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Régime parlementaire ou présidentiel en Afrique Noire francophone: un débat utile

La question du régime politique le plus adapté en Afrique Noire francophone en général et au Bénin en particulier apparaît comme un débat intéressant dans la mesure où, à l’appel pressant des uns pour un régime parlementaire au regard du constat de l’échec des initiatives de rectification du régime politique actuel pour le rendre moins monarchique, moins présidentialiste, répondent en écho les tribunes et commentaires des autres qui estiment que le régime parlementaire ne résoudra rien. 

Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution

Ces pugilats intellectuels ne sont pas sans rappeler une réflexion d’un grand maître de Droit public béninois, qui pointait du bout de sa  respectueuse plume, une inclinaison dans nos pays africains francophones à l’hypertrophie du débat politique et constitutionnelle, comme s’il y avait des constitutions parfaites et qu’il suffit d’atteindre ce niveau de perfection constitutionnelle et le bonheur des peuples suit. Le maître finissait en faisant le constat désabusé que si on interroge un Sénégalais sur la situation de son pays, en guise de réponse il parle de remaniement ministériel, de querelles ou de limogeages politiques et on pourrait ajouter de révision constitutionnelle et de financement des partis politiques, au contraire du Marocain qui parle plutôt d’éducation, de santé, de salubrité, d’ordre et de discipline (M. N., Bénin : Commission des réformes, le zapping des financiers, 2016).   

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Mais si on en est encore là, c’est sûrement parce que contrairement aux américains qui, malgré les imperfections de leur Constitution, s’y identifient et « s’y adaptent comme les soldats s’adaptent à leurs brodequins » (in M. N., Donald Trump ou les trompettes de Jéricho, 2016), le Sénégalais ou le Béninois ne se satisfait pas de la Loi fondamentale qui gouverne la société à laquelle il appartient. Les retouches constitutionnelles à Dakar, Cotonou, Abidjan ou Conakry ne réussissent toujours pas à stabiliser les institutions, ne s’adaptent aux hommes ni n’emportent véritablement leur adhésion : les crises politiques perdurent encore dans ces pays malgré les embellies infrastructurelles et les bonds économiques vantés au bord de la lagune Ebrié à Abidjan, au bord de l’Océan Atlantique à Cotonou ou dans l’ancienne Capitale de l’Afrique occidentale française Dakar, n’y changent rien. La conclusion qui se dégage est qu’un Chef de famille peut utiliser les cotisations familiales pour refaire les murs de la maison familiale, mais cela ne suffit  pas pour les épanouir tant que les membres ne s’identifient pas dans des règles qui régissent le fonctionnement de la Cour commune, s’ils doivent faire allégeance au chef de famille pour profiter du puits familial, s’ils doivent raser les murs dans la maison construite avec la cotisation de tous, si certains ne peuvent pas venir visiter leurs parents restés dans la maison familiale par crainte de subir la foudre du chef de famille, si certains doivent constamment fuir la maison familiale juste pour avoir heurter les susceptibilités du chef de famille ou si les règlements de litiges au sein de la famille sont fonctions des ressentiments du Chef de famille. La multiplication des dialogues politiques sur le continent est une illustration de l’imperfection congénitale d’un système qui manque de ressources pour fédérer par lui-même les énergies. 

Avant de progresser dans la réflexion, il faut à la vérité admettre aussi qu’au-delà de la crise des institutions, il manque à notre classe politique tout bord confondu sur le continent, pour paraphraser une élue française, Aurore Berger pour ne pas la citer, les repères pour établir une gouvernance « qui efface ses combats personnels au bénéfice des seuls combats qui vaillent : ceux de notre collectif »( Lettre d’officialisation de candidature à la présidence du groupe LREM à l’Assemblée nationale, AFP,  cité sur www.lepoint.fr, Bergé, Castaner, Rugy : Le trio qui se dispute la présidence du groupe LREM, 1er août 2020)  . Ce qui est frappant c’est l’incapacité de la classe politique tous les bords confondus à prendre conscience du lien d’interdépendance nécessaire au déroulement du jeu politique, de la nécessité d’un système politique et partisan unique, où chaque partie/parti a un rôle à jouer au bénéfice du peuple qui ne cherche qu’à vivre non pas une démocratie d’exclusion ni une démocratie d’unanimité, mais une démocratie de choix ou de raison, où la contradiction est au service de la lumière, des idées.

C’est un fait, bon nombre d’armées européennes ne sont pas prêtes à se lancer dans un conflit à haute intensité. Aujourd’hui, le manque de moyen se fait cruellement ressentir. Entre armement lourd et munitions, certains pays sont même dans des situations pour le moins très complexes… De plus en plus… Lire la suite

L’image souhaitée est comparable à celle d’un championnat de football où les supporters, les spectateurs ont besoin que les joueurs, ou les équipes s’affrontent dans le cadre d’une saine compétition et où l’arbitrage est le plus équitable possible. La compétition politique doit être aussi belle qu’un beau match de football et la démocratie aussi éclatante, enrichissante et animée qu’une Champion League. Mais faute de n’avoir pas intégré cela dans son logiciel le personnel politique se perd, peut être de bonne foi, dans des combats sans fondement, des aventures  stériles, des selfies politiques, l’autosatisfaction injustifiée, les chochottes au risque d’apparaître ridicule aux yeux de la grande masse, qui fait mine de ne rien voir. Pour reprendre les propos de Florent Couao-Zotti, « la démocratie, c’est comme l’herbe qui pousse dans l’arrière-cour. Elle existe, sans doute, mais reste dramatiquement inutile » pour la majorité silencieuse. En réalité, l’habitude du vote s’accomplit avec dignité pour la cette masse invisible qui n’y gagne rien et n’en attend rien non plus. De manière plus significative, la désaffection pour la chose politique est à la hauteur de la baisse continue des taux de participation, enregistrés pour les différentes élections sur le continent (Florent Couao-Zotti, article en ligne, Bénin- Entre la population et les hommes politiques : qui sera le dindon de la farce ? disponible sur www.courrierdesafriques.net,  28 janvier 2016).   

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Lorsqu’on s’essaie à l’analyse du bilan du processus enclenché de 1990 en Afrique en général et au Bénin en particulier, on peut avancer que le constituant de 1990 a le mérite d’avoir mis en place un régime qui formalise des pratiques ayant sorti le pays de la malédiction des coups d’Etat ou encore de l’étau de la dictature du marxisme-léninisme. Mais les vieux démons ne sont jamais loin et l’apparition de réminiscence fait craindre un retour vers des pratiques bannies par l’histoire. Tout ceci ressort les traits qui fondent la nécessité du débat sur le régime politique le mieux adapté à notre Société. Et comme l’a décrété le peuple français à la convention en 1793, une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. 

Dans ce débat, le premier réflexe doit être de questionner l’histoire pour connaître les origines de ses deux types de régime, notamment les régimes présidentiel et parlementaire, les mobiles du choix du régime présidentiel en Afrique Noire francophone et les ajustements possibles et pourquoi pas un changement de régime.

Les régimes politiques sont le produit de l’histoire de chaque peuple et ils doivent s’adapter aux exigences des peuples

Le prototype du régime qui a inspiré le régime présidentiel béninois est le régime américain.  Les américains ont fait en sorte que le Président, émanation du choix des Etats (via le système des grands électeurs adossés à la volonté émanée des Etats et non des partis politiques), soit détenteur des pouvoirs liés au domaine régalien (monnaie, commerce extérieur, diplomatie, défense), afin d’être la figure de proue de cette puissance des Etats désormais unis au sein d’une Fédération et affranchie de la tutelle de la Couronne britannique. La formation du cabinet de l’exécutif ne dépend donc pas d’une coalition partisane dans laquelle l’ex colon britannique ou des courants politiques influencés par lui et siégeant au Congrès pourrait avoir une influence déterminante.  Si l’idée d’indépendance des Etats composant la Fédération excluait de facto, le régime parlementaire qui pourrait voir émerger des coalitions politiques avec des élus proches de l’ex colon, il n’était pas non plus question de remettre en cause l’autonomie des Etats au sein de la Fédération.

S’inspirant des thèses du philosophe français Montesquieu sur la séparation des pouvoirs, le régime présidentiel américain fonctionne suivant une organisation des pouvoirs selon la doctrine des checks and balance qui organise un vrai équilibre entre les pouvoirs politiques et judiciaires, entre l’exécutif et le législatif, entre le pouvoir fédéral et les Etats fédérés.  Ainsi, une double limitation du pouvoir est instituée : d’abord au plan horizontal avec une distribution des pouvoirs avec un pouvoir législatif  exercé par la Chambre des Représentants et le sénat qui contrôlent le président, légifèrent, donnent leur avis sur les nominations aux hautes fonctions et peuvent engager la responsabilité du président en cas d’impeachment ; le pouvoir judiciaire (sous l’autorité de la Cour suprême) étant chargé entre autres de faire respecter la constitution, garantir les libertés individuelles qui sont particulièrement importantes pour  la société américaine.  En sus de la distribution horizontale du pouvoir entre les organes législatif judiciaire et exécutif, il y a une distribution verticale du pouvoir qui permet la diffusion du pouvoir entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés et entre l’Etat fédéral et leurs municipalités.

Là encore la Cour suprême comme un drone,  surveille l’Etat fédéral pour contrecarrer d’éventuels empiétements dans les domaines de compétences constitutionnellement protégées des Etats fédérés. En définitive, si le Président des USA détient les pouvoirs importants dans les domaines régaliens en référence à la volonté des pères fondateurs de confier les pouvoirs régaliens à une autorité dont la légitimité repose sur la volonté exprimée par les (grands électeurs des) Etats, son périmètre d’action est strictement  limité à l’horizontal par les organes du pouvoir législatif et la justice est suffisamment indépendante pour défendre les libertés des individus et limiter son influence au plan vertical sur le fonctionnement des Etats fédérés. C’est ce qui fait que malgré un texte laconique  constitué d’un bref préambule, sept articles divisés en section et enrichis par 27 amendements, les Américains ont bâti la plus grande puissance économique et militaire du monde tout en étant un pays de Liberté, le leader du monde libre. 

L’expérience du régime présidentiel n’a pas toujours été historiquement concluante au plan des libertés.

En France sous la II e république, la mise en œuvre de ce régime fut la conséquence du coup  d’état de Louis-Bonaparte Napoléon. Lorsque par nostalgie, le neveu de l’empereur Napoléon est élu Président de la République  parce qu’il évoquerait la gloire nationale, la garantie révolutionnaire et le principe d’autorité selon Guyzot, il s’est très vite affranchi de l’interprétation parlementaire de la Constitution. Celui-ci qui n’était pas non plus disposé à se conformer aux dispositions de l’article 45 de la Constitution de l’époque, interdisant toute réélection immédiate s’inventa une solution extraconstitutionnelle, après une tentative de révision de la constitution qui lui fut refusée en juillet 1851 par l’Assemblée. Le 2 décembre 1851,  Louis Bonaparte Napoléon organise un coup d’état meurtrier qui ôte la vie à 300 à 400 personnes rien qu’à Paris et fait 25 000 arrestations. C’est dans ce contexte qu’il organisa un référendum qualifié de plébiscite qui dote le pays d’une constitution qui consacre la primauté présidentielle. Dans la constitution de 1852, les arguments des pourfendeurs actuels du régime parlementaire en Afrique noire francophone  sont repris presque mot pour mot : le régime parlementaire y est dénoncé comme un facteur d’instabilité, inadapté à la France et condamné par l’histoire nationale. C’est donc en fustigeant le régime parlementaire que Louis-Bonaparte Napoléon arrive à imposer son pouvoir, réprimant toute contestation à l’aide des soldats, et se faisant élire avec l’aide des paysans. La terreur et la peur sociales ont fini par montrer leurs limites, ce qui a conduit le président entre temps proclamé empereur à faire évoluer le régime vers un empire parlementaire. 

On comprend l’exaltation des constituants d’après, pour le parlementarisme qui a ses origines en Grande Bretagne et qui s’est rapidement diffusé en Europe -ayant été jugé plus représentatif-. Faut-il le rappeler, le régime parlementaire britannique est le fruit d’une consolidation coutumière des pratiques.  Après un siècle de monarchie absolue, les traits du parlementarisme s’y sont affirmés après plusieurs mutations,  d’abord avec la procédure d’impeachment apparue au 14e siècle pour permettre la mise en accusation des ministres. Après l’abolition de la fonction royale et la dictature du Cromwell, l’armée restaure la monarchie qui doit accepter de partager les pouvoirs avec les chambres. Au début du 18 e siècle, les ministres, restent responsables devant le seul monarque. Le tournant a été effectué avec l’accession de la Maison de Hanovre, une famille royale qui en raison de ses origines allemandes ne parlait pas l’anglais et donc ne s’intéressait pas à la gestion courante. Cet état de fait va acter l’autonomie du ministère et la transformation de l’impeachment en responsabilité politique d’abord individuelle des ministres puis collective du cabinet. La pratique du contreseing permettait au Ministre de porter la responsabilité politique des actes qui concernaient son domaine devant les chambres vu que les titulaires de la Couronne en raison du handicap de la langue ne s’intéressaient pas particulièrement à la gestion des affaires politiques. Mais le parlementarisme dualiste qui découle de ses évolutions et caractérisé par la double responsabilité du cabinet devant le Roi et devant les chambres ne va pas résister à l’échec de la dissolution royale de 1834. Face à l’échec de cette dissolution qui a tourné à son désavantage, la monarchie s’efface tandis que les évolutions vont faire du régime, un régime parlementaire moniste. Désormais le premier ministre et son cabinet ne sont plus responsables devant le roi mais uniquement devant la chambre des communes. 

Quels enseignements pour le Bénin et les pays de l’Afrique ?

Le premier enseignement qu’il faut tirer de tout ça c’est que les régimes politiques sont le produit de l’histoire de chaque peuple et surtout qu’il est vain de chercher à répliquer un modèle car les circonstances de leur adoption sont spécifiques à chaque contexte. Ensuite ceux qui reprennent les arguments du risque d’instabilité liée au régime parlementaire reprennent les mêmes arguments dont Louis Bonaparte Napoléon a usé pour imposer sa constitution présidentielle qu’il a abandonnée plus tard pour un empire parlementaire plus libéral au regard des lacunes évidentes et de son inadaptation au contexte politique de l’époque. Enfin, il est courant d’entendre les uns et les autres se plaindre de la multiplicité des partis politiques et surtout de la construction des majorités parlementaires sur des sables mouvants pour rejeter le régime parlementaire ou faire le procès du système partisan en Afrique Noire francophone. 

Il ne doit pas échapper aux uns et aux autres que l’un des enseignements les plus élémentaires issus de l’étude des modes de scrutin est que la représentation proportionnelle destinée à répartir les sièges en fonction du poids effectif de chaque parti présente l’avantage de l’égalité mais l’inconvénient de l’éclatement, d’une fragmentation de la représentation. Le choix du constituant béninois en 1990 est le choix du multipartisme intégral avec pour corolaire de donner la chance à tous les partis politiques d’être représentés d’où le choix de la proportionnelle.

Les grands partis peuvent contrecarrer cette fragmentation s’ils sont bien organisés et si le système de financement leur permet d’avoir les moyens de rassembler de larges secteurs de l’électorat, sans qu’il soit besoin de remettre en cause la volonté exprimée dans les circonscriptions électorales. En Allemagne,  au Portugal, en  Suède, les grands partis dominent et alternent au pouvoir malgré l’institution du scrutin proportionnel sur fond de parlementarisme. Autrement, c’est le système majoritaire qui permet d’avoir une représentation claire, favorise les grands partis politiques, élimine les petits partis. C’est ce système qui est pratiqué aussi bien en France qu’au Royaume Uni avec des variantes. Il est donc surprenant que les solutions proposées s’écartent des standards connus et optent pour des « curiosités juridico-politiques », des « ovni politico-juridiques ». 

De l’observation lucide de la trentaine d’années de pratiques démocratique en Afrique, on peut sans se tromper faire le constat désolant mais non complaisant que non seulement nos pays ne sont pas les mieux classés en matière de développement mais de graves reculs démocratiques ont été enregistrés au fil du temps. Il n’y a aucune fierté à priver de dignité, de fierté et de liberté des personnes qui vivent dans la précarité : Le célèbre chroniqueur de RFI, Mamane ne me démentirait certainement pas si j’avançais que dans la capitale de la très très démocratique République du Gondwana, on peut voir à la télévision des images surréalistes de manifestations se transformer en scènes de tirs, dignes d’un Western, ou passer une soirée Halloween sans rien soupçonner et se réveiller le lendemain en apprenant de façon abrupte que la veille le code du vivre- ensemble, la Constitution a été modifiée par des élus d’une seule obédience politique, rassemblés dans un palais transformé en forteresse imprenable au cœur d’une capitale aux allures de ville fantôme pour la circonstance, sur instruction du Président fondateur. Sortons de la République imaginaire du Gondwana pour constater que de façon générale, les décisions en matière de demande de levée d’immunité parlementaire le sont davantage en fonction de considérations politiques, d’amitiés ou d’animosités politiques que sur une saine appréciation du droit. A Niamey, la Journaliste Samira Sabou a publié sur les réseaux sociaux le 31 juillet qu’elle a passé 48 jours en prison pour un délit « non constitué finalement » de diffamation qui lui est imputé par le fils du Président de la République par ailleurs Directeur de cabinet en second à la présidence. A Abidjan, les prisons peuvent retenir pendant plusieurs mois des parlementaires enlevés par des personnes encagoulées habillées comme de véritables milices et ce aux yeux de tous, sans aucun égard pour la décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, de l’assemblée parlementaire de la Francophonie, des organisations de la Société civile qui dénoncent une procédure qui bafoue les droits les plus élémentaires des personnalités détenues. Conakry vit au rythme de la défiance envers un troisième mandat de l’actuel Président et Bamako bouillonne contre la gouvernance de son Président sous les feux des critiques d’un Imam, Guide religieux dont l’autorité morale surplombe celle de la classe politique en désamour évident avec les citoyens. Face à ces délitements, il n’est pas illogique de réfléchir sur les nouvelles touches à apporter à l’équilibre des pouvoirs sur le continent. Plusieurs alternatives sont possibles :

Le renforcement des contre-pouvoirs au sein du régime présidentiel. 

Les grandes démocraties occidentales offrent des solutions dont la mise en œuvre peut être adaptée au contexte des peuples Bantous. Un dicton dit que celui qui a l’argent détient le pouvoir. Il ne s’agit pas d’accuser les institutions de contrepouvoir de désarmer par opportunisme ou par cupidité. Mais il va sans dire que le pouvoir de dépenser l’argent public doit être strictement surveillé, encadré, contrôlé. Dans certaines démocraties comme en France, au Luxembourg, d’importants pouvoirs d’investigation sont reconnues à la Commission des finances de l’Assemblée qui est confiée aux élus d’opposition afin de permettre un contrôle efficace de l’utilisation des ressources publiques. On dit également que l’information est un pouvoir. Il est important également que l’exercice du renseignement soit contrôlé pour ne pas être utilisé à des fins non légitimes. Aux USA, après une éclatante victoire pour sa réélection Richard Nixon a été obligé de démissionner,  à cause des pratiques illégales d’écoute de ses adversaires, impliquant l’administration présidentielle. Donald Trump a failli voir son mandat écourter pour avoir voulu utiliser sa position pour influencer des décisions de poursuite envers des adversaires politiques L’opinion publique devra attendre longtemps avant d’espérer une telle réaction suite aux investigations du Journal Le Monde Afrique qui révèlent à la suite d’une enquête avec « The Guardian » dans une publication en ligne en date du 3 août 2020, que le régime Togolais a utilisé un logiciel israélien Pegasus pour espionner des religieux catholiques et des opposants. Tout ceci met en avant l’importance d’un contrôle accru de l’utilisation des finances, de l’orientation des activités de renseignement et de l’assurance de leur conformité en lien avec des buts licites.  

On doit également constater, qu’aussi bien aux USA qu’en France, les pouvoirs de nomination du Président de la République ne sont pas laissés à son bon vouloir. En France, la procédure de nomination aux fonctions de juge constitutionnel s’exerce après avis public de la commission compétente de chaque assemblée avec possibilité de véto par  les commissions. Aux USA, le Sénat donne son avis et son consentement sur les propositions de nomination du Président notamment les membres du gouvernement, les ambassadeurs, les hauts fonctionnaires et les juge fédéraux. Les pouvoirs d’investigation qui sont exercés par l’organe législatif en la matière portent sur un total de 60 000 postes. L’examen des nominations est particulièrement sévère à la Cour suprême du fait de l’importance de celle-ci dans le contrôle de constitutionnalité des lois pour éviter tout conflit d’intérêt, tout délit d’initié et autres éléments qui peuvent affaiblir l’office du Juge, affecter son indépendance, sa clairvoyance. Cela explique que le sénat procède à des auditions qui peuvent déboucher sur un refus. En 2018, la proposition de nomination du conservateur Brett Cavanaugh à la veille des élections de mi-mandat, a donné lieu à trois mois d’audition avant l’acceptation définitive du sénat. Les démocraties africaines devraient mieux encadrer les pouvoirs de nomination du Président pour qu’ils ne se transforment pas en une foire à la courtisanerie, en un instrument de confiscation du pouvoir dans une incongruité et une félonie décomplexées et assumées.

La redistribution du pouvoir et le renforcement des autonomies locales

Un regard du côté des pays avancés notamment sur le continent Européen, permet de constater que les constitutions d’après-guerre ont tiré leçon du passé, le Constituant s’étend rendu compte que la représentation nationale, le législateur notamment ne constituait pas une garantie suffisante pour l’effectivité de l’Etat de droit. Ainsi, non seulement les acteurs politiques, les partis politiques, les acteurs de la société civile ont été mis en avant et leur rôle pris en compte dans l’érection de l’Etat de Droit,  mais la structure de l’Etat a été revue dans le sens des autonomies locales. L’expérience allemande où l’autonomie locale a été constitutionnalisée constitue une référence. Ainsi, le constituant germanique reconnaît qu’ « aux communes doit être garanti le droit de régler sous leur propre responsabilité, toutes les affaires de la communauté locale ». Il reconnaît à leur profit la garantie de la libre administration qui englobe les bases de l’autonomie financière comprenant une ressource fiscale revenant aux communes, qui est assise sur les potentialités économiques.  

Les pistes de réforme sur le continent et au Bénin en particulier peuvent concerner la diffusion verticale du pouvoir pour permettre aux partis politiques qui ont un ancrage local d’exercer le pouvoir au profit de leurs mandants conformément à l’expression de la Démocratie Locale. Les pouvoirs des collectivités locales, les modalités de leur financement doivent être constitutionnalisées et les libertés locales érigées en libertés fondamentales garanties et protégées aussi bien par le juge administratif que le juge constitutionnel. La Constitution doit consacrer le transfert effectif des compétences aux collectivités locales qui doivent être administrées librement sans entrave des représentants du gouvernement dont le rôle doit être strictement encadré et exercé sous le contrôle du Juge seul habileté à régler les contentieux entre Etat et les municipalités.  

Les correctifs à apporter au système politique Béninois gagneraient à s’inspirer de ces standards qui ont l’avantage de placer les pays qui les pratiquent au rang des modèles dans le monde. Mais il n’est pas exclu que les réflexions soient axées vers l’option pour le régime parlementaire.

L’institution du régime parlementaire

L’institution du régime parlementaire a l’avantage de permettre d’avoir un gouvernement plus représentatif. Sa stabilité repose sur un système partisan, un système électoral permettant d’aboutir à des majorités stables et cohérentes. Ainsi, un gouvernement autonome vis-à-vis du Président mais responsable devant la représentation nationale qui exerce le pouvoir règlementaire, détermine et conduit la politique de la Nation sous l’œil vigilant du corps législatif en est le principe fondateur. Le Président de la République dans ces conditions sera au-dessus des luttes partisanes, au-dessus de la mêlée. En tant qu’arbitre, garant des libertés individuelles et collectives, il peut avoir un rôle médiateur des crises, garant de l’indépendance de la justice et de la stabilité des institutions. Il pourra alors solliciter la Cour constitutionnelle et la Cour suprême pour avoir leurs avis sur des questions données, proposer des nominations  aux fonctions de juge constitutionnel et dans les autres institutions (HAAC, Cour suprême, cour des comptes),  recevoir les rapports d’activités des différentes institutions,  faire des recommandations, proposer des projets pour des causes dans le domaine social, culturel ou de l’éducation.

Le parlementarisme contrairement à ce qu’on peut penser ne met pas à l’abri de la tentation présidentialiste. Le régime français en est l’exemple parfait. Alors que la Constitution d’Octobre 1958 a entendu instituer un régime parlementaire, la  présidentialisation a été immédiate après l’élection du Général de Gaulle en décembre de la même. Ce dernier  ne se présente plus comme l’arbitre-référence. Cette transmutation a été renforcée par la réforme de l’élection au suffrage universel direct du Président de la République (M. Duverger estime que le régime français est désormais un régime semi-présidentiel), l’apparition d’une majorité parlementaire pour soutenir son action et tout récemment la liaison des élections et mandats présidentiels et législatifs qui rend désormais hypothétique toute idée de cohabitation. 

L’anticipation d’éventuelles dérives est dans la capacité du constituant à instituer des mécanismes de maîtrise des « variables déterminantes » qui peuvent influencer, dénaturer les systèmes mis en place. 

Conclusion : La constitution ce sont les hommes qui la vivifient, la servent ou s’en servent

In fine, la Constitution comme l’a dit un grand auteur, n’est pas une tente dressée pour le sommeil. Il doit correspondre aux aspirations profondes du peuple. Pour cela le débat doit se faire sans complexe et avec toute l’ouverture d’esprit en ayant à l’esprit que le dernier mot revient au peuple souverain.  Mais une chose est certaine et elle dépasse le simple débat juridique. Elle résume toute la problématique des pratiques Constitutionnelles en Afrique : La constitution ce sont les hommes qui la vivifient, la servent ou s’en servent.

Aymar BINASSOUA (Contribution)

Inspecteur des Finances

4 réponses

  1. Avatar de Gombo
    Gombo

    Le débat mérite d’être fait.
    Aucune solution n’est parfaite mais après 30 ou 60 ans on doit se demander comment et pourquoi nous en sommes où nous sommes avec un régime oppressant les individus et les collectivités locales !
    Certes le rôle et la nature des individus est clé.
    La question est comment faire pour que le système fonctionne avec et en dépit des individus que nous avons ?
    La restauration d’un multi partisane véritable est une pre-recondition.
    Le contrôle des nominations une autre.
    Le renforcement et l’autonomie financière des pouvoirs locaux une autre nécessite ( avec peut être une large autonomie financière au niveau département ou région pour tenir compte de la quantité et qualité d’administrateur et contrôleur compétent).
    En tout cas continuer avec le modèle actuel nous-mêmes droit dans le mur comme le montre l’expérience de ce régime.

  2. Avatar de (@_@)
    (@_@)

    Le débat mérite d’être posé dans la catégorie « comment faire mieux » ? ça nous change des sempiternelles litanies sur la colonisation, l’impérialisme international, le scandale géologique de l’Afrique centrale, etc, etc…
    Il y aurait eu matière à 3 voire 4 articles plutôt qu’un seul. Espérons que cette nouvelle tonalité d’article qui pose des questions de fonds, va se poursuivre intelligemment.
    \\\\ ///
    (@_@)

  3. Avatar de Joeleplombier
    Joeleplombier

    Régime parlementaire ou présidentiel ???
    Je ne vois pas l’utilité de ce débat qui n’a pas sa raison d’être.
    Que ce soit l’un ou l’autre : ce sont des hommes qui sont en charge de sa mise en œuvre qui en ont une ou une mauvaise gouvernance
    Pendant ce temps nous nous parlons de développement
    Voyez-vous la différence
    Tchrous
    Je passais
    Le Plombier
    #Klébé_révélé

    1. Avatar de (@_@)
      (@_@)

      Comme tu le dis si bien : « tu parles », le Bénin continue de croitre alentour de 6%, il va baisser du fait de la crise Covid-19, comme le reste du monde. Sur le plan du développement (partage de la richesse), il stagne.
      L’article parle de ce que les béninois estiment avoir perdu : un système qui les laissait libre
      \\\\ ///
      (@_@)

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