Le président et son fidèle ministre des finances parlent beaucoup des agences de notation ( Moodys, S&P, Fitch) et de la notation par ceux-ci des risques des pays et de la dette dite « souveraine ». L’enjeu est pour eux de pouvoir emprunter à des taux bas et flots continus sur les marchés, sans que l’on regarde leurs politiques… voire l’utilisation qui est faite des fonds levés. Ils se vantent de l’émission de 500 millions d’euros sur le marché des eurobonds 2019. Selon le journal Bloomberg, le BENIN avait dans les tiroirs une émission encore plus importante au cours du second trimestre de 2020, ce après avoir émis sur le marché local 780 milliards de francs CFA de bons et OAT sur le seul premier trimestre 2020.
Si on écoute Wadagni, c’est à peu près ceci « J’aurais moins de revenus, ma capacité de remboursement est réduite, mais ce que je veux / préfère, c’est que vous augmentiez ma ligne de crédit ( Droits de Tirage Spéciaux), mes Crédits –à taux réel préférentiel- ou concessionnels , etc… parce que ma situation ( instabilité politique et mauvais choix d’investissements, profil d’emprunteur…entrainant une mauvaise notation) ne me permet pas d’emprunter beaucoup et à bas taux sur les marchés ( même si la demande actuelle dopée par la chute du marché des actions semble être favorable). Réduire le poids de la dette pour me permettre de consacrer une part plus importante de mon budget à l’éducation et à la santé –au lieu du remboursement de la dette accumulée-, m’intéresse assez peu« . Assez intéressant comme cynisme et mépris des souffrances du peuple…( quoiqu’on puisse penser par ailleurs du cycle dette-effacement auquel nos pays sont soumis)
En gros, on double la mise et les risques en ouvrant les vannes du crédit à des gens qui ne donnent pas la preuve de leur capacité à payer durablement et en toutes circonstances!
Notre dette est notée B2 chez MOODYS , c’est-à-dire spéculatif ou hautement spéculatif, et cette notation malheureusement réduit notre capacité à emprunter sur les marchés, et les taux auxquels nous pouvons emprunter sont plus élevés.
On peut comprendre que le poids de l’oligopole des trois principales agences occidentales de notation ( MOODYS, S&P, FITCH) et les conséquences de leur décision d’appréciation des risques –notamment de défaillance- soit l’objet de critiques et questionnements.
Mais au lieu de pleurer comme des enfants et suggérer que les agences de notation sont « injustes », que le FMI et autres ne font rien pour les « rappeler » à l’ordre, peut être devons-nous nous demander, pourquoi notre dette est considérée à haut risque, c’est-à-dire de la même catégorie spéculative que les « junk bonds » ou obligations pourrie (et donc « justifierait » un taux d’intérêt plus élevé) et que pouvons-nous faire pour éviter cela ( au delà des conférences et articles)?
Quand nous aurons répondu à des questions comme celles citées plus bas et d’autres, nous comprendrons pourquoi le Botswana est noté A ou « Investment Grade » -catégorie investissement-, juste en dessous de la France ou des USA et pourquoi nous sommes trois niveaux (BBB,BB,B) en dessous, et peut être qu’on va s’atteler à construire une économie forte dans une société politiquement et socialement stable plutôt que de faire les fanfarons sur les tribunes à Nairobi ou Dakar ou dans des journaux comme JA.
Parmi les critères de notation, il y a la stabilité institutionnelle et l’appréciation des perspectives économiques et surtout de la capacité de résistance aux chocs économiques et financiers (tout en continuant à payer ses dettes).
Le Benin de Talon et la stabilité institutionnelle
- Pouvons-nous dire que le Bénin bénéficie de stabilité institutionnelle quand l’insécurité juridique règne en maître, avec les procureurs tout puissants, des tribunaux d’exception, des procédures qui interrogent tout juriste ou honnête personne, l’impossibilité de raisonnablement à prévoir ce qu’une décision de justice sera sur la base des lois et des preuves ( un juge dira –je paraphrase- « je peux me passer de preuves et décider sur la base de ma seule conscience » a propos de l’affaire Mêtonou et de celle dite de dépassement des frais de campagne)
- Pouvons-nous parler de stabilité institutionnelle quand on change de loi électorale à chaque élection, quand on manœuvre pour avoir un parlement monocolore à sa botte ?
- Pouvons-nous parler de stabilité institutionnelle quand on se retire d’une institution judiciaire quand les décisions ne nous plaisent pas ?
- Pouvons-nous parler de stabilité institutionnelle dans un pays ou selon l’humeur du prince, les journaux critiques du pouvoir sont interdits, les journalistes jetés en prison, les radios fermées, les télévisions empêchées de diffuser sur le territoire ?
- Pouvons-nous parler de stabilité institutionnelle avec un parlement quand on a des manifestants tués par tirs de balles automatiques en pleine ville ?
Perspectives économiques et capacité de résistance aux chocs
Nous n’allons pas nous adonner à un exercice de spéculation sur nos perspectives économiques sur la base de projections hasardeuses de taux de croissance comme notre président l’a fait à la tribune de l’assemblée, en affirmant en Décembre 2018, alors même que les comptes de la nation n’étaient pas encore clos «
“ Cette tendance haussière irréversible ( souligné par nous) permettra indubitablement (souligné encore par nous) à notre pays de franchir, en 2019, le seuil de 7%, nécessaire pour engager durablement une réduction de la pauvreté.” (sic).
Interrogeons-nous plutôt sur notre capacité de résistance aux chocs économiques et financiers à travers quelques questions prises au hasard !
- Avons-nous la maitrise de notre politique monétaire de façon à pouvoir utiliser les instruments de politique monétaire en cas de choc ?
- Pouvons-nous résister à des chocs aussi simples que l’absence de pluies quand nous dépendons largement d’un produit agricole et n’avons pas de système d’irrigation ?
- Pouvons-nous résister à des augmentations de prix externes sur des produits aussi basiques que la farine de blé pour le pain, le riz quand nous importons une grande part de ce nous consommons?
- En misant tout sur le tourisme, pouvons-nous résister à un assèchement temporaire ou durable de la demande externe ?
- Dans quels domaines, industrie, ou pour quels produits avons-nous un avantage compétitif nous permettant d’avoir un « pricing power » c’est à dire la capacité de contrôler les prix, voire la demande ?
- Avons nous une production variée permettant de balancer les variations de demande de l’un par l’autre ?
- Sommes nous déjà capable de nourrir notre population ?
- Avons une main d’œuvre qualifiée de façon exceptionnelle, ne serait ce que dans un secteur, permettant d’en faire un élément attractif d’investissement locaux ou d’investissement directs étrangers, un atout maître?
- Avons-nous un large marché directement ou par le biais de l’intégration régionale, qui serait spécialement attractif pour des investissements locaux et ou direct étrangers, et permettrait des économies d’échelle ?
- Avons-nous donné la preuve d’une saine gestion de notre économie, limitant la corruption, offrant des chances ou opportunités égales –fut ce en théorie?
On nous dira que c’est le problème de l’œuf et de la poule c’est-à-dire que pour construire une économie forte, on a besoin de financement – de préférence à bas coût- et pour avoir du financement à bas coût , il vaut mieux avoir une économie forte. Peut-être et c’est là un autre débat.
Mais nos gouvernements ne contribuent ils pas largement à l’instabilité politique, une des composantes majeures de la notation ?
Nos gouvernements n’ont-ils aucune responsabilité dans la définition et la mise en œuvre des politiques économiques, dont les choix et résultats déterminent la notation ?
Est un hasard si le Botswana, malgré un taux de croissance du PIB de 4.5% seulement en 2018 contre les 6,86% claironnés chez nous, a l’une des meilleures notations sur le continent ,et est aussi considéré le moins corrompu ? A un moment ou nos députés de légitimité douteuse, s’affranchissent de la simple déclaration de patrimoine, le message est clair…
Est-ce un hasard si le Botswana est 39eme (deuxième catégorie) dans le classement de RSF en matière de liberté de presse quand le Bénin dégringole à la 113eme place ?
Est-ce un hasard si le Botswana consacrait jusqu’à 40% de son budget à l’éducation quand le Bénin de Mr Talon y consacrait moins de 20% en 2018 ?
Est-ce un hasard si le Botswana consacrait jusqu’à 9% de son PIB a l’éducation quand le Bénin de Mr Talon y consacrait moins de la moitié avec 4,04% en 2018.
Notons qu’il s’agit de ratios et donc la différence n’est pas dans la richesse ou pauvreté des deux pays, mais les choix budgétaires, la politique économique qu’ils traduisent et induisent.
Comme on le voit, il ne suffit pas de proclamer des taux de croissance du PIB supposés mirobolants pour se faire attribuer des notations de type catégorie investissement (investment grade ou A et plus)
La responsabilité de nos gouvernants ne peut être si facilement écartée et se défausser sur les agences de notation ou demander l’augmentation des DTS pour construire un boulevard derrière la présidence ou des baies artificielles a Avlékété, tout en exportant du coton brut, et en achetant des engrais importés ( et distribué par des sociétés liées au président), ne paraît pas la voie pour accroître notre capacité de résistance aux chocs économiques et financiers ( garantissant notre capacité à rembourser en tout temps ).
Injecter des milliards empruntés, -fut ce à un taux d’intérêt relativement faible- dans des secteurs et des produits qui accroissent notre vulnérabilité économique au lieu de la réduire. comme le coton brut dont on se vante d’être devenu le premier producteur en Afrique, investir dans des projets clinquants ( asphaltage et cailloux scandinaves destinées à créer des baies artificielles pour touristes virtuels) au lieu d’investir dans nos ressources humaines –par l’éducation et la santé notamment- ne nous parait pas la voie pour améliorer notre notation pays.
Au-delà des notations, l’enjeu est le progrès économique et social de notre pays et nos peuples, et non l’enrichissement d’une minorité profitant d’injections temporaires de capitaux gérés dans l’opacité totale à des fins peu ou pas productives pendant que la misère s’accroît et s’approfondit, le minimum démocratique est déchiré en lambeaux, plaçant le pays sous une chape de plomb.
Nous sommes convaincus que comme l’indique le dicton, quelle que soit la longueur de la nuit –et elle a déjà duré quatre ans-, le jour finit toujours par se lever. Le Bénin et les Béninois l’ont prouvé et le prouveront encore.
Jean C. F. Houessou
Consultant Atlanta Usa
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