Les archives françaises mentionnent 35 morts. Ce chiffre, resté inchangé depuis des décennies, représente la version officielle du massacre du 1ᵉʳ décembre 1944 à Thiaroye. Ce jour-là, des soldats africains fraîchement démobilisés, ayant combattu pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale, furent abattus par l’armée française alors qu’ils revendiquaient le paiement de leur solde et un traitement équitable. Ces hommes, désignés comme « tirailleurs » selon une terminologie militaire devenue péjorative, provenaient de différentes régions du continent africain. À ce jour, l’identité exacte des victimes, leur nombre réel et les lieux où elles furent inhumées demeurent entourés d’un silence pesant.
Une nouvelle dynamique enclenchée après la commémoration
Le 80ᵉ anniversaire du massacre, commémoré le 2 décembre 2024, a ravivé les attentes autour d’un éclaircissement historique trop longtemps différé. À cette occasion, le président Diomaye Faye a annoncé une série de mesures concrètes pour relancer les recherches et documenter les faits. Cette initiative marque un tournant dans la manière dont l’État sénégalais entend traiter cette page douloureuse de son histoire.
Parmi les décisions prises figure la mobilisation d’une équipe de chercheurs de l’université Cheikh Anta Diop, chargée de conduire des investigations sur le site de Thiaroye. Ces travaux déboucheront sur la rédaction d’un livre blanc, destiné à restituer, preuves à l’appui, les circonstances du drame. Dans le prolongement de cette dynamique, une mesure récente et hautement symbolique a été prise : la zone de fouille a été déclarée interdite de survol. Ce choix vise à protéger le travail des chercheurs, à sécuriser les lieux et à souligner l’importance accordée à cette quête de vérité.
Justice attendue, reconnaissance espérée
Ceux qui sont tombés à Thiaroye n’étaient ni rebelles ni mutins : ils étaient d’anciens combattants, revenus vivants des champs de bataille européens et morts pour avoir exigé ce qui leur revenait. Leur sort, longtemps marginalisé, questionne encore les fondements de la mémoire partagée entre la France et ses anciennes colonies. Le terme même de « massacre » a mis du temps à s’imposer, tant les autorités, dans les années qui ont suivi, ont préféré l’oubli à la justice.
La reprise des fouilles, les restrictions mises en place et la promesse d’un rapport officiel peuvent-elles réparer une injustice vieille de 80 ans ? À Thiaroye, il ne s’agit pas seulement de retrouver des ossements ou des archives : il s’agit de rétablir la dignité d’hommes que l’histoire a laissés dans l’ombre.
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