Alors que le Sénégal entame une phase de redéfinition de ses priorités économiques, marquée par une volonté d’autonomisation budgétaire et une reprise en main de sa trajectoire financière, le président Bassirou Diomaye Faye s’invite cette semaine au cœur des débats mondiaux. À Séville, il prend part à la 4ᵉ Conférence des Nations unies sur le financement du développement, un rendez-vous stratégique pour tous les pays en quête de nouveaux leviers d’investissement dans un contexte de dette mondiale instable. La présence du chef de l’État ne se limite pas à une simple participation diplomatique : elle s’insère dans une démarche active de repositionnement, où il s’agit de convaincre, capter et négocier avec des partenaires publics et privés à la hauteur des ambitions nationales.
Une posture tournée vers les capitaux africains
Loin de dépendre uniquement des mécanismes classiques de l’aide ou des institutions multilatérales, le président Faye va plaider pour une mobilisation accrue des ressources déjà présentes sur le continent. En marge de la conférence officielle, il participe aux discussions initiées par FSD Africa, qui propose de mieux valoriser les fonds de pension, les banques locales et les investisseurs africains comme moteurs de transformation. La situation actuelle du continent est révélatrice : sur les 190 milliards de dollars estimés nécessaires chaque année, à peine un quart est mobilisé. Le Président Diomaye pourrait démontrer que Dakar peut être à l’avant-garde d’une dynamique de mobilisation endogène des capitaux privés, dans un cadre sécurisé et réformé.
Une diplomatie économique directe et ciblée
Le déplacement du chef de l’État ne se limite pas à une série d’allocutions. Il prend part activement à plusieurs tables rondes thématiques et multiplie les rencontres bilatérales avec des bailleurs et dirigeants étrangers. Ces échanges visent à positionner le Sénégal non pas comme un guichet de projets en attente de financement, mais comme un État capable de présenter une vision structurée, portée par une gouvernance renouvelée. À Séville, il s’agit autant de défendre des idées que de nouer des partenariats concrets. En misant sur des financements alignés sur ses priorités, le Sénégal espère renforcer des programmes en cours dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture durable, de l’éducation et de la protection sociale. Le moment est bien choisi : les marchés et institutions observent avec attention les nouvelles orientations sénégalaises depuis l’alternance, notamment les réformes de la fiscalité et de la gestion budgétaire qui visent à restaurer la crédibilité des comptes publics.
Entre rigueur interne et attractivité extérieure
Ce déplacement s’inscrit dans une dynamique plus large enclenchée dès les premiers mois du mandat de Diomaye Faye. Conscient des limites d’un modèle basé sur des emprunts massifs souvent peu productifs, le gouvernement mise désormais sur une combinaison entre discipline budgétaire et ouverture ciblée aux financements innovants. À Dakar, les premières réformes fiscales visent à élargir la base contributive et à stabiliser les recettes, tandis que les dépenses font l’objet d’une revue systématique. Cette exigence de rigueur donne un socle solide à l’action internationale du président. En venant à Séville, il ne cherche pas uniquement des fonds : il veut renforcer la légitimité d’un modèle économique centré sur la responsabilité, la souveraineté et la durabilité.
Le défi reste immense, mais les fondations semblent posées. Si la scène mondiale est un théâtre d’opportunités aussi bien que de rapports de force, le Sénégal choisit de s’y présenter avec des arguments rationnels, des outils de suivi, et une voix qui porte. À condition de maintenir cet équilibre entre ambition diplomatique et solidité interne, cette démarche pourrait redonner au pays une capacité d’initiative longtemps réduite à des ajustements subis. Séville pourrait marquer, sinon un tournant, du moins une consolidation d’une stratégie plus cohérente : celle d’un État qui veut décider, financer et agir à partir de ses propres priorités.
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