Spécialité culinaire emblématique de Marrakech, la tangia se distingue par sa cuisson lente dans des jarres en terre cuite, enfouies sous les braises d’un four traditionnel ou d’un hammam. Ce plat, intimement lié au patrimoine ouvrier et à la vie sociale de la ville ocre, est bien plus qu’un mets : c’est un rituel de partage. Préparée généralement par des hommes, souvent le vendredi, la tangia est l’expression d’un art de vivre mêlant patience, complicité et attachement aux racines. Elle symbolise un lien fort entre les Marrakchis et leur terroir, où chaque bouchée évoque les souks animés, les récits familiaux et les savoir-faire transmis de génération en génération.
Une performance culinaire au cœur de la médina
Le Festival Populaire de la Musique et de la Gastronomie Marrakchie a offert à la ville un moment de communion inédit : la réalisation de la plus grande tangia de son histoire. À l’origine de cette prouesse, Bana, figure bien connue des Marrakchis pour son engagement en faveur de la cuisine traditionnelle. Maîtrisant l’art du feu comme celui du geste, Bana a dirigé cette préparation hors norme avec l’expertise d’un héritier des vieux fours et des ruelles parfumées.
La tangia géante, amorcée depuis la mosquée Moulay Yazid, a entamé un parcours festif à travers les ruelles étroites de la médina. Portée comme un trésor collectif, elle avançait au rythme envoûtant de la Dakka Marrakchia, musique rituelle classée au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. L’émotion était palpable à mesure que la procession gagnait du terrain, jusqu’à atteindre le Musée de l’Art Culinaire Marocain.
Cuisine, mémoire et célébration populaire
Le Musée, installé dans un palais du XVIIIe siècle, a été le théâtre d’un accueil vibrant pour cette tangia exceptionnelle. Entre applaudissements nourris et chants populaires, la foule réunie saluait l’union entre savoir-faire culinaire, expression artistique et mémoire vivante. L’initiative s’inscrivait dans une volonté affirmée de valoriser le patrimoine immatériel de la ville, en mobilisant les habitants autour d’un symbole fort de leur identité collective.
Ce musée, plus qu’un simple lieu d’exposition, est un espace vivant où les traditions se racontent à travers les gestes des dadas, les odeurs d’épices et les récits des anciens. Des ateliers culinaires y sont organisés, des dégustations y sont proposées, et un restaurant panoramique y offre une vue sur la médina, tout en mettant à l’honneur la richesse du patrimoine gastronomique marocain.
Entre transmission et fierté locale
L’événement a mis en lumière une dynamique essentielle : celle d’un peuple qui célèbre ses traditions en les réinventant dans l’espace public. En réactivant les gestes anciens au cœur d’une ville en perpétuelle transformation, Marrakech affirme sa volonté de conjuguer modernité et mémoire. La tangia géante n’était pas seulement un exploit de cuisine : elle était un acte de reconnaissance collective, une ode aux racines, et un hommage vibrant aux saveurs qui font battre le cœur de la cité ocre.
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