Le comité d’experts chargé de la formulation technique des recommandations du dialogue politique tenu en octobre dernier au Bénin a déposé son rapport vendredi dernier. Au nombre des propositions notamment celles liées au statut de l’opposition, ce comité a fait le choix d’une nomination du chef de file de l’opposition par le Conseil des ministres. Le politologue Richard Boni Ouorou réagit. Lissez plutôt.
« Le droit, tel qu’on nous l’a enseigné, est un phénomène social qui évolue avec la société en répondant à ses besoins dans le temps. C’est donc dire que le droit est proactif (anticipe les difficultés futures et adopte des mesures pour les surmonter). Il n’est pas un outil de destruction de l’avenir, un terreau fertile à la suspicion, la contradiction ou l’ambiguïté.
Pourtant, la règle de droit elle-même peut parfois tomber en faiblesse, créant ainsi toutes sortes de déstabilisation ou de fragilisation de la mémoire institutionnelle. Ainsi, la règle de droit mal formulée peut entraîner, une instabilité politique, administrative et par extension sociale dès lors que la source de sa production est contestée ou illégitime (Assemblée nationale illégitime et comité d’expert contesté).
En lisant cet après-midi une capture d’écran qu’un ami m’a envoyée, j’ai été intrigué par la formulation de ce qui devrait permettre de reconnaître le statut du chef de file de l’opposition (proposée par les experts). Mais avant ceci, il faut reconnaître que la faiblesse de l’article 8 et de ses dispositions supplétives démontre toute l’inexpérience de leurs auteurs puisqu’il est impossible d’associer opposition politique et gestion communale d’autant que les élus communaux ne sont pas des politiciens au sens strict du terme, mais plutôt des collaborateurs –décentralisés— du pouvoir exécutif dans notre système.
Maintenant, revenons à l’alinéa 5 de l’article 8, qui dit ceci : le chef de file de l’opposition politique est nommé par décret pris en conseil des ministres. Nommé ? Voici la grande interrogation. Pourquoi doit-on nommer un « chef de file » qui est déjà désigné par le suffrage ? Et c’est là que l’on se rend compte des faiblesses et contradictions de cet article 8.
Pour ce qui est de sa faiblesse, l’article devait nous éviter de tomber dans une situation dans laquelle, l’opposition ne saurait exister systématiquement aux sorties des votes. C’est à dire, qu’en cas d’égalité des sièges au parlement, un délai de concertation devait intervenir à l’intérieur duquel, les partis pourront former des coalitions avec d’autres partis petitement représentés.
En procédant ainsi, la règle de pluralité de notre démocratie serait respectée, en évitant qu’il n’y ait que deux partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. En termes clairs, si deux partis sont à suffrage égal, il leur sera suggéré de se coaliser avec un troisième, quatrième ou même cinquième parti inférieur en nombre.
Ce qui permettra d’avoir au sein de l’assemblée deux coalitions, dont l’une majoritaire et l’autre minoritaire. L’opposition officielle serait alors la coalition la plus forte en nombre qui se serait formée autour du parti dont les idées s’opposent au pouvoir exécutif en place. De la nomination du chef de file : si cette formulation (nomination) est faite en totale ignorance, elle est grave; mais si elle est à dessein; elle est encore plus grave et même criminelle. À partir du moment où le nombre de sièges est déterminé par le suffrage et uniquement par celui-ci, que ce soit dans l’hypothèse de la majorité ou de la coalition, c’est la reconnaissance (et non la nomination) du statut du chef de file de l’opposition qui revient au conseil des ministres.n la plus forte en nombre qui se serait formée autour du parti dont les idées s’opposent au pouvoir exécutif en place.
Le conseil des ministres étant détenteur du budget et des autres moyens associés en privilège au statut de chef de file de l’opposition, cette reconnaissance est nécessaire pour permettre à ce dernier de pouvoir jouir des privilèges associés à son statut. La nomination en tant que telle du chef de file de l’opposition ayant déjà été entérinée par ses pairs, cette prérogative ne revient plus au Conseil des ministres partant du principe de la séparation des pouvoirs.
Vous conviendrez que pour faire appliquer une pareille loi (de nomination), le gouvernement devra rédiger un règlement d’application qui identifiera des conditions de — DÉSIGNATION— au lieu d’identifier des conditions de — JOUISSANCE—. Là se situe tout le problème qui sera à la base des crises futures que va engendrer cette maladresse d’experts (!!! ?)
En toute chose, le droit ne doit pas être aveugle de la morale, de la justice et de l’équité. Cicéron le disait déjà : le juriste, est celui qui connait le droit et le juste. Cette proposition est non seulement injuste, inéquitable, mais pire elle est faite par des esprits inexpérimentés. » Richard Boni OUOROU, POLITOLOGUE
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