, ,

Nouveaux métiers au Bénin : « chasseur de trésors » dans les poubelles

Photo Pixabay

A la faveur de la crise économique qui frappe de plein fouet les pays africains, de nouveaux métiers ont fait leur apparition notamment, les fouilleurs de poubelles. Au Bénin, on les appelle «  tchata ». Ce sont des hommes et des femmes, tous âges confondus qui sillonnent dès les premières heures de la matinée jusqu’au coucher du soleil, les rues en fouillant dans les poubelles à la recherche de divers objets pour les revendre. Sans se protéger les mains et la bouche par mesure d’hygiène ces gens-là parviennent à dénicher un poste radio, un vêtement, des chaussures et des bouteilles en plastique, des ustensiles de cuisine, des appareils ménagers et informatiques parfois vendables ou recyclages.

Ces fouilleurs ne travaillent pas en cachette. Ils exercent leur activité sans complexe et sans se soucier des passants qui leurs jettent des regards emprunts de dédain comme si fouiller dans une poubelle est un acte criminel . Les plus avertis sont munis d’une barre de fer appelé « tchikata », pour effectuer leurs recherches. Oholabi est un « Tchata », mais pas comme les autres. Agé de 57 ans il travaille à Akpapka dans le quartier dénommé Zone des Ambassades, l’un des huppés de Cotonou, où il fouille les poubelles depuis plus de 32 ans. Père de six enfants dont quatre sont aujourd’hui décédés, il est devant une villa non loin du commissariat du 1er arrondissement de Cotonou quand nous l’avons rencontré. Son sac au dos à moitié plein d’objets de toutes sortes et son « Tchikata » en mains, Oholabi ne parle ni n’écrit le français.

Publicité

Les vieux appareils électroménagers et autres bouteilles en plastique ou en verre ne l’intéressent guère. Pas plus que les objets en fer ou en cuivre. Ou plutôt, ces objets l’intéressent très peu et seulement quand ils sont de bonne qualité. Il est plutôt un chasseur de trésors. Les bijoux ou l’argent que certaines personnes jettent par inadvertance dans les poubelles sont ses proies. Et c’est en langue fon qu’il raconte comment il en est arrivé là. «  Je n’ai pas été à l’école parce que mes parents étaient très pauvres et je les aidais au champ avec mes quatre frères et deux sœurs. Quand ils sont décédés j’ai quitté mon village dans la commune de Lalo et j’ai débarqué à Cotonou ». Sans aucune attache dans la capitale économique béninoise, il squatte une parcelle vide avec des amis rencontrés sur place et a pu apprendre la menuiserie.

C’est en ce moment qu’il rencontre une jeune fille qui lui donne son premier enfant. Pour subvenir à leurs besoins, il quitte son boulot pour se lancer dans la fouille, grâce à un ami qui faisait le même boulot depuis longtemps et qui l’a assuré que cela rapporte beaucoup d’argent. «C’est ainsi que je suis devenu Tchata depuis 32 ans et c’est avec ça j’ai élevé mes deux enfants qui me restent. L’un est fonctionnaire et l’autre un chef maçon », déclare t-il. Mais l’activité est aujourd’hui ouverte à tout le monde en raison du gain qu’elle procure. « Les gens ont compris qu’il y a de l’argent dedans et tous ceux qui n’ont pas de travail sont devenus Tchata. Ils ramassent des bouteilles et du fer seulement. Mais ils ne savent pas qu’il y a d’autres choses plus importantes dedans », indique t-il.

Youssef est aussi un « Tchata » mais de nationalité nigérienne. Il travaille dans la même zone et vient passer cinq à six mois à Cotonou après la récolte des champs afin de se faire un peu d’argent. C’est à mains nues et avec un sac au dos que Yousef travaille. « j’ai un patron chez qui je déverse tout ce que j’ai collecté dans la journée. On fait le tri et les mêmes objets sont mis ensemble. Après, on les nettoie soigneusement et c’est le patron qui se charge de la vente. Mais moi, quand je travaille, je fouille bien les sacs et les objets précieux que je trouve je les garde pour moi-même », déclare t-il.

La fortune au bout des doigts

Oholabi et Yousef vivent certes dans la précarité mais ils rêvent de faire des découvertes précieuses dans les poubelles. Ils comptent sur leur bonne étoile pour trouver l’objet qui les rendra heureux, le restant de leur vie. C’est pour cela qu’ils ne sillonnent que les zones huppées de Cotonou. Et les occasions ne sont pas rares. C’est ainsi que par un heureux hasard, Oholabi a fait une découverte qui l’a amené à devenir chasseur de trésors dans les poubelles. Il raconte comment il a ramassé ce jour-là, la somme de 400.000 FCFA cachée dans une vieille chaussure et qui a changé sa vie. « C’était mon jour de chance. Je ne savais même pas qu’il avait de l’argent dedans. Arrivé à la maison, j’ai pris une bonne douche et deux vers de sodabi (alcool local) et je m’apprêtais à manger quand je me suis rendu compte que la chaussure était bombée. J’ai mis la main à l’intérieur et elle est ressortie avec un rouleau de billets. J’ai cru que le sodabi a commencé à faire son effet et j’ai compté plusieurs fois afin de me convaincre que c’est vraiment de l’argent », raconte t-il tout souriant.

Publicité

Oholabi pense que cette somme a été volée par une domestique et cachée dans la vieille chaussure. Mais par inadvertance, le propriétaire a jeté la chaussure dans la poubelle afin de se débarrasser de ses vieux effets. « C’est ce jour-là que j’ai su qu’il a beaucoup d’autres choses dans les poubelles », a-t-il ajouté. Une autre fois, il a retrouvé des bijoux dans un sachet plastique noir. « Il y avait des boucles d’oreilles, des bracelets et de bagues en or. Je les ai vendus à un bijoutier du quartier à 95.000 FCFA », Mais il estime qu’il a été floué par son acheteur et que ces objets valent plus que ça. Aujourd’hui, Oholabi vit en location à l’autre bout de la ville avec son épouse et vient au travail en taxi-motos, bien qu’il ait réussi à s’acheter une moto. Youssef quand à lui n’a pas encore touché au gros lot mais en bon musulman fervent, il croit que sa chance viendra un jour.

En attendant, il se contente de la somme 35.000 FCFA que lui verse par mois son patron pour les bouteilles et autres objets ramassés. Ce faisant, au bout de chaque séjour, il repart chez lui avec un petit pactole qui lui permet de financer ses travaux champêtres. « Inchallah ! Je reviendrai l’année prochaine. Peut-être que je vais ramasser beaucoup d’argent dans une poubelle et je vais me marier », indique t-il. Il a cependant reconnu avoir ramassé quelques objets d’art qu’il a revendu dont il a refusé de communiquer le montant. Mais, quel que soit le but de cette fouille de poubelles, cette activité peut être dangereuse pour la santé. La plupart des Tchata » fouillent de leurs mains souvent non protégées par des gants et ne mettent pas des masques. Ce faisant, ils sont exposés à des odeurs nauséabondes et toxiques émanant des produits avariés ou chimiques qui pourraient nuire à leur santé. A part cela, ils sont exposés aux objets tranchants jetés dans les poubelles qui pourraient leur causer des blessures qui, si elles ne sont pas soignées pourraient entraîner de graves conséquences. « Que voulez-vous ? C’est le risque du métier.Mais, le bonheur peut venir de là » a conclu Oholabi un tout petit peu sceptique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité