Il y a quelques jours, le chef de l’État Patrice Talon tendait la perche aux maires et Secrétaires exécutifs des communes pour crever l’abcès et panser la plaie des nouvelles réformes de la gouvernance locale. Mais, ils n’ont pas su la saisir afin de tirer les leçons, d’y apporter des corrections nécessaires pour éviter l’échec. Après plus de deux ans de mise en œuvre des nouvelles réformes structurelles du secteur de la décentralisation au Bénin, les leçons ont-elles été tirées ? Pas vraiment ! Née de la volonté du Président Patrice Talon de de renforcer la séparation des pouvoirs politiques de celle des pouvoirs techniques, cette réforme qui consiste en partie, à désigner les Secrétaires exécutifs poursuit son petit bout de chemin. Ceux-ci avaient été tirés au sort par les maires en avril 2022 avec à la clé, 34% de femmes et 66% d’hommes. Le Secrétaire exécutif a un mandat de 06 ans et est l’ordonnateur du budget de la mairie. Pour de nombreux Béninois, cette réforme avait sonné comme une lueur d’espoir au cœur de la gouvernance locale. Les populations, étouffées par des cas de mauvaise gestion financières répétées, avait accueilli cette initiative avec enthousiasme en y voyant, une issue durable à leurs problèmes quotidiens. Et une véritable ferveur populaire s’était emparée du pays traduisant l’attente d’un changement profond. Mais, au fil des mois, la désillusion s’est installée. Les Béninois ont commencé à observer l’initiative avec de moins en moins d’espoir, laissant place à une forme de résignation, voire de méfiance. Dès le départ, le maire de Kpomassé Kenam Mensah avait tiré la sonnette d’alarme. » Il faut nous remettre notre budget « , s’était-il exclamé avec un ton impératif à l’endroit du chef de l’État Patrice Talon, lors d’une rencontre avec les autres maires au Palais des Congrès en avril 2022. Puis, un peu plus calmement et réconciliant, il avait ajouté : « si vous voulez qu’il y ait la paix au niveau des communes, au niveau des conseils et du cabinet des maires, je pense qu’il faut nous retourner notre budget« . Il ne savait pas s’y bien dire. Ironie du sort, sa commune sera l’une des dizaines de victimes de cette réforme de la gouvernance locale.
Le syndrome des Secrétaires exécutifs
En effet, lorsque le maire de Kpomassé faisait cette prémonition, le chef de l’État Patrice Talon n’avait pas hésité à lui remonter les bretelles: « Parce-que vous avez dit ça, aujourd’hui même, avant de quitter ici, il faut qu’on le valide « , s’était exprimé Patrice Talon. Et comme par hasard, la commune de Kpomassé est aujourd’hui frappée par ce qu’on peut qualifier de « syndrome des Secrétaires exécutifs » au Bénin. L’ex-Secrétaire exécutif de cette commune Dieudonné Aloukoutou est actuellement devant les tribunaux. Il lui est reproché d’avoir validé le paiement intégral d’une entreprise chargée de la construction d’un cimetière communal, alors que les travaux prévus n’ont pas été totalement réalisés Avant lui, plusieurs autres Secrétaires exécutifs ont été soit révoqués, soit suspendus, pour d’innombrables raisons. De Tanguiéta, Abomey, Toucoutouna, N’Dali, en passant par Banté, Ouidah, Adjara, Adjohoun et Porto-Novo pour ne citer que ces communes, la série noire. Et la valse des Secrétaire exécutifs continuent. Suivie par d’une mort notamment celle de Marie-Roméo Mehinto. L’ex-Secrétaire exécutive de la mairie de Bantè était morte, jeudi 14 décembre 2023 des suites dit-on, d’un problème de santé. Suite à ce décès d’origine inconnue, la justice s’est autosaisie et a ouvert une enquête pour connaître les causes et circonstances du drame.
Coup médiatique
A quoi avions-nous assisté au cours du séminaire qui s’est tenu le vendredi 13 juin au palais de la Marina? Un coup médiatique. Si l’événement réunissait l’ensemble des 77 maires, leurs secrétaires exécutifs et les préfets, très peu d’interventions ont été enregistrées de la part des acteurs territoriaux eux-mêmes. Seule, une personne a pris la parole au nom de ce parterre. C’était pourtant l’occasion de faire l’état des lieux de la mise en œuvre de la réforme de la décentralisation. En de pareilles circonstances et pour la réussite de cette initiative, l’idéal aurait été de faire appel à des experts de la décentralisation. Des études devraient être faites, de même qu’un diagnostic, en toute impartialité et toute transparence pour voir ce qui a marché, ce qui ne l’a pas été, améliorer ce qui reste et faire des projections. Patrice Talon a donné l’occasion aux principaux concernés que sont ces maires, Secrétaires exécutifs et les préfets de faire le bilan et le lui soumettre. C’était l’occasion unique de lui faire part de toutes les difficultés qu’ils rencontrent dans la gestion des affaires de leur commune. Sans tabou, sans langue de bois. Et dans la mesure du possible, changer de braquet. Mais, Ils n’ont pas su la saisir.
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