Le Sahara occidental reste l’un des derniers grands contentieux non résolus en Afrique du Nord. Depuis le retrait de l’Espagne en 1975, le Maroc revendique ce territoire vaste et désertique, au grand dam du Front Polisario, qui milite pour l’autodétermination du peuple sahraoui avec l’appui de l’Algérie. Classé par l’ONU parmi les territoires non autonomes, le Sahara occidental fait l’objet d’une bataille diplomatique acharnée, où les rapports de force sont aussi bien politiques qu’économiques. Pour Rabat, la mainmise sur cette zone est devenue un levier stratégique, et chaque projet d’investissement est aussi un acte de souveraineté. Cette tension de fond forme le décor brûlant sur lequel vient se greffer une nouvelle crise : celle liée à l’exploration des ressources maritimes.
Une exploration gazière qui ravive les lignes de fracture
La récente attribution d’un permis d’exploration dans le bloc « Boujdour Atlantique », au large du Sahara occidental, a immédiatement déclenché une onde de choc. Ce permis, d’une superficie impressionnante de près de 29 000 km², a été accordé pour une période initiale de huit ans à un consortium composé de la société marocaine Adarco et de l’entreprise israélienne NewMed Energy (anciennement Delek), chacune détenant 37,5 % des parts. L’Office national des hydrocarbures et des mines du Maroc conserve pour sa part 25 % du projet.
Mais ce n’est pas tant la nature du projet que son emplacement et la nationalité de ses acteurs qui inquiètent. Les autorités des îles Canaries, notamment la coalition nationaliste canarienne (CC) et le gouvernement régional, redoutent les conséquences d’une telle activité dans une zone maritime proche de leurs côtes. Elles redoutent « une escalade maritime » susceptible de bouleverser l’équilibre écologique, de perturber la pêche locale, et d’envenimer les relations déjà fragiles entre Rabat et Madrid.
Israël, nouveau venu dans les eaux du conflit
L’entrée d’une entreprise israélienne dans un projet énergétique aussi sensible constitue une nouveauté stratégique de taille. Depuis la reprise officielle des relations entre le Maroc et Israël, les partenariats économiques se sont multipliés dans les secteurs de la défense, de l’agriculture et des nouvelles technologies. L’exploration gazière dans une zone litigieuse vient désormais compléter ce tableau.
Pour Israël, cette incursion dans l’Atlantique représente bien plus qu’un simple investissement : c’est une façon de gagner une position dans un environnement géopolitique convoité, à proximité directe du marché européen et de la façade ouest-africaine. Le choix de NewMed Energy pour opérer dans les eaux proches du Sahara occidental n’est donc pas anodin : il symbolise l’extension silencieuse de la coopération israélo-marocaine sur des terrains stratégiques à haute sensibilité.
Cette implication d’Israël, bien que technique en apparence, résonne fortement dans les cercles diplomatiques. Elle place le Royaume dans une alliance qui dépasse le cadre régional, tout en crispant davantage les relations avec l’Espagne, qui reste attachée à une solution politique négociée pour le Sahara occidental. Elle soulève aussi la question du droit des peuples sahraouis à décider de l’usage de leurs ressources, un principe régulièrement rappelé par les Nations Unies mais rarement respecté dans les faits.
Tensions réactivées et mers agitées
L’exploration offshore dans une zone aussi contestée agit comme un catalyseur de tensions anciennes, et pourrait transformer un litige territorial en une crise énergétique aux contours incertains. En mêlant ressources stratégiques et alliances inattendues, ce projet remet sur le devant de la scène un conflit que beaucoup espéraient endormi. Les Canaries, point de friction le plus immédiat, deviennent ainsi un baromètre de l’instabilité que ce genre d’initiatives peut déclencher.
Le Maroc avance ses pions avec confiance, cherchant à consolider sa position sur le Sahara occidental tout en attirant des partenaires puissants. Israël, en apportant son expertise et sa diplomatie économique, s’intègre dans une stratégie régionale offensive. Quant à l’Espagne, elle se retrouve face à un dilemme cornélien : défendre ses intérêts maritimes tout en ménageant des alliances fragiles de l’autre côté du détroit.
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