en garde à vue ou son fils a été transféré dans une prison pour une quelconque raison. Aujourd’hui, Fidèle n’est pas là pour nous dire ce qui s’est réellement passé. […] Il a informé son épouse qu’il allait dans un village situé à 5 kilomètres de Manta, qu’il allait trouver un consensus avec un de ses créanciers ; il s’est rendu là-bas entre 20h et 21h.

Publicité

Moi, j’ai reçu un appel de policier qui était à la garde, qui se trouvait-il une connaissance, qui m’a dit: ‘’honorable, il y a ton grand frère qu’on vient d’amener ici au commissariat pour une affaire bizarre ; j’ai décidé de le garder à vue. Demain, on verra. Informes ton second grand frère pour qu’il lui amène à manger demain matin.’’  J’ai dit, je vais l’avertir pour qu’il vienne le voir. Il dit: ‘’Non, ce n’est pas grave, demain vous allez venir’’.

Le même policier m’appelle vers deux heures du matin. Il me dit: ‘’Les individus sont venus au commissariat ; ils ont demandé qu’on sorte ton frère ; j’ai fait semblant d’aller chercher la clé, et j’ai fuit du commissariat’’. Je lui ai dit, tu as fuit, qu’est-ce que ça veut dire ? […] Il a raccroché.

Une heure plus tard, à trois heures, il me rappelle et dit : ‘’mon frère, tu n’a plus de frère. Ils ont tué ton grand frère. […] ils sont allés le tuer dans la chambre où nous on se repose, sur nos habits et sur nos armes […]’’. Je lui ai dit de ne toucher à rien, que j’arrive. J’ai quitté Cotonou à 4h du matin. A 11h, j’étais à Boukoumbé.

En arrivant, j’ai vu des policiers qui nettoyaient leurs armes avec des chiffons et essayaient de laver leurs habits. Je suis d’abord allé m’enquérir de la situation de notre papa qui est au village. Je suis revenu quelques minutes plus tard au commissariat. Le premier constat, le commissariat ressemblait à une boucherie. […] J’ai demandé où se trouve le corps. […] au fond de la chambre, le corps de mon frère couché sur le vendre et dans le sang.

Publicité

J’ai demandé au commissaire ce qui s’est passé. Le commissaire m’a dit : ‘’Moi je n’étais pas sur place. Je suis arrivé, j’ai trouvé ton frère qui respirait encore un peu ; le temps d’aller chercher un infirmier, au retour, il avait déjà rendu l’âme’’. (Entre)l’infirmerie et le commissariat, il n’y qu’une route qui les sépare. Je dis donc tout ce temps, avant qu’il ne revienne, aucun policier n’a essayé d’appeler un médecin ».

La raison de la garde à vue

« […] Il –le commissaire, ndlr- a ouvert le cahier. Il y est écrit noir sur blanc : ‘’ le Ca de Manta et le délégué portent plainte contre le sieur Fidèle Combetti qui tentait de rentrer dans une maison’’. Le nom de la personne (ou) de la maison n’est pas connu. Ils ont mis des pointillés. Ils ont ajouté que l’intéressé procéderait une moto Haoju. J’ai demandé comment on peut porter plainte sans même connaitre le plaignant.

Le commissaire a automatiquement fait appel au policier. Il –le policier, ndlr- dit qu’il attendait le lendemain pour compléter l’information, pour connaitre le nom de la personne chez qui on dit qu’on aurait vu mon frère et il redonne une autre raison qui est contraire à celle du cahier pourtant c’est lui-même qui a noté. Il dit que mon frère aurait été vu dans un champ de maïs où un monsieur à sentir les maïs bouger et aurait crié ; que mon frère serait avec une autre personne; que cette autre personne a lancé un bois et a fui et que mon frère est resté jusqu’à ce que le délégué arrive.

Mais une chose est certaine, tout le monde reconnait que c’est mon frère qui est l’auteur du coup d’appel qui a alerté la police. Et un policier s’est rendu à 5 kilomètres tout seul et aurait remorqué mon frère. Ils sont arrivés au commissariat. Ils y étaient, il n’était même pas question de garde à vue, quand le Ca et le délégué sont arrivés. Le policier dit, ‘’je l’ai gardé à vue parce que c’est des autorités qui ont porté plainte’’.

En cherchant toujours à savoir, le policier me révèle que pendant que mon frère était en garde à vue, il aurait demandé à voir le Ca. Le Ca s’est approché, ils ont discuté. Il y avait d’autres codétenus. Fidèle n’étaient pas seul à la garde à vue. […] Dans toutes nos échanges, aucunes nouvelles par rapport à ces détenus.»

Qu’est-ce qui s’est passé pour que Fidèle appelle la police au secours ?

« J’ai trois versions des faits. Le policier qui l’a reçu à sa version. Le cahier, il y a une autre version dedans. Mais chose étonnante, c’est l’intervention du maire de Boukoumbé au lendemain des faits. Le maire dit que mon frère serait allé dans une maison, aurait sonné la porte d’un monsieur, lui a ordonné de sortir pour lui donner sa moto et qu’il va la donner à sa femme et que le monsieur est sorti, mon frère lui aurait donné un coup de bâton. Cette personne se serait tombé et crié. […] Ça c’est la version du maire. Le maire approfondit en donnant des détails sur l’assassinat de mon frère qui sont contraires à ce que j’ai vu sur le terrain. »

Quid de l’hypothèse de vindicte populaire

« Les policiers tentent de dire vindicte populaire. Il n’y a pas de vindicte populaire dans un commissariat. Mon frère a été gardé à vue à 22h ; il a été tué à 3 heures du matin. Le maire dit qu’à 23h, il a reçu un coup de fil lui disant que Fidèle ferait l’objet d’un assassinat et qu’automatiquement il a appelé le commissaire, le commissaire l’aurait rassuré qu’il va appeler ses agents sur place. Le maire dit avoir appelé un autre conseiller qui se trouve être un de ses bras droits sur le terrain. […]

On m’a dit qu’il avait un pistolet artisanal sans munition. J’ai demandé à voir ce pistolet à deux reprises. Jusqu’aujourd’hui je ne connais pas la couleur du pistolet. En plus, le monsieur meurt, le lendemain automatiquement, la police va arrêter un repris de justice, il semblerait qu’il trainait avec mon frère ; va arrêter un mécanicien, il semblerait mécanicien de mon frère, et veut prouver que ce monsieur était un grand criminel et était dans un réseau de criminalité. Voilà tant d’ombres autour de cet assassinat qui nous amène à nous demander, si un citoyen qui aujourd’hui se retrouve dans un commissariat n’est-t-il plus sûr de sa sécurité.

Au niveau de la justice

« Aujourd’hui ça fait 27 jours que Fidèle a été tué. Des gens ont été témoins des faits. Des noms ont été cités, ces individus sont toujours libres et se promènent. J’ai déposé trois plaintes au tribunal de première instance de Natitingou. J’ai même réintroduit une quatrième plainte. On m’a dit que le procureur était en voyage. Quand je suis revenu avec la quatrième plainte, […] il m’a aperçu, m’a introduit dans son bureau. Il m’a dit qu’il semblerait que mon frère aurait tiré sur quelqu’un, courant juillet. J’ai dit pendant qu’on voulait l’arrêter ? Il dit non. […]

Depuis, plus rien. 27 jours sont passés, aucune autorité n’a même mis pied chez nous pour nous présenter les condoléance. On a l’impression que c’est un chien qui a été tué. J’ai informé Amnesty international ; j’ai aussi saisi le ministre de l’intérieur; j’ai écrit au ministre de la justice. J’ai écrit aussi au président de la République. J’ai joint toutes les plaintes et aussi 48 photos de la scène. On ne peut pas me dire aujourd’hui que les gens ne sont pas informés. […] Ceux qui l’ont tué sont connus. Chez nous, quand vous tuez, il y a des rituels. Et ces rituels ont été pratiqués et on sait qui. Si les gens veulent faire la lumière sur cet assassinat, ce n’est pas compliqué. »

Des antécédents avec la justice ? 

« Mon frère avait quarante ans. Et jusqu’au soir du 7 septembre où il a été admis dans ce commissariat, son casier judiciaire était vierge. Et ce monsieur ne menait pas une vie cachée. C’était un jeune commerçant qui avait une petite industrie artisanale de fabrication de savon. […] Le maire ne peut pas dire qu’il ne le connait pas puisque c’est le fils de l’ancien deuxième adjoint au maire pendant que lui était premier adjoint au maire de Boukoumbé. Fidèle avait des amis policiers. Je le vois trainer avec des policiers, ils boivent ensemble. C’est quelqu’un de connu. »

Extrait de Boulevard des opinions (Soleil Fm). Transcription : La Nouvelle Tribune

Une réponse

  1. Avatar de La Foudre
    La Foudre

    Histoire floue, racontée de manière tordue

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité