Tiken Jah Fakoly au Sénégal: rencontre avec Sonko et annonce

En 2007, la voix rauque et militante de Tiken Jah Fakoly tonnait contre les dérives du régime de Me Abdoulaye Wade. Le reggaeman ivoirien n’avait pas hésité à interpeller Karim Wade sur la gestion opaque des ressources publiques. Cette sortie jugée provocatrice lui avait valu une mise à l’écart du territoire sénégalais, l’État le considérant alors comme indésirable. Ce bannissement n’a pourtant jamais fait taire l’artiste, dont les engagements traversent les frontières et les régimes. Plusieurs années plus tard, c’est dans un tout autre décor que Tiken Jah a posé ses valises à Dakar : accueilli à la Primature, reçu avec les honneurs par le Premier ministre Ousmane Sonko, lui-même devenu figure d’un changement arraché dans les rues, à la suite d’un long bras de fer politique avec l’ancien pouvoir.

Une rencontre entre symboles et projets

Le dialogue entre les deux hommes, selon Tiken Jah Fakoly, fut « historique et inspirant ». Ce ne sont pas que des mots de courtoisie. C’est la rencontre de deux trajectoires marquées par la marginalisation puis la légitimation populaire. D’un côté, un artiste panafricain qui a payé le prix fort de son franc-parler. De l’autre, un Premier ministre dont le parcours politique a été semé d’obstacles, mais porté par un élan citoyen sans précédent. Cette résonance entre leurs histoires donne un poids particulier à ce face-à-face. Et surtout, elle ouvre sur du concret : un concert pour la paix en Casamance, annoncé par Tiken Jah lui-même, est en préparation. L’artiste souhaite utiliser la musique comme vecteur de réconciliation dans cette région meurtrie depuis des décennies par un conflit latent.

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Une ère nouvelle où l’art dialogue avec le pouvoir

Au-delà des symboles et des annonces, cette rencontre entre un artiste et un chef de gouvernement traduit une bascule plus profonde dans les rapports entre culture et pouvoir politique au Sénégal. Tiken Jah a salué l’arrivée à la tête de l’État d’un président et d’un Premier ministre « portés par le peuple ». Ce type de reconnaissance mutuelle entre art engagé et leadership politique était impensable il y a quelques années encore. À présent, les artistes comme lui ne sont plus considérés comme des fauteurs de trouble, mais comme des partenaires dans la construction d’un avenir plus juste. L’annonce du concert en Casamance ne répond pas à une logique de divertissement : elle vise à rassembler, à panser les blessures et à raviver l’espoir dans une région souvent négligée.

Alors que beaucoup de voix s’éteignent sous la pression ou l’autocensure, la démarche de Tiken Jah Fakoly et l’ouverture affichée d’Ousmane Sonko rappellent qu’il est encore possible de conjuguer pouvoir et conscience, musique et mission. Ce n’est pas qu’un concert qui se profile, c’est peut-être le prélude d’un nouveau dialogue entre art et gouvernance.

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