Le rêve d’une cité modèle s’effrite aux portes de Tanger. La ville nouvelle de Chrafat, imaginée comme une vitrine du développement urbain marocain, présente aujourd’hui le spectacle désolant d’un projet pharaonique à l’abandon. Sur les 150 000 habitants prévus, seules 36 personnes ont choisi d’y élire domicile, laissant derrière elles l’écho d’ambitions démesurées et d’un milliard de dirhams déjà engloutis.
Les chiffres témoignent de l’ampleur du désastre. Avec un taux d’occupation de 0,3%, Chrafat illustre l’échec cuisant d’une vision urbanistique qui se voulait pourtant exemplaire. Les 1 300 hectares destinés à accueillir une cité écologique et harmonieuse restent majoritairement vides, figés dans l’attente d’une population qui ne vient pas.
Ce fiasco ne constitue malheureusement pas un cas isolé. À l’échelle nationale, trois autres villes nouvelles – Tamesna près de Rabat, Tamansourt aux abords de Marrakech et Lakhyayta à Casablanca – connaissent des destins similaires. La Cour des comptes dresse un constat accablant : aucun de ces projets n’a dépassé 20% des objectifs fixés, tant en termes d’habitants que de logements construits.
L’analyse des dysfonctionnements révèle une cascade d’erreurs stratégiques. L’absence de planification rigoureuse, conjuguée à un désengagement des communes et à des conflits fonciers récurrents, a progressivement sapé les fondations de ces ambitieux projets urbains. Le cas de Tamansourt est particulièrement révélateur : censée devenir un pôle multidimensionnel alliant résidentiel, tourisme et enseignement supérieur, la ville attend toujours ses premiers projets hôteliers et universitaires.
Malgré les tentatives de relance, notamment à travers des conventions de partenariat signées en 2013 et 2014 pour Tamansourt et Tamesna, le réveil tarde à venir. Cette dernière, réduite à sa seule fonction résidentielle, illustre l’écart béant entre les promesses initiales et la réalité du terrain.
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