Lorsque le ministre de l’Intérieur Jean Baptiste Tine évoquait une séquence « historique » pour le Sénégal, ce n’était pas seulement une déclaration solennelle. Ses mots reflétaient l’ampleur d’un chantier politique inédit par son envergure, sa méthode et la diversité des voix entendues. Le Dialogue National Politique, lancé dans un climat de forte attente, a réussi à mobiliser bien au-delà de la sphère institutionnelle. Dès les premières phases, l’État avait affiché son ambition de bâtir un cadre où les désaccords pourraient cohabiter avec les aspirations à l’équité, dans un pays où la vitalité démocratique reste une fierté autant qu’un défi permanent.
Cette volonté d’ouverture s’est concrétisée à travers la participation de plus de 700 représentants issus de formations politiques, de la société civile, d’organisations professionnelles et de mouvements citoyens. À cela s’ajoute l’apport considérable des 15 000 Sénégalais ayant interagi via la plateforme numérique Jubbanti, prouvant qu’une démocratie vivante ne se limite pas aux murs d’une salle de conférence. Elle s’étend, aussi, dans le quotidien des citoyens engagés.
Des avancées contrastées mais porteuses d’espoir
Le facilitateur du dialogue, Dr Cheikh Guèye, n’a pas masqué la complexité du chemin parcouru. Mais pour lui, c’est justement dans cette diversité de perspectives que réside la force du processus. Il a salué la qualité des consensus obtenus, notamment dans les domaines jugés fondamentaux par de nombreux participants. La Commission Démocratie, libertés et droits humains a, à elle seule, obtenu un taux de convergence total, révélateur d’un socle de valeurs partagé, au moins sur certains principes essentiels.
Dans le domaine du processus électoral, souvent objet de crispations et de méfiance, un accord à 94 % laisse entrevoir une volonté commune de moderniser et sécuriser les mécanismes de vote. À l’inverse, les Réformes institutionnelles et la gouvernance des organes électoraux ont révélé les lignes de fracture les plus profondes, avec seulement 26 % de consensus. Ce chiffre modeste n’est pas un échec, mais plutôt un miroir des résistances à l’évolution de structures de pouvoir anciennement ancrées. Il indique aussi où se concentrer pour les prochaines étapes, car une refonte politique ne se joue pas en une seule manche.
Vers une appropriation citoyenne des résultats
Au-delà des chiffres et des déclarations, une autre bataille se dessine : celle de la diffusion, de l’appropriation, et surtout de la mise en œuvre des recommandations. Dr Guèye a insisté sur ce point, appelant les Sénégalais à prendre possession des acquis du dialogue. Car un tel exercice n’a de valeur que s’il devient un levier de transformation réel dans les textes comme dans les pratiques. Les hommages rendus aux membres du directoire, pour leur rigueur et leur constance, traduisent une reconnaissance méritée, mais le plus grand hommage reste à venir : que leurs efforts débouchent sur des institutions renforcées et une société plus apaisée.
L’expérience du Dialogue National, avec ses tensions et ses avancées, montre qu’un pays peut apprendre de lui-même. C’est une démonstration que la démocratie, loin d’être un héritage statique, est un chantier collectif, exigeant mais accessible, lorsque les volontés convergent. À présent, la responsabilité est partagée : celle des autorités pour traduire les recommandations en actes, et celle des citoyens pour veiller à ce que cette victoire symbolique ne reste pas sans lendemain.
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