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(ENQUETE) Transhumance dans la région Agonlin : Ouinhi, le grenier de la terreur

Située à 160 km environ de Cotonou, la commune de Ouinhi accueille, à l’instar de plusieurs autres du Zou, les éleveurs transhumants. Mais ici la politique communale a opté pour les refouler. Mais les bergers transhumants ne l’entendent pas de cette oreille. Ils s’installent souvent clandestinement avec leurs bêtes qui détruisent les récoltes et engendrent des conflits.

  A Ouinhi, les arrondissements de Tohouè et de Sagon sont des zones par excellence d’accueil des transhumants. A la date du 14 décembre 2020, plus de 5000 têtes sont déjà présentes dans l’arrondissement de Sagon qui fait corps à la commune de Zagnanado. Selon nos informations, bien avant 2016, une équipe locale constituée de 4 à 6 personnes s’occupe de la question de la transhumance. Malgré l’intervention des militaires au béret rouge, les violences n’ont cessé d’être enregistrées. 

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Le non accès à l’eau potable, le commerce de chanvre indien, la prostitution, la destruction des cultures avec comme conséquence la flambée des prix des produits agricoles sont autant de difficultés que rencontrent les acteurs de la chaîne de transhumance. Nous avons fait plusieurs kilomètres de route pour rejoindre le poste de police de Sagon sis dans l’arrondissement. Ici, les plaintes des agriculteurs sont récurrentes. A en croire le commissaire Marcellin AMEDJRANA, « en deux semaines, plus de 50 plaintes sont reçues. Un procès-verbal est aussitôt établi lors des dépositions et les cas les plus difficiles sont envoyés au tribunal d’Abomey ». 

La méthode de la police locale…

Les éléments du commissariat de police de l’arrondissement de Sagon gère au quotidien et enregistre des plaintes. Des patrouilles mixtes sont organisées avec le soutien de la mairie de Ouinhi à travers son point focal chargé de la réduction des risques, catastrophes et d’adaptation aux changements climatiques. De sources bien informées, les numéros du commissariat sont distribués dans tous les villages de l’arrondissement pour prévenir contre les risques d’échauffourées. « La police descend automatiquement », nous a confié le commissaire AMEDJRANA. 

La plupart des plaintes soumises à la police locale de Sagon restent infondées, à en croire Florent HOUESSOU, chef service affaires générales à la mairie de Ouinhi et point focal transhumance. « Les peulhs ont détruits plusieurs hectares d’avocatiers et des champs de coton avec la mise aux arrêts de quatre d’entre eux ». Selon les pratiques, lors des confrontations, les peulhs envoient leur représentant qui ensemble avec l’agent du Cader détermine la superficie réelle des cultures détruites et fixe le montant du dédommagement.

Le mal répandu…

La transhumance est un fléau qui a commencé en 1984 à Ouinhi. Il y a avait des cultures de contre saison qui enrichissaient les paysans. Nous avons cherché à rencontrer le président de l’Union communale des producteurs de Ouinhi, le plus ancien des conseillers communaux en exercice. Barnabé Koty a fait remarquer que la transhumance n’a fait qu’arriérer  Ouinhi et les paysans ont du mal à faire leurs récoltes. Les familles des victimes décédées des violences sont oubliées par l’Etat béninois. Le dédommagement des paysans se fait sans constat  en opposition à la procédure renseignée par le point focal transhumance de la mairie.

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« Les dommages sont énormes, rappelle Barnabé Koty. Les éleveurs possèdent des armes à feu qu’ils utilisent contre les agriculteurs », regrette l’élu communal qui souhaite que l’Etat subventionne les dégâts. Les paysans de la commune de Ouinhi sont déçus de la gestion de la transhumance par le gouvernement, a-t-il insisté. Le président de l’Union communale des producteurs de Ouinhi précise que l’intervention de la police est limitée car elle ne s’occupe que de la sécurité des personnes et non des dommages.

La gestion de la transhumance…

La transhumance est mal gérée à Ouinhi car elle appauvrit les paysans. Les cas de viol et de braquage sont enregistrés. Les femmes sont violées par les éleveurs peulhs et l’exécutif communal est bel et bien informé de leur arrivée, s’indigne Barnabé Koty qui a fait savoir que les producteurs ont été sacrifiés. « Ouinhi n’a pas bénéficié d’un seul motoculteur pour faire face à la première saison des récoltes. Les difficultés sanitaires sont immenses et l’équipe en place doit être renforcée parce qu’on est en train de nous exposer à la mort », soutient le conseiller communal. De l’autre côté, les éleveurs disent sensibiliser les leurs pour éviter au maximum les affrontements. Ibourahima Amidou est leur représentant. Il déplore l’abattage des bêtes par les agriculteurs qui révolte les siens. « Quand nous venons la nuit, nous n’arrivons pas à repérer les sites préalablement définis par la commune. Nous sommes obligés de bouger avec nos animaux pour les nourrir, ce qui entraîne parfois la destruction des cultures. C’est involontaire », assure Ibourahima Amidou

Le maire de la commune de Ouinhi, Jonas Babatoundé HOUESSOU balaie du revers de la main les allégations formulées à l’endroit de son exécutif communal. « Le projet mentionne qu’il n’y aura plus de transhumance transfrontalière. L’éleveur doit savoir que l’agriculteur doit pouvoir jouir de ces produits », a rappelé l’autorité communale. La mairie reste intransigeante aux dispositions réglementaires en vigueur, poursuit-t-il. « Une rencontre a été faite dernièrement pour rappeler aux éleveurs qu’ils doivent éviter de faire le pâturage un peu partout dans la commune. La transhumance à l’intérieur est tolérable dans la mesure du possible et le refoulement des éleveurs a commencé depuis deux semaines. Les populations de Ouinhi ne sont pas naturellement violentes, ce sont les éleveurs qui offensent. On ne peut pas accepté d’être envahi et être charcuté par la suite », se désole Jonas HOUESSOU.

La violence, le fort des éleveurs…

Le boulot de bouvier étant pénible, les éleveurs sont de véritables consommateurs de chanvre indiens, de boissons énergisantes. « Ce sont des gens naturellement violents et une personne lucide ne pourrait l’être », ont rappelé la plupart des acteurs de la chaîne de transhumance de la commune de Ouinhi. Définir les points d’entrée officiels des éleveurs, définir et diffuser les conditions d’accès aux ressources agropastorales de la commune,  installer les postes de passage obligatoire pour les transhumants, entre autres priorités de l’exécutif communal pour réduire substantiellement les cas de violences sur le territoire de la commune de Ouinhi. Cependant, l’aménagement du territoire est un facteur déterminant dans la gestion de la transhumance dans le Zou, a rappelé le préfet Firmin Kouton lors de sa tournée statutaire.

A noter que de 2016 à 2019, les violences liées à la transhumance ont entraîné 54 décès et 52 blessés graves. Selon une étude du ministère de l’agriculture, au cours de la même période 2447 ha de champs ont été dévastés, 205 bêtes abattues et 52 greniers pillés. En 2020, la commune aux quatre arrondissements a décidé que la transhumance démarre le 15 janvier 2020. Malheureusement, les transhumants sont pris quartier, courant le mois de novembre 2020, où plus de 30 hectares de cultures ont été détruites.

La transhumance dans la zone Agonlin quoique problématique, présente quelques avantages notamment sur les plan socio-économique et culturel dont l’amélioration de revenus, la facilité d’acquisition du bétail et des produits laitiers, le brassage culturel, mais en revanche suscite des goulots d’étranglement avec de nombreux cas de viols, des dégâts sur les cultures, les meurtres sans occulter l’insécurité alimentaire. 

(Jacob ANANI, Partenariat OSIWA-LNT, Ouinhi Décembre, 2020)

4 réponses

  1. Avatar de (@_@)
    (@_@)

    C’est une invasion de facto. Répétée d’année en année. Il est vrai que les victimes sont au bas de l’échelle de la société béninoise de la société.
    La réponse de la force publique n’est clairement pas au bon niveau. La réactivité d’une police statique ne suffit pas.
    Il faut une mobilité et une capacité de manœuvre de forces (escadron de gendarmes, ou unités militaires) qui manifestement n’existe pas. Elle doit se faire en fonction des déplacements des pasteurs de façon préventive pour prévenir viols des personnes et des propriétés, agressions armées, destruction des biens.
    Ces gens devraient dès leur entrée au Bénin réaliser qu’ils sont désarmés, contrôlés régulièrement, sanctionnés dès que la conduite de leurs troupeaux est défaillante et interpellés en cas de crimes.
    Les officiers supérieurs et généraux du Bénin sortent d’écoles d’officiers. Que font-ils ? Que proposent-ils ? Que leur demandent leurs ministres ?
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    (@_@)

  2. Avatar de Yekini Abiola
    Yekini Abiola

    Ce qui est encore déplorable est que ces éleveurs vont jusqu’à paître leurs bêtes la nuit dans les concessions habitées .

  3. Avatar de (@_@)
    (@_@)

    Cette situation est inacceptable. Les populations et leurs biens sont sous les mêmes menaces saisonnières réitérées chaque année depuis le début de du mandat actuel du Gouvernement.
    C’est exactement ce à quoi sert la Gendarmerie par la formation militaire et par son organisation en escadrons mobiles : couvrir le territoire avec des unités mobiles qui adressent l’ensemble du spectre depuis la justice de proximité, le maintien/rétablissement de l’ordre, jusqu’aux missions de défense des populations et de sécurisation de leurs biens face à des bandes armées.
    Les bérets « la couleur que tu veux, » semblent moins saignants qu’en d’autres circonstances…
    \\\\ ///
    (@_@)

  4. Avatar de Florent HOUESSOU
    Florent HOUESSOU

    Votre publication sur la transhumance est fidèle à la réalité sur le terrain. Très bon travail.

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