Les derniers positionnements sur les différentes listes électorales ont relancé le sempiternel débat sur le renouvellement de la classe politique. Plusieurs mois à l’avance, une campagne lancée de nulle part et dont personne ne connaît les auteurs avait fait croire à tous que les partis politiques, surtout ceux arrimés au pouvoir, s’apprêteraient à faire un nettoyage à fond de l’écurie politique. Que les jeunes militants engagés et soutiens inconditionnels des partis devraient avoir leurs chances cette fois-ci. A dessein, il a été brandi la réforme sur le plafonnement des mandats législatifs à trois pour les encourager à croire en leurs chances.
La tendance n’a-t-elle pas d’ailleurs été observée lors des élections communales de 2020 où plusieurs trentenaires et quadragénaires ac-complis sont devenus les nouveaux locateurs des hôtels à travers le pays ? On en a même repêché parmi les étudiants et dans la large famille de ceux qu’on appelle « opérateurs économiques » et qui aujourd’hui gonflent les effectifs des partis. Il y a donc de quoi motiver tous ceux qui, comme leurs aînés, se sont découverts des vocations politiques sans en avoir, pour la plupart, ni le talent, ni la qualité. Le tropisme observé après n’a plus trop surpris les personnes averties qui voyaient trop facile l’affaire. Comme des essaims d’abeilles, les jeunes se sont rués vers les partis politiques. Pour parfaire la parodie et le guet-apens de ces jeunes « pressés et impatients », nos gérontocrates, ont installé des comités de collecte de profils et de volontaires au poste de député. Et vlan…on a vu de tous les spécimens. Des jeunes à peine connus dans les maisons où ils ont loué des pieds-à- terre se sont évertués pendant des jours à aller demander des quitus fiscaux.
Et là, ils les ont eu assez vite puisque n’ayant presque rien à déclarer au fisc. On a vu également de vrais plaisantins, à peine matures politiquement, alignant des raisonnements tordus et arguant profiter du « vide » pour se positionner. Certains se sont rapidement dépêchés de solliciter des canards de leurs engeances pour solliciter manchette et unes, afin qu’on les présente comme des hommes de situation dans leurs différents fiefs. A côté de la grande masse d’opportunistes pressés de devenir honorables, il y avait aussi une quantité moins négligeable de jeunes valeureux, membres fondateurs et militants engagés des partis qui se sont engagés dans la course. Comme le gros lot des plaisantins, ils ont aussi été emballés par la tendance du moment qui faisait croire à la fin de cycle au sein des partis.
On en était là à espérer des listes « nouvelle génération » quand le passage des uns et des autres montrent un autre visage de la situation. Députés comptant fièrement trois, quatre, cinq législa-tures, tous sont revenus. Idem pour des anciens ministres sortis de la disette politique depuis plu-sieurs années. Des ministres transhumants de dernière heure ont eu même le privilège d’être tête de liste. Dans le camp des jeunes, c’est le deuil et la désolation. Mais ces positionnements qu’on doit décrier et condamner sous d’autres cieux ne sont que les produits d’un système. Depuis 1990, l’argent est le maître, le déterminant et la raison première du jeu politique.
Si tu es nanti, tu as le visa pour entrer en politique au Bénin. Tu as beau être un non partisan ou le dernier militant du parti, si tu as de l’argent pour faire des œuvres caritatives dans ta région, battre campagne avec espèces sonnantes et trébuchantes, te payer la « com » nécessaire dans les médias… tu seras élu. Ta profession, tes qualités morales, ta vision pour le pays, tes quali-tés de leader et l’éloquence et la pertinence de tes discours ne feront guère de toi des hommes politiques. L’argent a donc été le critère éliminatoire de la plupart de ces jeunes qui méritaient pourtant de faire cette expérience. Car, faut-il le dire, ceux qu’on appelle «jeunes » en politique au Bénin ne le sont plus trop. Quadragénaires et quinquagénaires pour beaucoup, ils ont blanchi sous le harnais en se faisant chaque fois rappeler à l’ordre pour attendre leurs tours.
Beaucoup de ces « jeunes » sont de loin les grands frères ou même les papas de Jordan Bardella qui à 27 ans à peine devient Président du Rassemblement National(RN), un des plus grands partis politiques de France. Mais lui, comme d’ailleurs Emmanuel Macron devenu président de la République avant même d’avoir 40 ans, n’ont pas eu besoin de leurs poches pour se hisser au sommet. Leur qualité intrin-sèque, leur éloquence, la pertinence de leurs arguments, la vision de société qu’ils portent suffi-sent pour les porter au pinacle. Ils sont plus chanceux que leurs grands frères d’ici qui sont commis à la prestation politique et à qui on demande chaque fois d’attendre leurs tours.Lazare Sèhouéto a d’ailleurs bien exprimé la pensée de ses congénères en disant : « Si vous(les jeunes) vous trouvez des chaussures portées par vos grands frères et que cela vous plait, attendez qu’ils vous les donnent eux-mêmes. Sinon si vous leur arrachez ces chaussures de force, vous allez prendre les chaussures mais vous ne pouvez pas porter ».
La leçon est-elle bien comprise maintenant ? Laissez la politique aux aînés !
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