Oliver Nette, le diplomate allemand représentant résident de l’Union Européenne chez nous, a été déclaré persona non grata et sommé de quitter le territoire national avant le dimanche 1er décembre. Décision inédite à laquelle aucun gouvernement n’a eu recours depuis le début du Renouveau démocratique. Au moment où nous écrivons ces lignes, les jeux sont déjà faits et le diplomate reconnu pour son « parler direct » doit avoir quitté le Bénin.
La nouvelle de ce « renvoi » aussi brusque qu’inattendue, distillée à doses homéopathiques d’abord sur les réseaux sociaux le mercredi 27 novembre dernier a été aussitôt confirmée par des sources anonymes du Ministère des Affaires étrangères qui ont parlé tour à tour « d’ingérence grave » dans les affaires intérieures du Bénin et même de « subversion ».
Pour sa part, Aurelien Agbénonci, le chef de la diplomatie du gouvernement de la Rupture a édulcoré le discours officiel sur la chaîne de radio allemande, la Deutsche Welle, en déclarant qu’il ne s’agit pas « d’expulsion » mais de « retrait d’agrément ».
Une sorte de rétropédalage qui n’enlève rien à la volonté affichée par le gouvernement de notre pays de mettre une sourdine à l’une des seules voix discordantes du milieu diplomatique susceptible de constituer un encouragement à toute velléité d’engagement citoyen pour la défense de la démocratie
En vérité, arrivé au Bénin en fin d’année 2017, Oliver Nette qui dans une vie antérieure dirigeait le « pôle élections » au siège de la commission a annoncé les couleurs de sa mission, dès la présentation de ses lettres de créances. Désormais, a-t-il laissé entendre « nous voulons travailler avec le Bénin sur des sujets un peu plus politiques ».
Ainsi, le coordonnateur des politiques de développement de l’Union européenne chez nous est dans son rôle aussi bien, lorsqu’il va au contact des populations cibles des projets initiés dans le cadre de sa mission que dans les rencontres périodiques avec les Ong et les médias. C’est une tradition bien établie chez les diplomates étrangers de rencontrer périodiquement les responsables des ong, des médias, des partis politiques et les leaders d’opinion que sont les autorités religieuses et autres.
Ce qui leur permet d’avoir une vue plus équilibrée et plus diversifiée des réalités du pays pour mieux accomplir leur mission. De ce point de vue, Oliver Nette a été le témoin privilégié des développements scabreux de l’actualité nationale depuis le vote des lois controversées sur le code électoral et la charte des partis, jusqu’au fameux dialogue exclusif en passant par les élections législatives non inclusives qui ont débouché sur le parlement monocolore. Il a vu se désagréger devant ses yeux cette démocratie béninoise tant vantée à l’extérieur dont les piliers traditionnels sont progressivement tombés sous les coups de boutoir du régime de la Rupture : le système judiciaire, les médias et la société civile.
Il ne manquait aucune occasion pour exprimer ses vues sur les dangers qui guettent la démocratie béninoise, aussi bien lors des revues trimestrielles de la politique de coopération organisées avec les autorités gouvernementales que devant les responsables des organisations de la société civile et des médias.
Dans le cas de la mesure inique d’interdiction de parution infligée à notre quotidien La Nouvelle Tribune le diplomate européen s’est rapproché du président de la précédente mandature de la Haac à plusieurs reprises, au point où ce dernier a parlé de « pressions énormes » exercées indûment sur lui. Déclaration faite au cours de l’audition mémorable du directeur de la publication du journal.
Preuve s’il en est que les prises de position du diplomate agaçaient. D’autant qu’au sortir de chaque audience, il répétait à l’envi, devant cameras et micros, le même leitmotiv que lors de ses déjeuners avec les responsables des médias : « la liberté de presse est un pilier essentiel de la démocratie et il convient pour la préserver de laisser toutes les opinions s’exprimer».
Ce sont les déclarations de ce genre que le pouvoir considère comme subversives autant que sa volonté de revoir à la hausse le concours de son institution au financement des Ong, afin de les aider à mieux assurer leur mission de veille citoyenne. Ce financement n’a rien de confidentiel ni de séditieux puisque certains des politiciens actuels, transfuges notoires de cette société civile si fortement politisée avaient bénéficié grassement de cette manne financière sinon, ils n’auraient pas réussi leur plaidoyer tonitruant en faveur de la fameuse Lepi qui a abouti à ce K.O mystérieux de triste mémoire.
Au regard de ce qui précède on peut conclure sans risque de se tromper qu’en prenant cette décision spectaculaire d’expulsion d’un diplomate profondément attaché à la promotion des valeurs démocratiques, le gouvernement de notre pays donne la fâcheuse impression de sa préférence pour les mesures autoritaires. Une preuve de plus que l’apaisement qu’il prône du bout des lèvres sur le front intérieur n’est qu’un leurre.
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