Alors que la guerre en Ukraine a profondément remodelé l’architecture énergétique européenne, la recherche de nouveaux partenaires et de sources fiables est devenue une priorité stratégique. L’arrêt progressif des importations de gaz russe, envisagé dès 2027 par la Commission européenne, a obligé plusieurs États membres à redessiner en urgence leur carte des approvisionnements. L’Allemagne, historiquement très dépendante de la Russie, a dû engager une transformation de son modèle énergétique, passant notamment par un recours accru au gaz naturel pour la production d’électricité, tout en accélérant ses projets d’énergies renouvelables.
L’Algérie gagne du terrain dans le marché énergétique allemand
La décision allemande d’ouvrir ses portes au gaz algérien constitue un virage important. Ce partenariat marque la première incursion concrète du gaz algérien sur un marché longtemps dominé par les livraisons russes. La société allemande VNG considère cet approvisionnement comme un levier stratégique, permettant de sécuriser ses besoins en énergie tout en réduisant sa dépendance à Moscou. La livraison des premiers volumes de gaz est prévue pour 2026, via les infrastructures existantes entre l’Algérie et l’Italie, avant d’être redirigée vers l’Allemagne.
Cette évolution s’inscrit dans une politique énergétique redéfinie par la nouvelle ministre allemande de l’Économie, Katherina Reiche, qui prévoit la construction de centrales électriques au gaz pour une capacité totale de 20 gigawatts d’ici 2030. Son raisonnement repose sur une réalité pragmatique : les sources renouvelables, bien que essentielles, ne suffiront pas à elles seules à soutenir la consommation allemande. Ce choix pourrait redéfinir le rôle de l’Algérie comme fournisseur fiable pour une Europe en transition.
Hydrogène : un second levier stratégique pour l’Algérie
En parallèle du gaz naturel, Alger développe rapidement son potentiel dans le domaine de l’hydrogène vert. Grâce à ses vastes ressources solaires, à son positionnement géographique avantageux et à ses infrastructures transméditerranéennes, le pays ambitionne de devenir un acteur clé de la décarbonation du continent européen.
L’un des projets les plus structurants est le « SoutH2 Corridor », un pipeline de 3 300 kilomètres reliant l’Algérie à l’Italie, à l’Autriche et à l’Allemagne, via la Tunisie. L’objectif est d’acheminer quatre millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici 2030. Ce corridor énergétique repose en grande partie sur des réseaux existants, ce qui réduit les délais de mise en œuvre. Contrairement au projet franco-marocain, aujourd’hui à la traîne, cette initiative bénéficie d’un soutien financier actif de l’Union européenne.
La reconnaissance récente de l’Algérie comme l’un des trois pays arabes les plus prometteurs pour la production d’hydrogène renforce cette dynamique. Des accords ont notamment été signés avec le Sultanat d’Oman, leader dans le développement de chaînes d’approvisionnement mondiales en hydrogène. Ces synergies renforcent l’idée d’une stratégie énergétique algérienne fondée à la fois sur les énergies fossiles et renouvelables.
Des opportunités régionales redéfinies
La réorientation de la politique énergétique européenne, dictée par les bouleversements géopolitiques récents, redessine aussi les équilibres au Maghreb. L’Algérie, grâce à sa combinaison d’infrastructures existantes et de projets d’avenir, semble en position favorable. Son partenariat avec l’Allemagne n’est pas qu’un simple contrat d’exportation : il reflète une complémentarité entre besoins européens et ressources maghrébines.
Au-delà du gaz, l’hydrogène et l’ammoniaque verts offrent des perspectives concrètes pour un positionnement de long terme. La mise en réseau d’acteurs industriels, la disponibilité logistique et le soutien politique européen contribuent à faire de l’Algérie un interlocuteur énergétique de plus en plus incontournable.
Si l’évolution du marché reste tributaire des avancées technologiques et des équilibres géopolitiques, le recentrage de l’Europe sur des partenaires comme l’Algérie montre comment une contrainte – la perte d’un fournisseur majeur – peut ouvrir des opportunités régionales durables.
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