Depuis plusieurs années, le français perd du terrain en Afrique, en particulier dans les pays anciennement colonisés. Si la langue reste largement utilisée dans l’administration, les affaires ou les médias, son rôle dans les systèmes éducatifs est de plus en plus remis en question. Des États comme le Mali, le Niger ou le Burkina Faso — aujourd’hui regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) — ont clairement affiché leur volonté de tourner la page du français, au profit d’une autonomie culturelle et linguistique affirmée. Le retrait progressif de la langue dans les institutions universitaires, les administrations publiques et les médias nationaux s’est accompagné d’une montée du sentiment anti-politique française. Ce climat s’étend aujourd’hui au Maghreb, où l’Algérie vient d’annoncer une décision emblématique : la fin de l’enseignement du français dans les facultés de médecine.
L’université algérienne prend le virage de l’anglais
Sur le campus de Béchar, au sud-ouest du pays, le président Abdelmadjid Tebboune a récemment confirmé une mesure qui avait déjà fait l’objet de discussions internes : les programmes de médecine seront désormais dispensés en anglais à compter de la rentrée universitaire 2025. Ce changement, acté en présence de plusieurs responsables civils et militaires, traduit un repositionnement clair sur le plan académique. Longtemps privilégié pour l’enseignement scientifique, le français est ainsi évincé d’un domaine-clé de l’enseignement supérieur.
Pour les autorités, cette bascule se justifie par des considérations d’accessibilité aux ressources : selon des responsables pédagogiques, les manuels et publications les plus à jour sont en anglais. Pourtant, ce choix soulève des résistances au sein du corps enseignant. Plusieurs professeurs, formés et expérimentés dans un système francophone, ont exprimé leur malaise face à une transition imposée sans accompagnement adapté. Certains ont même choisi de se retirer plutôt que d’enseigner dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment pour transmettre des savoirs complexes.
Une reconfiguration aux implications multiples
Depuis 2022, plusieurs circulaires ministérielles ont encouragé, parfois de manière pressante, les enseignants à se former à l’anglais. Des sessions accélérées avaient été prévues pour faciliter cette transition, sans pour autant convaincre l’ensemble des concernés. Ce contexte explique en partie la difficulté à mettre en œuvre une politique linguistique cohérente et efficace.
Le choix de l’anglais comme langue d’instruction renforce aussi l’idée d’un réalignement stratégique. Alors que les tensions diplomatiques avec Paris ressurgissent régulièrement, cette décision est perçue par certains comme un geste de distanciation culturelle. Elle traduit une volonté de se tourner vers d’autres horizons académiques et scientifiques, en phase avec les normes et les circuits internationaux de recherche. Au-delà des salles de cours, c’est donc l’image de la francophonie en Afrique qui se trouve fragilisée.
La réorientation linguistique algérienne s’ajoute à une série de décisions similaires prises par d’autres pays de la région sahélienne. L’anglais, vu comme une langue d’opportunité et d’ouverture, gagne du terrain face à un français souvent associé à un passé colonial et à des relations bilatérales complexes. Ce glissement, lent mais constant, remet en cause l’avenir du français comme langue de savoir sur le continent.
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