En octobre dernier, le Sénégal a connu une crue d’une ampleur exceptionnelle qui a bouleversé des milliers de vies. À Matam, dans le nord-est du pays, les pluies ont fait déborder le fleuve Sénégal, engloutissant des habitations entières et forçant plus de 5000 personnes à fuir en urgence. Des centaines de maisons ont été détruites, laissant les sinistrés face à l’impuissance et à l’incertitude. Cinq jours d’une intensité hydrique inédite depuis un demi-siècle ont suffi à mettre à nu la fragilité des dispositifs existants.
Alors que la terre commence à peine à absorber les stigmates de cette catastrophe, les inquiétudes remontent déjà à la surface. Les souvenirs d’octobre sont trop frais, les pertes trop lourdes. À l’approche de la prochaine saison des pluies, une question hante les esprits : les leçons ont-elles été tirées à temps ? Les habitants des zones à risque, notamment ceux le long du fleuve, redoutent une répétition du scénario. Les attentes vis-à-vis des autorités, encore élevées, sont désormais mêlées à une forme de scepticisme.
Des annonces gouvernementales à l’épreuve du terrain
Face à l’ampleur des dégâts passés et à la pression croissante de l’opinion, l’État sénégalais a décidé de réagir. Le 12 mai, lors d’un Conseil interministériel, le gouvernement a présenté une série de mesures dites « fortes » pour anticiper les prochaines inondations. Plusieurs régions sont au cœur du plan : Touba, Diourbel, Kaolack, Kaffrine, Fatick, Kolda, Kédougou et Tambacounda. Des ouvrages de drainage sont en cours de réalisation, notamment à Touba, où l’un d’eux est censé pouvoir évacuer 60 000 m³ d’eau – soit l’équivalent de 600 millions de litres – en une heure.
Ce type d’annonce frappe par son ambition technique. Mais sur le terrain, la réalité est souvent plus nuancée. Les travaux peuvent être ralentis par des délais administratifs, des budgets mal exécutés ou encore des choix d’emplacement discutables. La multiplication des chantiers ne garantit pas à elle seule une protection efficace, surtout si la gestion de l’eau reste morcelée et si les populations ne sont pas pleinement intégrées dans les stratégies locales. Dans les quartiers mal lotis ou les zones informelles, les caniveaux sont souvent absents, mal entretenus ou obstrués, transformant chaque averse en potentiel cataclysme.
De l’urgence à la prévention : un changement de posture nécessaire
L’épisode d’octobre a montré que les aléas climatiques ne préviennent plus. Ils frappent soudainement, parfois hors saison, et avec une violence inattendue. L’enjeu n’est donc plus de simplement réagir, mais d’anticiper à long terme. Cela suppose de réorganiser les plans d’urbanisme, de renforcer la surveillance hydrologique, d’investir dans la formation des agents de terrain, mais aussi de sensibiliser les habitants aux bons réflexes à adopter.
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