Inclusion financière : les crypto-monnaies peuvent-elles vraiment changer la donne au Sénégal ?

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Près d’un Sénégalais sur deux reste exclu du système bancaire traditionnel. Mais une autre voie s’ouvre : celle des crypto-monnaies, plus accessibles et mobiles. Effet de mode ou vrai levier d’inclusion financière ? Décryptage d’un phénomène en pleine expansion.

Un système bancaire encore trop limité

En 2023, seulement 26 % des adultes sénégalais possédaient un compte bancaire classique, selon l’Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF). En incluant la microfinance, ce taux atteint 36,4 %. Mais c’est surtout grâce aux portefeuilles mobiles – Orange Money, Wave, Free Money – que l’inclusion financière progresse : près de 57 % des adultes utilisent aujourd’hui un outil financier numérique, d’après les dernières données de la BCEAO et du CALP Network.

Malgré tout, une grande partie de la population reste en marge des services bancaires formels. Les zones rurales, les jeunes sans emploi stable et les travailleurs informels figurent parmi les premiers exclus. En cause : le manque d’agences, les frais élevés ou encore les démarches administratives dissuasives.

Une technologie à portée de main

Dans ce paysage fragmenté, le Bitcoin et les crypto-monnaies apparaît comme une solution. Contrairement aux banques traditionnelles, l’accès aux cryptos ne nécessite ni fiche de paie ni déplacement en agence. Un simple smartphone et une connexion internet suffisent.

Des plateformes comme Binance, Paxful ou Yellow Card gagnent du terrain au Sénégal. Elles permettent d’acheter, d’échanger ou de stocker des Bitcoins en quelques clics. La jeune génération, souvent plus technophile et habituée aux paiements mobiles, constitue la première vague d’utilisateurs.

L’essor de ces usages ouvre la voie à une question de plus en plus partagée parmi les utilisateurs : quelle crypto va exploser en 2025 ? Les échanges portent désormais sur des projets émergents aux cas d’usage variés — de la finance décentralisée aux solutions de transfert à bas coût — avec un intérêt marqué pour les cryptos perçues comme plus accessibles, voire adaptées aux réalités africaines.

Réduire les coûts des transferts

Autre usage-clé : les transferts d’argent depuis la diaspora. En 2022, le Sénégal a reçu plus de 2,7 milliards de dollars de ses ressortissants vivant à l’étranger, soit environ 1 700 milliards de FCFA — un montant équivalant à près de 10 % du PIB national, selon les données de la Banque mondiale et du ministère sénégalais des Finances.

Problème : ces transferts transitent souvent par des opérateurs comme Western Union ou MoneyGram, dont les frais oscillent entre 6 % et 10 %. Le Bitcoin, en revanche, permet des transactions directes, presque instantanées, avec des frais souvent inférieurs à 1 %. Pour de nombreux foyers, c’est une économie substantielle et une autonomie accrue.

Crypto au Sénégal : un cadre légal à inventer

Malgré l’adoption croissante des crypto-monnaies, le Sénégal — comme la plupart des pays de l’UEMOA — ne dispose toujours pas d’un cadre juridique spécifique encadrant leur usage. La BCEAO rappelle régulièrement que le Bitcoin et les autres actifs numériques ne sont pas reconnus comme monnaies légales et aucune loi nationale ne régit encore les plateformes d’échange ou les portefeuilles numériques.

Toutefois, la blockchain fait partie des priorités affichées dans le “New Deal Technologique”, la feuille de route numérique du gouvernement sénégalais. Des chercheurs de l’Université Cheikh Anta Diop explorent déjà des usages concrets, comme la modernisation des marchés publics ou la traçabilité des données. 

Une inclusion à double tranchant

Le Bitcoin peut-il vraiment favoriser l’inclusion financière en Afrique de l’Ouest ? Dans les faits, il apporte déjà des solutions concrètes à une partie de la population exclue du système bancaire. Mais il comporte aussi des limites : volatilité des cours, risques de fraude, faible connaissance du public. L’urgence est désormais de renforcer l’éducation financière, de protéger les utilisateurs, et de poser un cadre réglementaire clair. 

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