Le Bénin fait face à une crise silencieuse mais dévastatrice : la consommation abusive de produits psychotropes, notamment des médicaments détournés de leur usage thérapeutique, par une frange croissante de sa jeunesse. Ce phénomène, aux ramifications complexes, menace gravement la santé publique, la sécurité et l’avenir même de la nation. Au-delà des constats alarmants, il est crucial de comprendre les mécanismes qui alimentent ce circuit noir, d’où proviennent ces substances, quelles en sont les conséquences et, surtout, comment enrayer cette spirale infernale.
Quand on voit désormais un jeune trainer dans la rue une bouteille de jus de local appelé bissap au Bénin, il faut se poser des questions. Ce jus est devenu un accompagnement pour les accros aux produits psychotropes consommés de plus en plus par une large frange de la jeunesse béninoise. Communément appelé « para ou atikinkoui », ces psychotropes livrés sur le marché noir au Bénin, malmènent la jeunesse qu’ils tuent à petit feu. Après consommation, on retrouve des jeunes debouts comme le mât d’un drapeau, transformé en zombie, totalement inconscients et entre deux mondes. Pour les accros, l’objectif est de se doper pour fournir une force supplémentaire de travail et gagner beaucoup d’argent. En effet, la consommation de ces produits fait dépenser de l’énergie au-delà de la norme. La facilité d’accès aux produits au Bénin est un facteur aggravant. Du coup on se demande bien qui sont les principaux acteurs de ce commerce illicite et prohibé.
Les probables portes d’entrée des produits au Bénin
La provenance de ces produits psychotropes est diverse et complexe, reflétant la nature transnationale du trafic. Selon nos investigations, des réseaux criminels bien structurés sont à l’œuvre. Ils profitent de la porosité des frontières et de la demande croissante pour inonder le marché local. Ces trafiquants ne se contentent pas de la revente de médicaments ; ils peuvent aussi être impliqués dans la contrefaçon, produisant des substances dangereuses sans aucun contrôle de qualité. À l’échelon le plus visible, des individus, souvent des jeunes eux-mêmes, servent d’intermédiaires. Ils écoulent les produits directement aux consommateurs, parfois à proximité des écoles, des marchés, ou dans des lieux de rassemblement de jeunes. Ces « dealers » peuvent être des consommateurs dépendants cherchant à financer leur propre addiction, ou des opportunistes tirant profit de la vulnérabilité de leurs pairs. Paradoxalement, les consommateurs eux-mêmes peuvent involontairement alimenter le circuit en revendant une partie de leurs acquisitions pour subvenir à leur besoin ou en initiant d’autres au phénomène.
Une part significative de ces médicaments proviendrait des pays voisins, où la législation est parfois moins stricte ou les contrôles moins efficaces. Les frontières terrestres du Bénin sont vastes et difficiles à surveiller intégralement, ce qui offre des brèches aux trafiquants. Par ailleurs, bien que des médicaments soient produits légalement dans la sous-région, certains peuvent être détournés de la chaîne d’approvisionnement licite, avant même d’atteindre le marché formel, pour alimenter le marché noir. Le Bénin, comme d’autres pays de la région, est également confronté au défi des médicaments contrefaits. Ces produits, fabriqués clandestinement, sont souvent dangereux car, leurs dosages sont incertains et leur composition non contrôlée. Dans certains cas, des mélanges artisanaux de substances (souvent à base de codéine ou de tramadol) sont concoctés, avec des risques sanitaires extrêmes. Ainsi des médicaments initialement destinés à des usages spécifiques, comme les anxiolytiques, les hypnotiques ou certains produits pour la perte de poids, sont également détournés pour leurs effets psychotropes. Leur accessibilité, même avec ordonnance, peut faciliter leur revente sur le marché parallèle.
Les conséquences dévastatrices sur la jeunesse béninoise
Les répercussions de cette consommation sont alarmantes et touchent toutes les sphères de la vie des jeunes. À court terme, les jeunes subissent des intoxications aiguës, des overdoses, des troubles du comportement, des dépressions, des psychoses. À long terme, c’est l’apparition de maladies chroniques (hépatiques, rénales, cardiovasculaires), des troubles neurologiques irréversibles et des affections mentales graves qui guettent. Le suicide est également une conséquence tragique de la dépendance. La consommation de psychotropes entraîne une baisse drastique des performances scolaires, des absences répétées, une perte de concentration et de motivation. De nombreux jeunes abandonnent l’école, hypothéquant ainsi leur avenir et celui du pays.
La dépendance isole les jeunes de leur famille et de leurs amis. Les relations se dégradent, la confiance est brisée. Les jeunes consommateurs se retrouvent souvent marginalisés, sans soutien social, ce qui renforce leur spirale addictive. Pour financer leur addiction, certains jeunes basculent dans la délinquance (vols, agressions). L’altération du jugement sous l’influence de ces substances peut également conduire à des actes de violence, mettant en danger la sécurité de toute la communauté. Au niveau macroéconomique, cette crise a un coût considérable pour le système de santé, qui doit prendre en charge les complications et les traitements des addictions. Elle réduit également la productivité de la force de travail future et freine le développement.
Une approche multidisciplinaire et concertée pour enrayer le phénomène
Face à l’ampleur du défi, une stratégie holistique et impliquant tous les acteurs est indispensable Il est important de renforcer la législation et les contrôlesdes frontières afin de démanteler les réseaux de trafiquants et alourdir les sanctions pénales pour les acteurs du circuit noir (fournisseurs, revendeurs). L’Etat doit mettre en place des mécanismes de traçabilité des médicaments psychotropes, renforcer les inspections des pharmacies, détruire les dépôts illégaux, et sanctionner sévèrement les professionnels de santé qui se rendent complices de ce trafic. Il faut aussi revoir et actualiser les listes de substances contrôlées pour inclure les nouveaux produits de synthèse et les médicaments détournés.
A toutes ces actions, il faut coupler la sensibilisation à traversdes campagnes de communication massives et ciblées, utilisant des canaux pertinents (réseaux sociaux, musique, événements sportifs), pour informer les jeunes sur les risques. Il faut impliquer les parents, les leaders communautaires et religieux dans la lutte, les former à reconnaître les signes de consommation et à réagir de manière constructive par le dialogue au sein des familles.
Par ailleurs, il faut occuper la jeunesse à travers le développement des programmes sportifs, culturels, artistiques et professionnels en vue d’offrir des alternatives attrayantes aux jeunes, les aider à s’épanouir et à canaliser positivement leur énergie. Enfin, il est crucial de collaborer avec les pays voisins pour échanger des informations sur les réseaux de trafiquants et les modes opératoires. La consommation de psychotropes par la jeunesse béninoise est un défi majeur qui requiert une mobilisation nationale. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de sécurité ou de santé, mais d’une question de survie pour l’avenir du pays. Une action coordonnée, déterminée et bien ciblée est la seule voie pour préserver cette jeunesse, force vive du Bénin, et lui permettre de construire un avenir sain et productif.
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