Le départ de Barthélémy Dias de la formation politique Taxawu Sénégal ne passe pas inaperçu. Après plus d’une décennie de collaboration avec Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar prend ses distances à un moment critique pour l’opposition sénégalaise. Cette séparation n’est pas seulement une affaire de personnes. Elle marque la fin d’un tandem politique qui avait su résister à l’exclusion du Parti socialiste, aux turbulences électorales et aux épreuves judiciaires. Aujourd’hui, les désaccords sur la stratégie électorale, notamment le manque d’engagement reproché à Khalifa Sall lors des législatives de novembre, semblent avoir scellé une fracture devenue irréversible.
Cette rupture arrive à un moment où la voix de l’opposition se fait plus discrète, éclipsée par les recompositions du pouvoir. La sortie de Dias affaiblit mécaniquement la visibilité d’un courant d’opposition urbaine, militante et combative, qu’il représentait depuis plusieurs années. Son éviction de l’Assemblée nationale en décembre, après la confirmation de sa condamnation judiciaire, avait déjà fragilisé sa position. Sa sortie de Taxawu le pousse désormais à reconstruire un projet politique seul, sans le soutien du mentor avec lequel il avait bâti sa trajectoire.
Un parcours politique entre turbulence et résistance
Barthélémy Dias n’a jamais été un acteur politique discret. Condamné en 2017 pour coup mortel, sa peine a été confirmée en appel en 2022 puis validée définitivement en 2023 par la Cour suprême. Cette affaire a nourri de vives tensions entre ses partisans et le pouvoir, jusqu’à son exclusion du Parlement. Ce revers judiciaire a été perçu par certains comme un coup politique, mais il a aussi révélé les limites institutionnelles d’un combat engagé. Privé de tribune parlementaire, Dias s’est retrouvé marginalisé sur la scène nationale. Dans ce contexte, la dégradation de ses relations avec Khalifa Sall a achevé d’installer un isolement stratégique.
Le ressentiment s’est accentué après les dernières élections, où Dias a estimé ne pas avoir été suffisamment soutenu. Cette perception d’abandon a transformé une relation politique forte en désillusion. Et même si certains au sein de Taxawu Sénégal appellent à relativiser la séparation, la dynamique d’ensemble est marquée par un net recul de la cohésion. La fracture entre deux figures majeures de l’opposition urbaine laisse un vide qui, pour l’instant, n’a pas encore trouvé de relais solide.
Quel avenir pour Taxawu et pour Dias ?
La priorité affichée par les cadres restants de Taxawu Sénégal est désormais claire : restructurer, élargir, et stabiliser le mouvement. Mais sans Barthélémy Dias, ce projet devra faire face à une perte de voix singulière et populaire, particulièrement à Dakar. Le style direct, l’ancrage local et la capacité de mobilisation de l’ancien maire de la capitale constituaient des atouts électoraux non négligeables. Son départ ne laisse pas seulement un espace vide : il modifie l’équilibre interne et contraint le mouvement à repenser son message, son organisation et ses figures d’incarnation.
De son côté, Barthélémy Dias entre dans une zone d’incertitude. S’il parvient à canaliser sa popularité et à formuler une alternative politique crédible, il pourrait regagner en influence. Mais sans structure stable ni alliance claire, l’exercice sera délicat dans un paysage politique dominé par de nouvelles majorités. La désunion des anciens alliés rend plus difficile la construction d’un front d’opposition audible. Pour l’heure, cette séparation fragilise les deux camps. Et dans un pays où les coalitions déterminent souvent l’issue des scrutins, l’éclatement de ce binôme politique pourrait avoir des conséquences bien au-delà des trajectoires individuelles.
Laisser un commentaire