Peu après son élection, le président Bassirou Diomaye Faye avait surpris les observateurs en réservant sa première visite officielle non pas à un partenaire économique majeur comme la France ou un voisin stratégique comme le Mali, mais à la Mauritanie. Ce geste diplomatique fort allait au-delà de la symbolique : il soulignait la place centrale que prend désormais la coopération énergétique entre les deux pays. Au cœur de cette relation, le projet GTA (Grand Tortue Ahmeyim), implanté à la frontière maritime sénégalo-mauritanienne, redessine les contours des priorités régionales en matière d’exploitation gazière. Plus qu’un simple chantier industriel, c’est une expérience de codéveloppement sous tension, entre ambitions nationales et exigences communes.
Une infrastructure stratégique aux enjeux multiples
La station électrique de Bel Air, exploitée par la SENELEC, alimente depuis peu ses turbines au gaz, marquant ainsi l’entrée concrète du Sénégal dans l’ère de la transition énergétique à base locale. Cette conversion, achevée ce 19 mai, ouvre la voie à une baisse attendue des coûts de production de l’électricité, un enjeu majeur pour les foyers sénégalais dont la facture reste souvent lourde. Cette avancée technique s’ancre dans le progrès du projet GTA, désormais capable d’exporter son premier lot de gaz naturel liquéfié. L’événement a été évoqué ce mercredi lors d’une audience entre le président sénégalais et le PDG de BP, Murray Auchincloss, au moment même où l’équilibre politique et économique entre Dakar et Nouakchott devient un sujet de gestion fine.
Le défi est d’autant plus complexe que le gaz n’est pas qu’une ressource naturelle : c’est aussi un levier d’influence, un élément de souveraineté et un outil de projection. Le projet GTA, bien qu’appuyé par des entreprises étrangères comme BP, repose avant tout sur une entente bilatérale qui doit continuellement s’adapter aux réalités du terrain, aux variations du marché international et aux intérêts internes de chaque État. Un désaccord sur la répartition des bénéfices, des retards techniques ou une instabilité régionale pourrait rapidement faire basculer la dynamique coopérative.
Une coopération sous pression constante
Coordonner l’exploitation d’un gisement offshore partagé, c’est un peu comme tenter de piloter un navire à double gouvernail. Chaque décision implique de consulter, de négocier, d’anticiper les répercussions. Cela suppose aussi un niveau de confiance élevé et une volonté politique constante des deux parties. Le simple fait que le projet ait franchi le cap de la première livraison de GNL montre qu’un équilibre a été trouvé, au moins pour l’instant.
La route est encore longue. Les défis techniques à venir, les attentes croissantes des populations et la pression pour une gestion transparente des ressources exigent un pilotage diplomatique de haute précision. Le succès du GTA ne se mesurera pas seulement en mètres cubes de gaz exportés, mais aussi à la capacité des deux États à maintenir un partenariat équitable, durable et bénéfique pour leurs citoyens.
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