Le nouveau gouvernement sénégalais hérite d’un passif financier d’envergure. Au 31 décembre 2023, l’encours de la dette de l’administration centrale avoisinait les 18 559 milliards de francs CFA, soit quasiment l’équivalent du produit intérieur brut du pays. Ce niveau d’endettement, supérieur aux chiffres communiqués sous le précédent régime, alimente l’urgence d’un audit rigoureux de la gestion passée. Dans ce contexte, la reddition des comptes ne relève plus du seul impératif moral ou politique : elle devient un levier économique majeur. Restaurer la confiance des citoyens et des bailleurs, freiner l’hémorragie financière et garantir une meilleure allocation des ressources sont désormais des priorités indissociables.
Ce climat de pression budgétaire confère une portée particulière aux récentes procédures judiciaires visant d’anciens responsables politiques. La Haute Cour de justice multiplie les convocations, comme pour envoyer un message clair : les fonds publics ne peuvent plus être considérés comme une manne sans contrôle. La justice ne se limite pas à établir les faits ou à sanctionner les fautes. Son rôle est aussi de contribuer à une gestion plus rigoureuse de l’État en récupérant les ressources détournées, afin de les réinjecter dans les circuits utiles à la collectivité.
Une série d’affaires qui secoue les sphères politiques
Les arrestations s’enchaînent, et chacune d’elles révèle une facette du système de gestion précédent. Moustapha Diop, actuel maire de Louga et ancien ministre, a été interpellé pour sa gestion des fonds Covid-19. Ce qui distingue son dossier n’est pas seulement le montant impliqué, mais le fait qu’il exerce encore un mandat électif. Cette circonstance soulève des interrogations sur la responsabilité des élus en poste et renforce le caractère sensible de l’affaire. Quelques jours plus tôt, Aissatou Sophie Gladima, ex-ministre des Mines, a été incarcérée pour des irrégularités présumées dans la gestion d’un programme d’appui aux orpailleurs. Ndèye Saly Diop, ancienne ministre de la Femme, est également visée pour sa gestion de fonds publics et placée sous contrôle judiciaire.
Ces procédures, loin de se résumer à une purge politique, s’insèrent dans une dynamique de restauration des équilibres institutionnels. Elles traduisent une volonté de rétablir la discipline dans l’utilisation des ressources publiques. Le fait que les personnalités concernées proviennent toutes de l’ancienne équipe gouvernementale donne une coloration particulière aux événements. Mais ce sont avant tout les pratiques de gouvernance qui sont mises en cause, bien plus que les appartenances politiques individuelles.
Une justice tournée vers la restitution des biens publics
Lorsqu’il affirme que « l’objectif premier est de récupérer l’argent du contribuable », le ministre porte-parole du gouvernement, Moustapha Ndiack Sarré, ne se réfère pas uniquement à une logique punitive. Il pose une intention stratégique : la justice devient un outil de redressement financier. Cela revient à dire que l’État ne cherche pas à ériger des totems judiciaires pour satisfaire l’opinion, mais bien à restituer aux finances publiques ce qui leur appartient. L’enjeu est de nature fonctionnelle : redonner aux institutions les moyens de mener leurs missions, dans un contexte de pression sur les dépenses, d’attentes sociales croissantes et d’obligations de service public à honorer.
La complexité de la dette publique, la multiplicité des besoins et les contraintes budgétaires poussent l’administration à revoir ses priorités. L’audit des comptes ne vise donc pas seulement à établir la vérité : il doit aussi permettre de reconstituer les marges de manœuvre nécessaires pour gouverner efficacement. Ce tournant est observé avec attention, tant par la population que par les partenaires internationaux. Si la justice parvient à conjuguer rigueur procédurale et efficacité économique, elle deviendra l’un des piliers du renouveau institutionnel attendu.
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