Avec près de 90 000 étudiants, dont presque la moitié sont des femmes, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar reste un pilier du système éducatif sénégalais. Cette immense institution accueille chaque année des milliers de jeunes issus de milieux divers, dont bon nombre de femmes qui cumulent études, vie de famille et responsabilités personnelles. Dans ce contexte, la récente décision d’interdire l’accès aux amphithéâtres, laboratoires et salles de cours aux étudiantes accompagnées de bébés ou de jeunes enfants a provoqué une onde de choc. Présentée comme une mesure de sécurité et de bon ordre pédagogique, cette note administrative a immédiatement fait réagir sur les réseaux sociaux. Pour certaines, elle sonne comme une fin de parcours déguisée. Pour d’autres, elle reflète un système incapable d’accompagner les parcours non linéaires.
Entre contraintes logistiques et parcours de résilience
Dans les faits, la présence de jeunes enfants sur les bancs universitaires n’est pas un phénomène isolé. Elle traduit une réalité sociale où la poursuite des études n’exclut pas la parentalité. Des étudiantes devenues mères n’ont souvent d’autre choix que d’amener leur bébé avec elles pour suivre un cours, participer à un travail de groupe ou rendre un exposé. Dans ces situations, l’université se transforme en terrain de négociation permanente entre l’envie de réussir et les limites du quotidien. L’absence de structures d’accueil ou de politiques concrètes en faveur des parents étudiants transforme chaque jour d’apprentissage en parcours du combattant. La nouvelle interdiction n’offre ni solution alternative, ni perspective d’adaptation. Elle impose, sans filet, un choix difficile entre maternité visible et ambitions universitaires.
Une décision qui soulève des questions fondamentales
Ce n’est pas la première fois que des règlements universitaires entrent en tension avec les réalités de terrain. Mais la spécificité de cette mesure touche à la question cruciale de l’inclusion. Comment une institution aussi centrale peut-elle évoluer sans marginaliser une partie de ses membres ? À l’heure où l’on promeut l’égalité des chances et l’accès équitable à l’éducation, cette décision remet en question la capacité du système à intégrer des profils atypiques, sans les pénaliser. Ce que dénoncent de nombreuses réactions, c’est le silence autour des causes structurelles : manque de crèches universitaires, absence de soutien spécifique pour les étudiantes mères, rigidité des horaires et des formats pédagogiques. En ciblant les effets visibles sans adresser les causes profondes, l’université semble tourner le dos à une part de sa population.
Le débat ouvert par cette décision dépasse le simple cadre d’un règlement intérieur. Il interroge la manière dont les institutions accueillent la diversité des trajectoires étudiantes. Car étudier avec un enfant n’est pas un caprice. C’est parfois un acte de survie, de résistance ou simplement d’espoir. Et si l’université veut continuer à jouer son rôle de moteur social, elle devra apprendre à écouter celles qui, entre deux biberons, refusent de renoncer à leur diplôme.
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