Au cœur d’une nouvelle ère politique au Sénégal, la question des moyens alloués aux députés, notamment l’achat de véhicules, ravive des débats passionnés. Entre attentes de changement, exigences de résultats et poids de l’héritage institutionnel, les premières décisions de la 15ᵉ législature ne laissent personne indifférent.
Lors d’une récente prise de parole, El Malick Ndiaye, président de l’Assemblée nationale, avait d’emblée posé les bases d’un fonctionnement qu’il souhaitait cohérent : si le chef de l’institution circule dans un véhicule de fonction, escorté et confortablement installé, les élus de la nation ne devraient pas, selon lui, se déplacer en taxi ou à moto. Cette déclaration, bien que perçue par certains comme une volonté d’équité dans les conditions de travail, a aussi ouvert la porte à une controverse plus large sur l’usage des ressources publiques dans un contexte économique tendu.
Des véhicules mais aucune indemnité : un équilibre contesté
L’achat de véhicules pour les parlementaires a pris une dimension polémique, surtout après que la députée Fatou Diop Goudiaby a brisé le silence sur les conditions de travail des élus. Contrairement à certaines idées reçues, aucune indemnité de 900 000 francs CFA n’a été versée aux députés depuis le début de l’année. Cette allocation, qui avait alimenté les rumeurs, n’est en réalité pas inscrite dans le budget. Cela n’a pas empêché une partie de l’opinion publique de dénoncer une incohérence entre les sacrifices économiques annoncés et certaines décisions matérielles.
Les critiques les plus virulentes viennent d’internautes qui rappellent le niveau d’endettement du pays et appellent à une rupture réelle avec les pratiques passées. Pour ces voix, tout avantage consenti doit être justifié par des résultats tangibles, et non par un besoin de confort ou de prestige.
Conditions d’hébergement et réformes silencieuses
Au-delà des véhicules, d’autres aspects du quotidien parlementaire sont venus enrichir le débat. L’hôtel mis à disposition des députés ne comprend que trente chambres, sans possibilité d’y cuisiner, ce qui limite fortement leur autonomie. Ces chambres ont été attribuées selon un critère de distance depuis les départements d’origine, les membres du bureau, les présidents de commission et les députés de la diaspora étant exclus de cette répartition. Cette mesure vise à répondre à une contrainte logistique tout en réduisant les coûts, mais elle illustre aussi les limites du dispositif mis en place.
Par ailleurs, une réforme discrète mais significative a été opérée : désormais, les présidents de commission ne bénéficient plus d’un deuxième véhicule, comme c’était le cas lors des précédentes législatures. Un seul véhicule est attribué, celui du député devenu président de commission, qui devra le transmettre à son successeur en cas de changement de fonction. Cette nouvelle règle traduit une volonté de rationaliser les ressources, même si elle passe inaperçue auprès du grand public.
Légitimité, attentes et perception citoyenne
Ce débat sur les véhicules soulève une question plus vaste : comment redonner confiance aux citoyens dans une institution souvent perçue comme déconnectée de leurs réalités ? Si certains électeurs saluent le pragmatisme de doter les députés de moyens décents pour mieux remplir leur mission, d’autres estiment qu’il aurait fallu commencer par réduire au strict minimum les dépenses visibles.
Les réactions sur les réseaux sociaux en témoignent. D’un côté, des citoyens encouragent les efforts engagés pour améliorer l’efficacité parlementaire ; de l’autre, des critiques rappellent que toute amélioration matérielle doit s’accompagner d’une exemplarité rigoureuse. La légitimité du pouvoir, pour eux, ne se construit pas seulement sur les promesses électorales mais sur une gestion austère et juste des deniers publics.
Au fond, la polémique autour des véhicules est moins une affaire d’automobiles que de symbole. Dans un pays où de nombreux jeunes diplômés peinent à accéder à l’emploi et où l’inflation fragilise les ménages, chaque dépense de l’État est scrutée. Les nouveaux parlementaires, souvent issus de mouvements citoyens ou d’une opposition autrefois radicale, sont ainsi attendus au tournant. Leur crédibilité se joue autant sur leurs décisions visibles que sur leur capacité à incarner une rupture concrète avec les pratiques du passé.
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