Longtemps considérée comme un acteur économique incontournable en Afrique, la France voit son empreinte commerciale s’éroder. La multiplication des accords bilatéraux avec d’autres partenaires, l’arrivée massive de capitaux non occidentaux et le repositionnement stratégique de plusieurs pays africains ont modifié les équilibres. De nombreuses industries dans lesquelles les entreprises françaises jouissaient d’un quasi-monopole – comme les infrastructures, la distribution d’énergie ou la transformation de matériaux – sont désormais ouvertes à la concurrence, notamment asiatique. Ce réajustement se nourrit d’une volonté croissante d’émancipation vis-à-vis des anciens schémas de dépendance économique et d’un intérêt pragmatique pour des alternatives jugées plus compétitives ou mieux adaptées aux attentes locales.
Coopération sino-algérienne : une montée en puissance
L’accord signé le 27 avril 2025 entre la société publique ANABIB et le groupe chinois Dofin Dour s’inscrit dans cette dynamique de recomposition des alliances industrielles. En combinant leurs compétences, les deux entités ambitionnent de moderniser des segments clés de l’industrie algérienne : les supports métalliques, les moules techniques et les procédés de galvanisation à chaud, indispensables pour renforcer la résistance des matériaux. La structure juridique retenue, un Groupement d’Intérêt Commun, permettra une mutualisation des ressources et une gestion conjointe des opérations, avec à la clé un renforcement des capacités locales.
Cette évolution reflète aussi une volonté de diversification des partenaires économiques à un moment où les relations entre Alger et Paris traversent une phase tendue. Le désaccord autour de la gestion des flux migratoires, les critiques sur la politique mémorielle, et les différends sur la coopération sécuritaire ont alimenté une défiance persistante. Sur le plan industriel, cela se traduit par un net rétrécissement de la présence française dans des secteurs où elle était historiquement dominante, désormais remplacée par des alternatives venues d’Asie, notamment de Chine.
Rééquilibrage industriel et repositionnement stratégique
Ce partenariat sino-algérien ne se limite pas à une opération commerciale. Il s’insère dans une stratégie plus large de renforcement de l’autonomie industrielle, dans laquelle l’apport technologique chinois sert de levier pour développer des capacités nationales. Alors que les acteurs français fournissaient autrefois les équipements de référence pour les infrastructures métalliques, cette prérogative passe progressivement entre les mains d’acteurs chinois, dont les offres sont souvent jugées plus attractives en termes de coût, de flexibilité et de coopération technique.
L’accord marque un tournant significatif, non seulement pour l’Algérie mais aussi pour la région. Il témoigne de la capacité de Pékin à se positionner sur des marchés autrefois verrouillés, en répondant aux attentes locales en matière de développement et de souveraineté économique. Pour la France, cette perte de terrain dans un domaine aussi structurant que la transformation métallurgique illustre les limites d’un modèle d’influence hérité du passé. L’exemple algérien pourrait faire école et inspirer d’autres pays africains en quête de partenariats industriels plus équilibrés.
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