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Extraction de sable au Bénin : difficile réorganisation de la filière

Pour construire une maison, il faut du sable, beaucoup de sable. Un ingrédient qui représente 80% de la composition des matériaux. Les Béninois sont férus de la construction. Chacun veut avoir son habitation. C’est pourquoi la vente du sable a explosé depuis plusieurs années particulièrement dans les grandes villes du Bénin (Cotonou, Calavi, Porto-Novo, Parakou) qui doivent héberger une population plus nombreuse et plus urbaine. Mais elle est également devenue plus lucrative. On comprend alors pourquoi de nombreuses personnes se sont jetées à corps perdu dans cette activité.

Il y a encore une décennie c’était le sable marin qui était exploité dans la construction des routes et des maisons au Sud du pays. Mais l’extraction intensive de cette matière a créé l’érosion qui à son tour entraîné des dégâts considérables sur le bord du littoral. Dans les quartiers d’Enagnon, Donatien, Akpakpa-Dodomè, Finagnon et Toklégbé, des dizaines de maisons ont été détruites par les assauts répétés de la mer. En plus d’engloutir les infrastructures, l’érosion côtière a dégradé l’écosystème. Cette situation alarmante a amené les gouvernants à prendre conscience de l’importance de préserver leur littoral et le 22 octobre 2008, l’extraction du sable marin a été interdite. Depuis, les populations se sont tournées vers le sable fluvial. Les cours d’eau sont envahis par des hommes, des femmes qui plongent chaque jour dans l’eau munis de récipients divers pour recueillir du sable.

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Des entreprises de dragage se sont également installées sur les berges pour la même activité. C’est ainsi que d’autres problèmes vont rapidement faire leur apparition au bout de quelques années. Les populations seront dès lors confrontées à des nuisances sonores et atmosphériques qui affectent leur santé. Les voies de circulation sont dégradées, la sécurité menacée et les murs des habitations lézardés. En 2016, un comité national de suivi de la filière de dragage a été mis en place et avait pour missions de « sensibiliser sur les enjeux des activités de dragage dans les localités concernées, veiller à l’entretien des voies, organiser et gérer les plaintes des populations riveraines et suivre avec les communes la réalisation des œuvres sociocommunautaires ». Cela n’a pas permis de mettre fin à ces nombreuses déconvenues. Conséquences : des populations érigent des barrières en guise de protestation pour empêcher les camions remplis à ras bord de sable de circuler.

Des affrontements entre populations et gestionnaires de carrières de sable ont même été enregistrés dans certaines localités. Quatre ans plus tard, soit le 09 janvier 2020 le gouvernement prend des mesures dites «  urgentes et conservatoires pour mettre fin aux carrières ouvertes au mépris de la réglementation en vigueur et les conditions de leurs exploitations ». En termes clairs, il s’agit d’interdire l’extraction illégale du sable fluvial. Seules les entreprises qui ont une autorisation légale peuvent continuer leurs activités. Malgré cette décision, les carrières illégales continuent de plus belle leurs activités. Il faut attendre deux autres années encore pour voir la réaction du gouvernement. Le 22 janvier dernier le conseil des ministres prend une autre décision : « la réorganisation institutionnelle, technique et financière de la filière d’exploitation de dragage de sable ». La mesure concerne cinq communes et ce, après une étude commanditée à un consortium de consultants.

La situation aujourd’hui

Plus de deux mois après la prise de cette décision, la situation n’a pas changé sur le terrain mais, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Le ministère du cadre de vie et du développement durable chargé « de veiller à la bonne exécution de la mission » est à pied d’œuvre et n’a pas encore déposé ses résolutions et propositions. Et c’est justement là où se trouve le problème. Car, s’il est plus facile d’adopter des mesures administratives et financières que tout le monde peut remplir, comment réglementer dans la pratique, cette filière sans pour autant dégrader l’écosystème quand on connaît les effets des engins utiliser pour travailler sous l’eau? Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour préserver les ressources halieutiques ? Et les désagréments causés aux populations ? Comment y remédier ? En attendant que ces questions ne trouvent de réponses, les entreprises illégales continuent d’exercer comme si de rien n’était.

Plusieurs carrières sont toujours fonctionnelles malgré les opérations coups de poing menées par les autorités. En 2018, huit sur 10 carrières à Calavi et Ouidah avaient été fermées par le préfet Jean-Claude Codjia pour non-respect de la réglementation en vigueur. D’autres ont également été fermées dans la commune de Dangbo. Cependant, quelques-unes ont déjà repris du service. Se sont-elles conformées aux injonctions des autorités ? C’est fort possible si l’on tient compte de la rigueur dont fait preuve le gouvernement de la Rupture dans certains domaines. Mais, il y a toujours des brebis galeuses qui tentent de contourner les réglementations. Elles peuvent échapper à la vigilance des autorités. Toujours est-il que les populations continuent de subir les inconvénients de cette activité. Les mêmes pollutions sonores et atmosphériques, les mêmes nuisances à la santé et à la sécurité de la circulation sont toujours enregistrées. Il y a encore quelques mois, un employé d’une carrière d’extraction de sable s’était noyé en faisant son travail. Cela avait suscité l’émoi des populations et amené le gouvernement à se rendre sur place. Il urge donc de prendre des mesures adéquates pour que de tels drames ne se produisent plus.

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