Bénin: Coronavirus et stratégie de riposte nationale

Face au Covid 19 qui menace de ravager le pays indistinctement, l’on serait mal inspiré de ne pas apporter au chef de l’Etat, le soutien que méritent les mesures qu’il prend pour contenir cette pandémie. Avec ce virus nous sommes tous logés à la même enseigne et tous, avons le devoir citoyen de lui prêter main forte tout en lui demandant, en revanche, de bien vouloir prêter l’oreille aux voix qui s’élèvent. Dans notre précédente livraison, nous avons mis en exergue le rôle que devrait jouer la solidarité dans la gestion de la crise sanitaire qui menace notre pays. Nous ne nous étions alors pas privés de stigmatiser le fait que, des quatre manifestations de solidarité nationale qui s’étaient déroulées sur notre sol dans un passé récent, les autorités dirigeantes d’alors n’avaient su tirer aucun enseignement visant à promouvoir précisément, la notion de solidarité dans les esprits. Il est pourtant évident que cette solidarité fait encore défaut à notre société bien que nécessaire à l’harmonie sociétale de tout pays.

 Nous rappelons au lecteur que ces quatre opérations furent les 120 jours pour équiper nos hôpitaux, les 90 jours pour équiper nos centres de formation technique, la quinzaine de solidarité nationale pour venir en aide aux plus démunis et l’opération Djakpata de nature sécuritaire. Elles s’étaient bousculées, comme dans un mouchoir de poche, entre les années 2012 et 2013, à un moment où nous-même, menions à tue-tête, une campagne accrue dans la presse en faveur de la notion de solidarité citoyenne. Ces événements avaient offert l’enseignement qu’ils portaient aux gouvernants ; et ceux-ci n’avaient pas su le retenir pour édifier le peuple en matière de solidarité. Et voilà qu’aujourd’hui, nous avons grand besoin de cette valeur pour faire face à cette pandémie qui nous guette. La solution à toute crise nationale, sanitaire en l’occurrence, a toujours été la solidarité, l’esprit de solidarité préexistant. N’est-ce pas que l’adage nous apprend que gouverner c’est prévoir et que ne rien prévoir, c’est courir à sa perte ?   Dans la présente réflexion nous nous proposons de soumettre au jugement des Autorités dirigeantes, quelques mesures que, nous aimons à croire, seront de quelque utilité, si d’aventure elles n’y avaient pas déjà songé.

Publicité

Le mental de la population dans cette crise

Nous faisons partie de ceux qui pensent que le mental de l’individu est déterminant dans la résolution du problème qui l’affecte ; et le mental du peuple, en ces moments, est à l’anxiété. Les citoyens voient le mal déferler un peu partout ses ravages et ils redoutent qu’il en vient à les décimer, d’un moment à l’autre. Et ils savent que leur pays manque, tout à la fois, de ressources techniques, financières et sociales pour y faire face, d’où leur anxiété. L’anxiété fragilise déjà la santé et, en la matière, chaque couche sociale en a pour son compte. Les plus fortunés d’entre nous réalisent enfin qu’en dépit de leur aisance financière, ils ne peuvent plus, par la force des choses, quitter le pays quand bon leur semble, pour aller se faire soigner en Europe ou aux Etats Unis d’Amérique. Par ce mal, nous comprenons finalement par la force des choses, et à notre corps défendant, l’égalité de tous devant la maladie. Il nous fait, en outre, toucher du doigt le problème de l’équipement de nos hôpitaux que nos Autorités n’ont jamais pris au sérieux depuis la soixantaine d’années que nous avons acquis notre souveraineté politique et que nous avons pris en mains notre destinée ; cela tout simplement parce que la volonté politique manquait d’autant que ceux qui nous dirigeaient avaient la facile solution du billet d’avion que ne permet pas le virus qui nous cloue là où nous sommes. L’anxiété pour le citoyen ordinaire reste celle de toujours : où trouver l’argent pour se soigner avec, cette fois-ci, le facteur aggravant de la hantise de se prémunir, à chaque instant, contre une maladie déjà dans le pays et dont il craint qu’elle l’atteigne à tout moment et qu’elle l’emporte. Fasse le ciel et vivement que l’hôpital de renommée internationale initié par le présent gouvernement dans son programme d’actions sorte de terre ; nous lui en saurions gré.

Moyens techniques requis et retour à l’esprit de l’opération 120 jours pour équiper nos hôpitaux de 2012

Comme les faits sont têtus et nous reviennent toujours, lorsque nous n’en tirons pas les enseignements qu’ils nous offrent, nous sommes bien contraints de faire marche arrière et de revenir à l’esprit de la solution que préconisait l’opération des 120 jours en 2012 pour équiper nos hôpitaux. Nous apprécions alors à sa juste valeur, l’initiative de la Présidence de la République qui, par un communique, fait appel aux dons financiers en ouvrant à cette fin, un compte dans les livres de la direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique et aux dons en nature en demandant aux donateurs de les remettre au Ministre de la Santé. Nonobstant le bien-fondé et l’opportunité de cette disposition qui, il faut bien le dire toutefois, est laissée à l’appréciation et à la discrétion desdits donateurs, nous aurions suggéré que le Ministère de la Santé définisse clairement ses besoins en la circonstance et les publie. Il pourrait faire des prévisions précises pour l’équipement complet d’une cinquante d’unités de réanimation, par exemple.

Financement des besoins

Partant du principe que l’Etat aura des difficultés à faire face à toutes les implications financières de cette crise sanitaire, nous suggérons que le cout de ces besoins ainsi définis par le Ministère de la Santé, soit réparti d’office, après pourparlers bien entendu avec elles, sur les grandes firmes de la place à raison de de leur surface financière quitte à ce que l’Etat convienne avec elles de la manière de déduire leur contribution, en partie ou en totalité, de leurs impôts. En effet, nous ne sommes pas dans le cas de figure d’une levée de fond banale dans une ambiance festive où il est annoncé avec la plus grande publicité, les noms des donateurs ; nous sommes en situation d’urgence anonyme nous autorisant à faire payer les sociétés qui s’enrichissent de la consommation que font la population entière de leurs produits. Nous sommes en situation d’une extrême gravité et l’on ne saurait nous opposer que ces sociétés pourraient se sentir brimées. Il ne s’agit pas d’un hold up sur leurs avoirs, mais d’une avance qu’elles se devront de consentir à l’Etat pour sauver des vies humaines y compris la leur. Le peuple sera ainsi rassuré de savoir que l’Etat a pris des décisions hardies et qu’il n’est pas à la merci des seuls dons qui pourront ou qui pourront ne pas se manifester, alors que la maladie, elle, est bien là.  

Des gestes forts

Ne serait-il pas indiqué que l’Autorité Centrale obtienne de tous les membres de l’Exécutif et de l’Assemblée nationale d’offrir une partie, disons la moitié d’un mois de rémunération à l’Etat, dans le cadre de cette participation qu’il sollicite lui-même par communiqué de presse. Il serait, en effet, de bon ton et élogieux que l’Etat commence par donner l’exemple lui-même, d’autant qu’en la circonstance nous sommes tous logés à la même enseigne ; le virus attaque indistinctement. Ce faisant les Autorités se donneront l’occasion de se rapprocher du peuple et le peuple lui en sera redevable, en quête qu’il est de se sentir protégé dans cette situation difficile. Sauf défaillance de mémoire de notre part, nous n’avons jamais, mais au grand jamais, entendu parler d’un tel geste de solidarité des gouvernants avec le peuple tout au long de notre histoire politique, celle du Dahomey d’alors comme celle du Benin d’aujourd’hui, tandis qu’il est monnaie courante dans bien d’autres pays dans les situations de crise. L’action sera alors inédite et, partant, fera date à l’actif du régime de la rupture.

Publicité

Et pour ne pas donner l’impression que dans cette situation redoutable, nous cherchons à décharger toute responsabilité sur les seuls gouvernants alors que nous sommes tous concernés, nous suggérons qu’après une courte période de sensibilisation à la hauteur de l’urgence de la situation et fondée sur la nécessaire solidarité en l’occurrence, l’Etat ampute du quart, la rémunération d’un mois à tous ceux à qui il verse des salaires. Il est bien entendu que tous ces gestes forts que nous proposons sont palliatifs et ne s’expliquent que dans la mesure où le chef de l’Etat nous a fait comprendre qu’il sera difficile de faire supporter par le budget national, la charge de toutes les mesures que prennent les autres Etats. Au demeurant, je ne pense pas qu’il ait dit qu’il ne sera pas en mesure de faire face à la situation ; mais, me semble-t-il, que l’état de nos finances ne permettra pas de supporter toutes le charges d’un confinement généralisé aussi a-t-il limité ses recommandations en ce sens aux personnes du troisième âge.  Nous ne sommes pas en situation politique ; nous sommes en situation de crise sanitaire et nous n’avons d’autre alternative que nous serrer les coudes. Il convient de rassurer le peuple en lui faisant comprendre aussi que nous ne sommes pas seuls dans cette épreuve comme un diable dans l’eau bénite et que l’Union africaine de même que l‘Organisation Ouest Africaine de la Santé sont à nos côtés.

Autres gestes utiles

L’on nous demande de nous laver les mains à plusieurs reprises dans la journée et de mettre au lavage systématique, les vêtements que nous avons portés au cours de la journée. Mais pour cela, il nous faut, tout au moins, consommer beaucoup d’eau.  Ne pourrait-on pas donner des directives a la SONEB pour abaisser quelque peu sa tarification du mètre cube pendant un laps de temps ? Ne pourrait-on procéder tout autant généreusement à la distribution de pains de savon dans les villages où l’eau courante n’est pas encore disponible ? Peut-être pourrait-on également étudier avec la SBEE si quelque chose peut être fait en faveur de ses clients car beaucoup de travailleurs sont mis en chômage technique sans qu’aucune structure prenne en charge leurs salaires ; aussi ne serait-il pas décent qu’en cette période si éprouvante, la SBEE ordonne des coupures d’électricité aux ménages. Le virus n’autorise pas à ne pas payer ses impôts, il est vrai, mais le citoyen craint de se rendre dans les locaux de recouvrement en raison du grand nombre de contribuables qui s’y bousculent habituellement alors que la consigne est à la distanciation. Peut-être pourraient-on demander au service des impôts de suspendre les pénalités pour retard de paiement ? Autant de mesures que le peuple appréciera et dont il sera, à n’en pas douter, redevable à l’Etat.

Une question turlupinante

Si nous avons bien suivi les différents compte rendus du Ministère de la Santé et si nous ne nous abusons, tous les cas de coronavirus constatés jusqu’alors proviennent de personnes revenues de l’étranger et mises en quarantaine dans les hôtels. ‘’ Ces gens revenus de l’étranger et en violation des recommandations du gouvernement se font héberger dans le pays augmentant les occasions de contamination massive’’ nous a dit le Ministre. Par ailleurs, les chiffres révèlent que les contaminations explosent au cours du premier mois de la manifestation du virus. En un mois, l’Italie est passée de 21 cas à 86 498 et la France de 18 cas à 32 964 ; et c’est en ces moment-là que ces pays ont décidé de fermer les frontières aériennes, après une brève période d’annonce. Si nous sommes bien informés le virus est chez nous depuis bientôt un mois. Mais alors, pourquoi ne fermons-nous pas notre aéroport dès à présent ? L’expérience des autres ne pourrait-elle nous servir ? En tout état de cause, nous ne doutons guère que cette éventualité a déjà été étudiée par les Autorités dirigeantes et qu’elles décideront de son opportunité, à bon escient, le moment venu.

En définitive, cette petite bête de coronavirus qui nous empoisonne la vie mérite que nous tous, comme un seul homme, supportions, en geste de solidarité nationale massive, la stratégie et les efforts du gouvernement pour y faire face.

Ambassadeur Candide Ahouansou

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité