Sénégal : Week-end charnière pour la filière cuir

Chaque année, après la Tabaski, des milliers de peaux de moutons jonchent les rues ou finissent bradées sur les marchés à vil prix. Environ 70 % de ces précieuses matières premières partent ainsi en fumée, par manque d’organisation, d’infrastructures ou de savoir-faire adapté. Ce gaspillage, qui se répète d’année en année, symbolise un paradoxe douloureux : un pays qui sacrifie en masse, mais ne capitalise pas sur l’un des sous-produits les plus convoités de cette fête. Le cuir, matière noble utilisée dans des industries allant de la mode à l’ameublement, pourrait pourtant devenir une source de revenus pour des milliers de Sénégalais. C’est sur ce constat que le ministère du Tourisme et de l’Artisanat a lancé, en mai 2025, le projet Tabask’Cuir, avec l’ambition de transformer ce gâchis annuel en opportunité économique.

Des femmes en première ligne et une tannerie réhabilitée

Au cœur de ce projet, les artisans sont accompagnés pour maîtriser l’art du cuir dans toutes ses étapes. Parmi eux, les femmes tanneuses occupent une place centrale. Soixante-quatre d’entre elles, sur un total de soixante-seize bénéficiaires, ont été formées aux techniques essentielles comme le ponçage, le façonnage ou encore la teinturerie. La tannerie artisanale de Wakhinane Nimzatt, à Guédiawaye, a elle aussi bénéficié d’un souffle nouveau. Dotée d’équipements d’une valeur de 12,5 millions FCFA, elle profite désormais d’une structure rénovée, avec atelier de traitement, bloc sanitaire, système d’adduction d’eau et mur de clôture, pour un coût total de 21 millions FCFA. Ces investissements ne relèvent pas d’un simple rafistolage : ils visent à donner à cette tannerie un rôle de locomotive dans la relance d’une chaîne de valeur oubliée.

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Des jeunes mobilisés et une dynamique de changement

Le week-end de la Tabaski 2025 se révèle ainsi stratégique pour tester, grandeur nature, la capacité du dispositif à capter et valoriser un volume significatif de peaux. Dans la commune de Golf Sud, cinquante jeunes volontaires ont été mobilisés pour organiser une collecte rigoureuse. Parallèlement, une campagne de sensibilisation a été menée afin d’apprendre aux ménages les bonnes pratiques de dépiautage et de conservation. Il ne suffit pas d’avoir des peaux, encore faut-il qu’elles soient utilisables. En agissant à la fois sur la technique, la logistique et la pédagogie, le projet tente de créer une dynamique viable. Si le modèle tient ses promesses, il pourrait faire émerger une nouvelle génération de tanneurs, créateurs et entrepreneurs, ancrée dans les réalités locales. Ce week-end ne se limite donc pas à la fête : il pourrait marquer le début d’un tournant pour tout un pan de l’économie artisanale.

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