Sénégal : Suspension des gardes et du respect des urgences par les médecins en spécialisation

docteur, medecine
Photo Unsplash

Depuis le 26 mai 2025, les médecins en spécialisation du Sénégal, regroupés au sein du COMES, avaient adopté un mouvement de grève avec service minimum, maintenant les gardes prévues et les urgences pour éviter un impact trop brutal sur les hôpitaux. Mais après trois jours sans avancée notable, la stratégie a changé. Le collectif a durci le ton : toutes les gardes sont suspendues, les urgences ne seront plus couvertes. Pour ces praticiens en formation, il ne s’agit plus d’alerter, mais de forcer l’État à sortir du silence.

Des conditions de travail jugées indignes

Derrière cette rupture de service, ce sont des mois de frustrations accumulées qui explosent. Plusieurs médecins en spécialisation dénoncent un traitement qu’ils jugent incompatible avec l’importance de leur mission dans les hôpitaux. Beaucoup n’ont pas touché leur bourse depuis des mois, alors qu’elle constitue bien souvent leur unique source de revenu. Cette précarité prolongée, couplée à des horaires lourds et des responsabilités croissantes, est vécue comme un déni de leur place dans le système de santé.

Publicité

Les indemnités versées pour les gardes, pourtant fréquentes et parfois longues, sont jugées dérisoires. À cela s’ajoute une absence de statut clair : ni pleinement étudiants, ni entièrement reconnus comme professionnels de santé, ces médecins peinent à faire valoir leurs droits. Cette ambiguïté se traduit par des injustices concrètes. Les femmes en spécialisation, par exemple, ne disposent pas d’un cadre légal pour le congé de maternité, les exposant à des retards de carrière qu’elles subissent seules, sans compensation ni accompagnement.

Une décision radicale à la mesure du silence

Jusqu’ici, le COMES avait fait le choix d’une mobilisation mesurée, tentant de maintenir un équilibre entre pression sur les autorités et responsabilité médicale. En renonçant désormais aux gardes et aux interventions d’urgence, le collectif prend un virage stratégique risqué, mais assumé. L’objectif est clair : faire comprendre que le système tient aussi grâce à leur travail invisible et souvent sous-estimé.

Cette suspension, si elle se prolonge, pourrait affecter la prise en charge des patients dans les grands centres hospitaliers, où les médecins en spécialisation constituent l’épine dorsale des services. Ce sont eux qui assurent la continuité des soins lors des gardes de nuit, des week-ends et des jours fériés. En retirant cette ressource humaine du circuit, les établissements devront s’organiser autrement, souvent avec moins de personnel expérimenté et plus de délais.

Le COMES ne réclame pas de privilèges, mais un socle minimal de reconnaissance et de justice. Ce mouvement met en lumière un paradoxe : on exige des médecins en spécialisation qu’ils répondent à toutes les exigences d’un praticien en poste, sans leur offrir les protections qui devraient aller de pair. Il ne s’agit plus seulement d’un conflit social, mais d’un signal d’alerte pour tout le système hospitalier. La santé publique ne peut se construire sur l’épuisement et la précarité de ceux qui la font vivre au quotidien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité