Depuis des décennies, l’Algérie construit son modèle économique autour de ses réserves en hydrocarbures, qui représentent la quasi-totalité de ses recettes en devises et une large part de ses revenus budgétaires. Cette dépendance, si elle a longtemps permis de financer les politiques sociales et les grands projets d’infrastructure, expose aujourd’hui le pays à une série de vulnérabilités structurelles, amplifiées par les fluctuations du marché mondial de l’énergie. À l’heure où la Banque mondiale tire la sonnette d’alarme sur la chute durable des cours, Alger se retrouve à un carrefour décisif.
Une rente fragilisée par la baisse des cours
La Banque mondiale anticipe un recul prolongé des prix du pétrole et du gaz, avec un baril de Brent autour de 64 dollars cette année, puis un passage à 60 dollars en 2026. Ces niveaux, inférieurs à ceux enregistrés entre 2015 et 2019, placent l’Algérie dans une situation délicate. L’économie nationale, encore largement dépendante des recettes issues des exportations d’hydrocarbures, voit ses marges budgétaires se rétrécir alors que les besoins sociaux restent élevés.
Cette tendance à la baisse, qui touche également les autres matières premières, pèse sur les perspectives des pays fortement exposés. La Banque mondiale estime que près des deux tiers des économies en développement pourraient voir leur situation financière se détériorer à cause de cette dynamique. Pour Alger, cela signifie un affaiblissement de sa balance des paiements, une pression accrue sur les réserves de change et une dépendance renforcée aux importations stratégiques, notamment alimentaires.
Une transformation économique devenue urgente
Dans ce contexte, l’institution appelle à une réorientation profonde des politiques économiques. Pour l’Algérie, cela implique de miser davantage sur des secteurs à forte valeur ajoutée, capables de générer des emplois durables et d’attirer des capitaux étrangers. La diversification, souvent évoquée mais rarement concrétisée, devient une priorité absolue. Il s’agit de dépasser la logique d’économie d’appoint tournée vers l’exportation brute de ressources, en développant l’industrie locale, les services et l’agriculture moderne.
L’environnement des affaires constitue un autre levier à actionner : transparence, simplification administrative et prévisibilité réglementaire sont des conditions essentielles pour rassurer les investisseurs et favoriser l’émergence d’un tissu entrepreneurial solide. Le commerce extérieur, également visé, doit bénéficier d’une libéralisation plus poussée pour dynamiser les échanges et faciliter l’intégration dans les réseaux économiques régionaux et internationaux.
Anticiper l’impact de la transition énergétique mondiale
Le ralentissement attendu des marchés énergétiques coïncide avec une mutation technologique et réglementaire profonde à l’échelle globale. La montée en puissance des politiques climatiques, notamment en Europe, remet en question les modèles fondés sur des industries intensives en carbone. Pour continuer à exporter vers ces marchés sans subir de pénalités, l’Algérie devra moderniser ses processus industriels et intégrer des critères environnementaux dans sa stratégie économique.
L’ajustement carbone aux frontières (CBAM), prévu par l’Union européenne, impose désormais des contraintes nouvelles aux pays exportateurs. Ignorer ces évolutions reviendrait à se fermer progressivement l’accès à des débouchés commerciaux essentiels. Adapter l’outil productif, adopter des technologies plus propres et investir dans les énergies renouvelables ne relèvent plus d’un choix mais d’une nécessité stratégique.
Alors que les bénéfices de la rente énergétique s’amenuisent, l’Algérie fait face à une équation complexe : préserver la stabilité sociale tout en réformant un système économique hérité d’un autre temps. Le contexte international agit comme un révélateur des limites d’un modèle trop longtemps figé, et offre une occasion rare de repenser les priorités nationales avant que la fenêtre d’ajustement ne se referme.
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