Immolation au Maghreb : un drame évité de justesse

Des policiers algériens - Photo : DR

En 2011, le monde arabe basculait après le geste désespéré de Mohamed Bouazizi, jeune vendeur ambulant tunisien qui, humilié et harcelé par la police, s’était immolé devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid. Ce geste, fruit d’un profond désespoir face à un système jugé sourd et injuste, avait embrasé les rues tunisiennes avant de faire tache d’huile jusqu’en Égypte, en Libye, en Syrie et au Yémen. Plus qu’un acte individuel, son geste avait cristallisé un malaise généralisé et déclenché une série de soulèvements sans précédent dans la région. Ce 1er juin à Alger, ce spectre s’est presque réveillé. Un homme a tenté de s’immoler par le feu devant le ministère de la Justice, dans une mise en scène consciente, déterminée, mais qui, grâce à une intervention rapide, n’a pas viré au drame.

L’essence d’une protestation

Faouzi Zegout, s’est présenté devant le siège du ministère vêtu sobrement mais formellement, comme pour souligner la gravité de sa démarche. Dans une vidéo enregistrée peu avant par un proche, il dénonce un traitement injuste qu’il attribue à un magistrat du tribunal de Frenda, évoquant la menace d’une lourde peine de prison. L’ami en question, qui filme sans intervenir, prend la fuite juste après, laissant Zegout seul face à son geste.

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Devant le bâtiment, l’homme s’asperge d’un liquide inflammable. Mais il n’a pas le temps d’aller jusqu’au bout : des agents de sécurité postés sur place interviennent rapidement. Selon les informations relayées par Frenda News sur Facebook, il a été conduit à l’hôpital des grands brûlés d’Alger. Bien qu’aucune source officielle n’ait été citée, la page locale précise qu’il serait conscient et son état jugé stable.

La justice dans le viseur

Ce choix du lieu n’a rien d’anodin. C’est précisément devant le ministère de la Justice que Faouzi Zegout a décidé de poser son acte, comme pour défier une institution qu’il estime responsable de son calvaire. Il ne s’agit pas d’un cri dans le vide, mais d’une interpellation directe, une tentative de peser, par la violence symbolique, sur une structure qu’il considère sourde à ses plaintes.

Ce type de protestation reste rare en Algérie, et plus largement au Maghreb, où les autorités sont particulièrement sensibles à tout ce qui pourrait réveiller les souvenirs du printemps arabe. Car ici, comme ailleurs, l’immolation par le feu n’est jamais un simple acte de désespoir : c’est une adresse publique, un message de rupture lancé à la société et à l’État. En plaçant la justice au centre de cette mise en scène, Zegout dénonce moins une condamnation précise qu’un système dans lequel il ne croit plus trouver réparation.

Entre réseaux et institutions, la fracture

La vidéo du geste, rapidement diffusée sur les plateformes sociales, a immédiatement provoqué une onde de réactions. Ce canal, aujourd’hui incontournable, permet de court-circuiter les procédures longues et souvent infructueuses. Il devient la scène où les doléances sont jouées en direct, sans filtres, sans porte-parole. Pour ce cas, le dispositif est limpide : l’image pour frapper, le lieu pour marquer, l’essence pour faire comprendre qu’il n’y a plus d’issue.

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Mais cette tentative, heureusement déjouée, révèle aussi une inquiétude plus large sur la place du citoyen face aux institutions. Lorsque le dialogue se rompt, que les recours semblent fermés ou biaisés, certains n’hésitent plus à choisir la voie extrême. Le geste de Zegout n’a pas fait de victime mais Il aurait pu. Et même s’il est resté limité dans ses conséquences physiques, il soulève une question brûlante : combien de personnes vivent, en silence, cette sensation d’abandon judiciaire et administratif ?

Une réponse

  1. Avatar de Manil bouta
    Manil bouta

    on peut pas être jugé et partie, si chaque criminel croit être victime de son jugement il n’aura plus de justice…chacun assume ses actes

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