Prévue pour le 11 avril 2021, l’élection présidentielle prochaine risque d’être un fiasco. Si l’organisation matérielle ne soulève aucune inquiétude pour le moment, l’actualisation de la liste électorale semble être un travail presque bâclé par le Conseil d’orientation et de supervision de la Lépi(Cos-Lépi). Ceci n’a pas été possible sans le désintérêt de populations abonnées absentes pendant tout le processus. Dans presque tous les départements du Bénin, les constats faits par nos correspondants, à quelques différences près, sont les mêmes.
Une étape-clé du processus électoral vient de s’achever dans l’indifférence du plus grand nombre. Il s’agit de la phase de l’actualisation du fichier électoral. Entre Octobre et novembre, le Conseil d’orientation et de supervision(Cos-Lépi) a procédé à l’affiche des listes électorales dans tous les bureaux de vote comme le disposent les 123, 124, 125 et 126 du Code électoral. Selon ce dernier, «La Lépi est publiée et affichée pendant quinze jours(15) jours puis remise à la Cena au plus tard soixante jours avant la date du scrutin ». Mais cette étape est passée presque inaperçue dans tout le pays. Les populations ont montré peu d’engouement à la consultation des listes affichées dans tous les bureaux de vote. Et dans la plupart des centres de vote, les quinze jours sont passés sans que les populations ne se soient déplacées pour voir les listes et faire des réclamations.
A l’Ecole Primaire de Hounsoukoè dans la commune de Grand Popo le mercredi 18 novembre, nous avons constaté que les listes électorales étaient déjà affichées. Mais la plupart de ces listes n’ont pas gardé pendant longtemps leurs intégrités. Elles ont été en grande partie déchirées par les écoliers qui n’en savaient pas l’importance et qui n’ont pas été sensibilisés pour les protéger. Conséquence de cet acte, les populations qui devraient les consulter n’ont pas tous la chance de voir si leurs noms y figurent. Pour beaucoup, ce peu d’intérêt pour la correction de la liste électorale est lié à un déficit de communication autour de l’opération. Mais l’He Florent Tchaou, membre du Cos-Lepi pense que l’institution a fait de son mieux pour permettre à tout le monde d’avoir la possibilité d’aller consulter les listes et annoncer des amendements.
« Le Cos-Lépi a prorogé deux semaines jusqu’au 31 octobre pour permettre la vérification par tout le monde », a-t-il affirmé. Autre difficulté d’accessibilité à la liste électorale c’est le fait qu’elle est publiée en français alors la grande majorité des populations sont des analphabètes. A ce sujet, le chef quartier de Hounsoukoè Pascal Atibou a précisé avoir recruté quelques personnes pour aider à la lecture des noms aux les populations. Il déplore aussi le manque de moyens financiers pour faire face à tous les services induits par l’affiche. « Les chefs de village sont obligés de faire avec leurs propres moyens. Or, ils n’en ont pas. Il y a des per diems qui viennent à la fin mais, c’est insuffisant compte tenu des moyens qu’ils y mettent. Les crieurs publics ont été mis à contribution pour informer les populations de venir vérifier si leurs noms sont sur les listes. Pour ceux qui ne comprennent pas le français, le chef de village laisse ses activités et reste à la maison pour les aider. Ces chefs le font sans formation. Aucune formation n’est donnée aux chefs d’arrondissements sur ce qui doit être faire. Le COS-LEPI se contente juste de dire qu’il faut aider les gens à faire transfert, à vérifier leur nom », déplore M. Atibou.
Opacité et désenchantement
Le faible engouement autour de l’actualisation du fichier électoral a été noté dans presque toutes les régions du Bénin. Dans le Littoral, la situation n’est pas mieux reluisante. Et certains citoyens accusent le Cos-Lépi de conduire un processus opaque et exclusif. « On a l’impression que les gens ne veulent pas qu’on sache ce qu’ils sont entrain de faire », dénonce Eloi, un transitaire rencontré à Akpakpa. Auparavant, le Cos-Lépi ne se contente pas seulement d’envoyer des listes mais elle envoie aussi des agents qui aident à la compréhension et à l’accomplissement des tâches. Dans les départements du septentrion, en l’occurrence la Donga et l’Atacora, l’intérêt pour l’actualisation du fichier électoral est faible.
Vimba Sadjiola, chef du village de Toungounlin dans la commune de Copargo regrette avoir fait gongonner pendant trois jours pour rien. Les conditions d’organisation des deux dernières élections( les législatives de 2019 et les communales de 2020) où l’opposition a été écartés et où l’usage de la force a été disproportionné dans certaines régions expliquent selon certains ce faible taux de mobilisation des populations pour le processus d’actualisation du fichier électoral. Dans l’Ouémé, le plateau, le Zou et le Borgou, l’affichage de la liste électorale et sa correction n’émeut pas grand monde.
Torpeur politique
A quatre mois de la tenue du scrutin, la classe politique joue toujours les prolongations. D’habitude très pugnace à partir d’un an du scrutin, la classe politique apparaît amorphe et même résignée. Aucun meeting, aucune présentation de candidat, aucun congrès ou conseil national de parti n’a eu lieu jusque là. Les rares activités des partis ont été observées courant novembre concernent les installations de cellules de bases de parti. C’est le cas des FCBE et des Démocrates. Ce dernier parti a d’ailleurs organisé une messe d’action de grâce pour la paix.
Les deux grands partis qui contrôlent le parlement que sont l’UP et le BR sont en hibernation pour le moment. En dehors des démarches isolées et personnelles, ils sont eux aussi absents. Le BR a quant à lui procédé à la désignation de son candidat qui est le Président Patrice Talon. Peu d’engouement des populations autour de la liste électorale, apathie des partis politiques, on a l’impression d’être dans un pays qui a perdu de son superbe sur le terrain de la compétition électorale. Une attitude surprenante après des réformes politiques annoncées pourtant pour donner plus de qualité et de sérieux à notre système partisan.
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