Les images de la vidéo sont à peine soutenables. On y voit un homme appeler à l’aide, le regard hagard, la voix inaudible. Cet homme, c’est le célèbre artiste humoriste Ernest Kaho qui a pendant quelques années illuminé par sa prestance, le petit écran et égayé des familles entières. Il est malade, très malade. Il lutte dignement contre la maladie dans un hôpital de la place. Depuis, une chaîne de solidarité s’est mise en place pour venir à son secours. Mais cette situation n’est pas un cas isolé. C’est la face visible de l’iceberg. Au Bénin, plusieurs personnes n’arrivent pas à se soigner quand elles tombent malades faute de moyens financiers. Certains refusent de se rendre à l’hôpital de peur de faire face aux ordonnances médicales qu’ils ne pourront pas payer. Ils préfèrent se soigner avec les plantes médicinales au risque de leur vie.
Ceux qui décident de franchir le pas, prennent la totalité des frais des médicaments. S’ils sont fonctionnaires de l’administration publique ou du secteur privé, ils peuvent bénéficier d’une prise en charge qui prend en compte une partie des dépenses. La situation est beaucoup plus alarmante à l’intérieur du pays, Là-bas, les hôpitaux manquent de tout. L’Ong Bénin Diaspora Assistance décrit le mieux la situation dans nos hôpitaux béninois. Dans un rapport d’enquête dénommé « Rapport sur la situation des hôpitaux au Bénin : les effets négatifs de la réforme de santé avec leurs cortèges de morts cachés au chef de l’État » en date d’octobre 2021, Médard Koudébi et son équipe peignent un tableau noir qui fait dresser les cheveux sur la tête. Cette ONG a noté que « la totalité des services d’urgence du Bénin manque énormément de kits de premiers soins. De même les pharmacies au sein des hôpitaux sont dépourvus de plus de 70% de médicaments. Ce qui fait que si la famille de toute personne ramenée dans les urgences, n’est pas immédiatement présente pour payer la facture des urgences, aucun médecin ne te touchera et ne te fera de soins jusqu’à ce que tu ne meures ».
Aussi, la fermeture des cliniques privées et de cabinets médicaux pour non-conformité aux règlements en vigueur a « multiplié par cinq les affluences vers les hôpitaux(…) ce qui oblige les hôpitaux publics à refuser les malades ». Le rapport déplore « l’absence de scanner dans beaucoup d’hôpitaux publics qui rend difficile les diagnostics avec précisions surtout l’AVC par exemple ce qui aggrave les séquelles et qui est souvent fatales pour beaucoup de malades ». L’absence d’un plateau technique adéquat, le manque de personnel qualifié, de services sociaux, la non-conformité des bâtiments, d’eau potable et d’électricité sont entre autres les problèmes auxquels sont confrontés les hôpitaux selon le rapport de cette ONG. Dans ce contexte, certains patients, faute d’avoir les moyens financiers pour payer les frais médicaux sont obligés de faire le mur.
D’autres sont contraints de patienter à l’hôpital jusqu’à ce que la solidarité familiale se manifeste. Ce qui peut prendre des jours voir des semaines. On se souvient encore du déplacement le 31 décembre 2020 d’une délégation gouvernementale au Centre national hospitalier universitaire Hubert Maga de Cotonou pour être au chevet des malades gardés pour non-paiement de soins médicaux. Le gouvernement a dû mettre la main à la poche afin de régler les factures de plusieurs patients et ainsi leur permettre de passer les fêtes de fin d’année en famille. Pourtant, il existe des moyens très simples pour remédier à ce genre de situation. Il s’agit de l’assurance universelle largement répandue dans plusieurs pays de la sous région.
La porte de sortie
L’assurance universelle est un vieux projet qui n’est pas encore une réalité au Bénin. Au départ, il s’appelait Régime d’assurance-maladie universelle (RAMU) et avait été lancé le 19 décembre 2011 par l’ancien chef d’État Boni Yayi. Il s’agissait de permettre l’accessibilité financière pour les malades. Il était facultatif et destiné à couvrir l’ensemble de la population béninoise moyennant le paiement d’une prime individuelle variant selon les revenus. Mais les intrigues politiciennes ont empêché ce projet de voir le jour. Étant donné que ce projet devrait passer par l’Assemblée nationale, certains députés avaient refusé de le voter soupçonnant l’ancien président Boni Yayi de profiter de l’occasion pour modifier la constitution afin de s’octroyer un troisième mandat.
Aujourd’hui, le projet a changé de nom et est devenu Assurance pour le renforcement du capital humain (ARCH) avec des modifications et cette fois-ci, il est obligatoire pour tous depuis février 2021. Il est à sa phase expérimentale dans sept communes du pays. Il serait même en passe d’être généralisée dans ces communes pilotes avant de gagner tout le territoire national. Si ce projet venait à voir le jour, il serait une véritable aubaine pour les populations. La prise en charge des frais médicaux ne serait plus un souci. Mais visiblement, beaucoup de chemin reste encore à faire. Pendant ce temps, les malades continuent de souffrir le martyr financier dans les hôpitaux. La balle est dans le camp du régime de la Rupture
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