Sénégal : L’affaire AEE Power et ASER bientôt à l’assemblée nationale?

Débats à l’Assemblée nationale sénégalaise. Photo : SEYLLOU / AFP

L’attribution d’un contrat d’électrification rurale à la société AEE Power par l’Agence Sénégalaise d’Électrification Rurale (ASER) ne cesse d’alimenter la controverse. Le député non-inscrit Pape Djibril Fall a récemment franchi un cap en adressant une demande formelle au président de l’Assemblée nationale pour la création d’une commission d’enquête parlementaire. À travers cette initiative, il espère faire la lumière sur les conditions d’attribution du marché, les termes contractuels, les garanties financières et les responsabilités engagées. S’appuyant sur les articles 85 et 48 de la Constitution et du Règlement intérieur, il cherche à imposer un regard parlementaire objectif sur un dossier désormais chargé de tensions politiques et juridiques.

Dans cette affaire, l’élément déclencheur aura été l’intervention de Thierno Alassane Sall. Par une question écrite au ministre des Finances, l’ancien ministre de l’Énergie a dénoncé l’émission de garanties financières par la SONAC sans paiement préalable des primes, en contradiction selon lui avec les règles édictées par le Code CIMA. À ses yeux, cette faille affaiblit la solidité du contrat passé entre l’État et l’entreprise espagnole, et expose le Sénégal à de potentielles déconvenues juridiques.

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Riposte technique et accusations croisées

Face à la pression politique, le directeur général de l’ASER, Jean Michel Sène, a pris la parole à travers une intervention vidéo très suivie. Rejetant en bloc les soupçons d’irrégularité, il a insisté sur la légalité du processus : les garanties auraient été émises dans les normes, les primes réglées, et les décaissements suspendus à son initiative pour intégrer de nouveaux objectifs, dont l’électrification de 1 740 localités avec un taux de contenu local de 50 %. Pour lui, ce projet, loin d’être douteux, représente une opportunité d’étendre l’accès à l’électricité tout en renforçant les capacités nationales.

Mais l’échange de vues entre les deux parties ne se limite plus aux procédures administratives. L’atmosphère s’est envenimée dans les médias, chacun utilisant les tribunes disponibles pour défendre sa lecture. Jean Michel Sène a d’ailleurs invité publiquement Thierno Alassane Sall à un débat face à face, afin de confronter les documents et mettre fin à ce qu’il qualifie de « procès d’intention ».


Transparence institutionnelle en ligne de mire

Au-delà des faits techniques, l’affaire AEE Power soulève un questionnement profond sur le rôle des institutions de contrôle au Sénégal. Le recours à une commission d’enquête parlementaire apparaît comme un levier pour redonner du poids à la transparence et à la redevabilité dans la gestion des grands projets publics. Si elle voit le jour, cette instance pourrait ouvrir un précédent dans l’analyse des engagements financiers de l’État.

Ce bras de fer entre parlementaires et exécutifs, relayé sur la place publique, ne concerne pas seulement un contrat d’électrification. Il illustre les tensions entre exigence de transparence, prérogatives techniques des agences étatiques et aspirations d’une nouvelle gouvernance. Au cœur du débat, c’est la capacité des institutions sénégalaises à imposer la clarté des comptes et la régularité des engagements qui est mise à l’épreuve.

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