Maghreb : une polémique éclate autour de chercheurs israéliens

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Le conflit persistant entre Israël et les territoires palestiniens continue de produire des répercussions bien au-delà du front militaire. En 2024, la Cour internationale de justice a estimé que la présence israélienne à Gaza et en Cisjordanie s’opérait en dehors du droit international et constituait une forme de ségrégation. Cette décision a renforcé les appels à des sanctions, y compris dans les milieux universitaires, où des initiatives de boycott refont surface. Une controverse a éclaté au Maroc, suite à l’annonce de la participation de chercheurs israéliens à un événement académique international.

Un congrès international sous le feu des critiques

Le prochain Forum mondial de sociologie, qui sera organisé à Rabat du 6 au 11 juillet 2025, est devenu le théâtre d’un affrontement idéologique inattendu. La participation annoncée de trois chercheurs affiliés à des institutions israéliennes a provoqué une vague d’indignation parmi de nombreuses figures du monde universitaire marocain. Le contenu prévu de certaines communications — notamment une intervention qui présente le Hamas sous un angle exclusivement sécuritaire et aborde les déplacements de populations israéliennes — a été interprété comme une tentative d’imposer une lecture partisane du conflit.

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Plusieurs collectifs marocains, dont la Campagne marocaine pour le boycott académique et culturel (MACBI), ont exprimé leur refus catégorique de cette présence. Pour eux, les institutions d’origine des chercheurs sont directement liées aux structures qui soutiennent l’occupation militaire des territoires palestiniens. En réaction, des universitaires marocains ont exigé que les invitations soient annulées, jugeant qu’un tel forum ne peut servir de vitrine à des voix associées à une domination brutale. Des syndicalistes du secteur de l’enseignement supérieur, ainsi que des spécialistes en sciences sociales, ont eux aussi exprimé leur opposition.

La neutralité académique remise en cause

Face à la contestation, les organisateurs du forum ont choisi de maintenir le programme tel qu’il avait été conçu. L’Association internationale de sociologie, en charge de l’événement, a invoqué l’importance de garantir un espace d’échange ouvert, même lorsque certaines opinions heurtent. Pour elle, retirer des intervenants en fonction de leur nationalité ou de leur point de vue constituerait une atteinte à la diversité intellectuelle.

Mais cet argument est rejeté par les opposants, qui estiment qu’il existe des limites éthiques à la liberté académique, surtout lorsque le cadre universitaire risque d’être instrumentalisé à des fins politiques. Ils rappellent que plusieurs instances internationales, y compris des experts indépendants des Nations unies, ont demandé aux universités de rompre leurs liens avec les établissements qui participent à la légitimation de l’occupation. Selon cette lecture, la neutralité revendiquée ne serait qu’un masque, dissimulant une forme de complicité involontaire.

Une fracture révélatrice

Cette controverse met en lumière une question de fond : jusqu’où les espaces académiques peuvent-ils rester ouverts au dialogue sans se rendre aveugles aux injustices qu’ils pourraient indirectement valider ? La situation marocaine montre la difficulté, pour les institutions du savoir, de composer avec les réalités géopolitiques sans perdre leur intégrité.

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Alors que le forum approche, les appels à la vigilance et à la cohérence se multiplient. Certains y voient une opportunité de confronter les idées, d’autres redoutent une banalisation du discours d’occupation. Ce qui devait être un rassemblement scientifique est désormais pris dans une tourmente qui dépasse les murs de l’université. À Rabat, le débat est lancé, et ses répercussions pourraient bien résonner bien au-delà des amphithéâtres.

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