Sénégal : Nouvelles zones de turbulences pour Air Sénégal

Lancée en 2018 pour faire oublier l’échec de Sénégal Airlines, Air Sénégal devait incarner une nouvelle ère pour le transport aérien national. L’objectif était de s’imposer comme un acteur crédible dans l’espace régional, en misant sur des avions modernes et une flotte élargie. Six ans plus tard, le rêve d’un pavillon national florissant s’est effrité, laissant place à une réalité économique bien plus rude. L’annonce du Premier ministre Ousmane Sonko, qui chiffre la dette de la compagnie à plus de 118 milliards de francs CFA malgré un soutien public de 181 milliards, sonne comme un verdict sévère sur une gestion décrite comme dispendieuse et inefficace.

Dès sa prise de fonction, Ousmane Sonko n’a pas mâché ses mots pour qualifier la situation : plus de 100 milliards auraient été engloutis dans des appareils jamais mis en service, immobilisés sur les pistes comme des symboles d’une vision d’entreprise sans cap ni boussole. Derrière l’ambition affichée d’autonomie aérienne se cache aujourd’hui un passif économique qui pèse lourd sur les finances publiques et l’image du pays.

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Assignation judiciaire et pression internationale

L’affaire ne se limite plus aux frontières sénégalaises. Deux sociétés irlandaises, Sasof III Aviation Ireland DAC et Aergen Aircraft Twenty Limited, ont récemment saisi le tribunal de commerce de Dakar pour réclamer des comptes à Air Sénégal selon le journal Libération. Ces entreprises, spécialisées dans le leasing d’aéronefs, réclament visiblement des paiements non honorés, traduisant un défaut de respect des engagements contractuels. Cette procédure judiciaire, menée en référé, illustre le degré d’alerte atteint par la compagnie, désormais confrontée à une pression externe qui pourrait compromettre la continuité de ses activités si aucune solution rapide n’est trouvée.

Pour une entreprise censée représenter l’élan national dans le ciel africain, cette assignation résonne comme un signal rouge sur le tableau de bord. Elle interroge aussi les mécanismes de contrôle et les décisions d’investissement passées, qui ont conduit à l’enlisement actuel. Les procédures judiciaires en cours risquent également d’impacter la crédibilité du Sénégal sur les marchés internationaux, notamment dans le secteur du transport et du financement aéronautique.

Que reste-t-il du rêve Air Sénégal ?

Le modèle économique de la compagnie, basé sur des subventions massives de l’État et une politique d’expansion ambitieuse, n’a visiblement pas tenu face aux réalités du marché. L’écart entre les ambitions initiales et la situation actuelle est tel qu’il renvoie à une interrogation fondamentale : peut-on réellement bâtir un transporteur national performant sans une vision de gestion rigoureuse et durable ?

Aujourd’hui, Air Sénégal semble à bout de souffle, lestée par des dettes, des avions cloués au sol et une réputation entachée. Pourtant, le besoin d’un acteur national fort dans le transport aérien demeure, dans un pays où la connectivité régionale et internationale devient un levier de développement stratégique. La crise actuelle pourrait marquer un tournant décisif : soit elle conduit à un redressement encadré et structurant, soit elle précipite une nouvelle disparition, sur le modèle de sa devancière. Dans les deux cas, les enseignements à tirer seront nombreux, pour que l’ambition nationale ne reste pas, une fois de plus, un simple mirage à haute altitude.

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