Depuis deux décennies, le Maroc s’est imposé comme un pilier des téléopérations francophones. Grâce à sa proximité linguistique et culturelle avec la France, ainsi qu’à des coûts compétitifs, le pays a su attirer une part substantielle de l’externalisation des services clients. Aujourd’hui, des dizaines de milliers de Marocains travaillent dans des centres d’appels, souvent installés à Casablanca, Rabat ou Fès, au service de grandes entreprises françaises. Cette relation économique structurante, qui a façonné tout un pan du tissu productif marocain, se retrouve désormais fragilisée par une nouvelle législation adoptée à Paris.
Un secteur sous pression face à une interdiction prochaine
Le Maroc pourrait voir disparaître une part non négligeable de ses emplois dans les téléservices à cause d’une loi française qui prendra effet en août 2026. Cette réforme bannira les appels commerciaux non sollicités, une activité sur laquelle repose encore une partie des centres d’appels marocains. Même si les services clients, le support technique ou encore la gestion de contenu ont pris le relais ces dernières années, certaines entreprises demeurent dépendantes du télémarketing. Pour ces structures, dont certaines travaillent exclusivement pour un seul donneur d’ordre français, la perte annoncée de cette activité représente un risque majeur de faillite.
Le recul de ce segment, déjà marginalisé, pourrait se transformer en crise sociale localisée. Les plus petites entreprises, souvent implantées loin des grandes villes, pourraient avoir du mal à absorber le choc. Les suppressions d’emploi potentielles inquiètent d’autant plus que plus de 80 % du chiffre d’affaires du secteur de la relation client au Maroc provient encore du marché français, faisant de cette dépendance un talon d’Achille.
Vers une transition difficile mais nécessaire
Pour tenter d’amortir l’impact, les pouvoirs publics et plusieurs acteurs du secteur prévoient des mesures de reconversion. Des formations qualifiantes, des appuis à la modernisation technique et des incitations fiscales font partie des pistes envisagées. L’objectif : encourager les entreprises à se repositionner sur des segments porteurs, comme le back-office ou le support spécialisé.
L’intégration de l’intelligence artificielle est également envisagée comme levier d’évolution, en vue d’offrir des prestations plus complexes et à plus forte valeur ajoutée. Mais l’implémentation de ces technologies exige un investissement conséquent en équipements et en formation. Pour les centres les moins solides, il s’agit d’un obstacle de taille qui pourrait compromettre leur transformation.
Une alerte sur la dépendance à un marché unique
Cette situation met en lumière un déséquilibre structurel. Le Maroc, en misant largement sur le marché français, a construit une spécialisation qui montre aujourd’hui ses limites. L’interdiction prochaine du démarchage téléphonique agit comme un révélateur de cette vulnérabilité. Pour sortir de cette impasse, plusieurs experts plaident pour une diversification des marchés cibles et une montée en compétences des effectifs.
L’enjeu dépasse le seul secteur des centres d’appels : il interroge la stratégie de développement de toute une filière tournée vers l’export de services. Réussir cette transition pourrait renforcer la résilience de l’économie marocaine. À l’inverse, l’absence de mesures concrètes risquerait de transformer cette réforme française en onde de choc durable au sud de la Méditerranée.
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