Afrique : l’aide au développement est-elle vraiment utile ?

Copyright La Nouvelle Tribune

Chaque année, les promesses d’aide au développement se répètent, tout comme les constats d’échec. Les chiffres sont là : malgré des décennies de transferts financiers, l’Afrique reste confrontée à des défis structurels majeurs – gouvernance fragile, dépendance économique, inégalités persistantes. L’édition 2025 de l’Ibrahim Governance Weekend, organisée à Marrakech, a mis en lumière cette dissonance. Pour Mo Ibrahim, philanthrope anglo-soudanais et fondateur de la fondation du même nom, il est devenu urgent de rompre avec une logique d’assistanat dépassée qui freine l’appropriation du développement par les acteurs africains eux-mêmes.

Une aide qui enferme plus qu’elle ne soutient

Loin d’être un simple soutien désintéressé, l’aide internationale a souvent été un outil de conditionnement politique, économique, voire idéologique. Les financements arrivent rarement sans contreparties : ouverture des marchés, alignement diplomatique, mise en œuvre de réformes imposées. Cette instrumentalisation mine la souveraineté des États africains, en plaçant les décisions stratégiques entre les mains d’acteurs extérieurs. En réalité, l’aide contribue parfois à figer les rapports de domination, plutôt qu’à les dépasser. Elle crée une illusion de soutien, mais freine les capacités locales d’autonomisation, en réduisant la marge d’action des gouvernements.

Publicité

L’efficacité de l’aide est également minée par sa fragmentation. Multiplication des bailleurs, objectifs contradictoires, projets courts et mal coordonnés : les financements se perdent dans une complexité bureaucratique qui affaiblit leur impact. Plutôt que de renforcer les institutions locales, l’aide crée souvent une dépendance technique et administrative. Les compétences s’exportent via des consultants, les priorités sont dictées depuis l’extérieur, et les retombées économiques profitent rarement aux populations ciblées. À long terme, ce modèle favorise une logique de survie institutionnelle plutôt qu’une véritable transformation structurelle.

Des leviers internes négligés

Pourtant, l’Afrique n’est pas démunie. Le continent concentre des ressources naturelles critiques, une jeunesse majoritaire, une diaspora active et un potentiel économique réel. Le problème n’est donc pas un manque de richesses, mais un défaut d’organisation et de stratégie sur le long terme. Mobiliser les fonds de pension locaux, améliorer la fiscalité, sécuriser les territoires, investir dans l’éducation et les infrastructures : autant de chantiers fondamentaux qui ne nécessitent pas d’aide extérieure pour exister, mais bien une volonté politique ferme et une gouvernance crédible. Le changement ne viendra pas de l’augmentation des flux d’aide, mais de la réappropriation des leviers de développement.

Un changement de cap selon la Fondation Mo Ibrahim

Dans un entretien accordé au magazine Le Point Afrique, Nathalie Delapalme, directrice exécutive de la Fondation Mo Ibrahim, souligne que l’aide publique au développement représente aujourd’hui moins de 10 % du financement global du continent. Elle note que dans plusieurs pays africains, même les coupes importantes décidées par les États-Unis ne représentent qu’une portion marginale de leur revenu national. Pour elle, la véritable voie réside dans la mobilisation des ressources internes et une intégration économique plus poussée, permettant de réduire durablement la dépendance extérieure.

Elle insiste également sur un point fondamental : aucune stratégie de croissance ne pourra réussir sans paix, justice, sécurité et institutions solides. Tant que ces conditions ne seront pas réunies, les investissements privés resteront timides et les initiatives de développement seront vouées à l’échec. Le message porté par la Fondation est donc clair : le continent doit changer de posture, ne plus attendre des solutions toutes faites, mais construire les siennes à partir de ses réalités, de ses forces, et de ses priorités propres.

Publicité

En définitive, l’aide au développement a largement montré ses limites. Présentée comme un moteur de progrès, elle s’est souvent révélée être un outil d’influence, détournant les pays africains de leurs propres trajectoires. Le véritable défi n’est pas d’en demander davantage, mais de bâtir un modèle qui libère les énergies locales, renforce les institutions, et replace le continent au centre de ses choix. À ce prix seulement, l’Afrique pourra parler de développement au sens plein du terme.

2 réponses

  1. Avatar de Tchité
    Tchité

    Qui a jamais aidé qui à se developper dans ce monde, surtout pas les esclavagistes, ni colonisateurs. Le reste, c’est juste des illusions, et nos politiques qui portent des vestes et cravates sous les tropiques se font rouler dans la farine, le peuple qui sommeille avec eux.

  2. Avatar de Sonagnon
    Sonagnon

    Les avoirs à l’extérieur des Chefs d’Etat africains depuis Félix Houphouët-Boigny, EYADEMA, BONGO, BIYA et consorts suffisent largement pour financer le développement de l’Afrique.
    Que l’UA prenne l’initiative de demander la confiscation de tous les biens et avoirs des Chefs d’Etat africains en occident et ailleurs; les rapatrier et ou les vendre pour créer une banque de développement en Afrique, et on verra si l’Afrique aura encore besoin d’aide au développement.

    Les puissances occidentales sont des complices du pillage des ressources publiques en Afrique.
    Si non, comment un individus, quoi que Chef d’Etat peut avoir des milliards de biens de part le monde, et souvent des Chefs d’Etat de pays dit pauvre!!! Il y a un paradoxe!!!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité