Sénégal : Incompréhension de pro Diomaye après la distinction d’un ancien ministre

Abdou Karim Sall

La reconnaissance officielle accordée à Abdou Karim Sall n’est pas passée inaperçue, surtout pour ceux qui suivent de près les remous politiques du pays. Cet ancien ministre de l’Environnement, figure marquante du régime Macky Sall, avait déjà fait l’objet de vives critiques en février à l’Assemblée nationale. Ousmane Sonko, alors en pleine confrontation verbale, l’avait directement accusé de manipuler l’opinion et de travestir la réalité des faits, dans un échange houleux resté gravé dans les esprits. Ce souvenir encore récent alimente aujourd’hui le sentiment d’incohérence ressenti par une partie des soutiens du régime actuel, qui peine à comprendre comment un ancien responsable aussi controversé peut se voir décoré quelques mois plus tard.

Une récompense qui provoque l’ironie et la colère

C’est sur sa propre page Facebook qu’Abdou Karim Sall a annoncé, le 3 juin, avoir été élevé au rang de Chevalier de l’Ordre national du Lion. Cette distinction, qui est la plus prestigieuse du pays, a provoqué un malaise visible chez plusieurs militants et sympathisants de la nouvelle majorité. Pour eux, cette décoration fait figure de paradoxe : elle récompense un homme qui incarne, à leurs yeux, des pratiques de gouvernance que le pouvoir actuel cherche précisément à dépasser. Certains, dans un mélange d’indignation et d’ironie, se disent prêts à voir Macky Sall recevoir la même médaille dans les prochains mois. D’autres tentent de relativiser, en rappelant que ces distinctions passent souvent par des circuits administratifs automatiques, basés sur les suggestions des services ministériels et non sur une validation politique directe.

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Le dilemme de la continuité administrative face à l’exigence de rupture

Cette affaire met en lumière un tiraillement plus profond au sein du système sénégalais : comment concilier les exigences de transparence et de changement avec la continuité des pratiques étatiques ? Si les ordres nationaux honorifiques obéissent à des règles précises, leur symbolique demeure puissante. Pour de nombreux observateurs, ce type de distinction envoyé à une figure associée à un régime fortement contesté brouille le message d’un pouvoir qui se veut en rupture avec les anciens codes. Cela expose aussi le gouvernement à une critique récurrente : celle de maintenir, parfois malgré lui, certaines habitudes institutionnelles héritées d’un passé que beaucoup espéraient révolu. Dans un pays où la symbolique politique pèse lourd, chaque médaille accrochée à la veste d’un ancien ministre est perçue comme un geste qui compte. Même quand il s’agit d’un acte administratif, le public y voit souvent une approbation morale.

Cette tension entre reconnaissance institutionnelle et rejet populaire pourrait s’amplifier si aucune clarification n’est apportée. Car au-delà d’un nom ou d’un grade, c’est toute la cohérence de l’action publique qui est jugée par une opinion de plus en plus vigilante.

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