Dialogue national au Sénégal : la classe politique divisée

Bassirou Diomaye Faye (DR)

Le président Bassirou Diomaye Faye a lancé un appel à un dialogue national pour le 28 mai, visant à refaçonner en profondeur le fonctionnement des institutions sénégalaises. Cette initiative ambitionne de repenser les règles du jeu politique, depuis le rôle de l’opposition jusqu’aux modalités d’organisation des élections. Pourtant, les engagements annoncés peinent déjà à rassembler l’ensemble des acteurs : la majorité et plusieurs formations de l’opposition oscillent entre participation enthousiaste et refus catégorique, exposant au grand jour les lignes de fracture de l’échiquier national.

L’APR refuse, l’AFP se saisit de la table

Parmi les poids lourds politiques, le parti fondé par Macky Sall (APR) a communiqué sur son absence. Seydou Guèye, porte-parole officiel, a justifié ce refus par les “attaques répétées et jugées irrespectueuses” dont aurait été victime l’ancien chef de l’État. Pour l’APR, accepter de dialoguer dans ces conditions reviendrait à légitimer des invectives politiques, creusant un fossé entre désir de réforme et injures personnelles.

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À l’inverse, l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) a confirmé sa présence après une réunion de sa direction collégiale tenue le 15 mai. Ce retournement illustre la complexité des calculs politiques : certains estiment que ce dialogue peut servir de plateforme pour défendre leurs idées, tandis que d’autres craignent un piège où la réforme du système deviendrait un alibi pour renforcer l’exécutif.

Des chantiers concrets… et des ambitions contraires

Les termes de référence provisoires ouvrent plusieurs chantiers : refonte du système politique, respect scrupuleux du calendrier électoral, transformation de la CENA en une nouvelle CENI dotée de prérogatives étendues, institution d’un statut officiel pour le chef de l’opposition, rationalisation du paysage partisan, révision du parrainage et du code électoral. Autant de thèmes qui tiennent à cœur aux collectivités locales comme aux jeunes partis émergents, mais qui peuvent aussi servir d’armes de négociation pour des acteurs en quête d’avantages tactiques.

Imaginons une pièce de théâtre où chaque groupe avancerait sur scène ses revendications, hésitant à laisser le protagoniste principal monopoliser la parole. Ici, la rivalité entre l’APR et l’AFP, loin d’être un simple désaccord ponctuel, reflète une défiance mutuelle qui risque de parasiter les travaux. La question se pose : l’objectif est-il vraiment de rénover la maison commune ou de déplacer les meubles pour mieux en verrouiller certaines portes ?

Vers un échec programmé ou une percée inattendue ?

Ce dialogue national a tout du défi d’équilibriste : rassembler des acteurs aux intérêts divergents, faire émerger un consensus sur des réformes structurelles tout en gérant les susceptibilités personnelles. Si l’APR demeure aux abonnés absents et que d’autres formations hésitent, le risque est grand de voir l’exercice tourner au simulacre. À l’inverse, si les participants parviennent à dépasser les rancœurs et à aligner leurs priorités sur l’intérêt général, ils pourraient poser les fondations d’un nouveau pacte républicain.

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Les prochaines semaines seront déterminantes. Chacun devra décider s’il joue le rôle de fossoyeur de la concertation ou de bâtisseur de compromis. L’avenir du Sénégal dépendra alors moins de la rhétorique qu’il sera capable de produire que de la sincérité des engagements pris autour de cette table de dialogue.

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