La récente prise de parole d’Ousmane Sonko à travers un direct sur les réseaux sociaux, consécutive à la confirmation judiciaire de sa condamnation, a déclenché une réaction immédiate du parti de l’ancien président Macky Sall. L’Alliance pour la République (APR), visiblement irritée par le ton et le contenu du discours du Premier ministre, accuse ce dernier d’avoir franchi les limites de la responsabilité d’État.
Dans un communiqué aux allures d’acte d’accusation, le parti évoque une atteinte grave à la dignité des institutions, affirmant que Sonko a non seulement rabaissé la magistrature mais aussi ridiculisé l’institution présidentielle. Les propos tenus à chaud après le verdict sont perçus par l’APR comme un concentré de mépris à l’égard des équilibres républicains.
L’économie comme champ de bataille politique
Derrière l’indignation politique, c’est la situation économique du pays qui sert de toile de fond à cette escalade verbale. Alors que le Premier ministre dénonce régulièrement l’héritage économique laissé par ses prédécesseurs, citant un endettement dépassant les 100 % du PIB et des finances publiques “au bord de l’effondrement”, l’APR rejette avec fermeté ces accusations. Le parti assure avoir transmis un pays “solide” aux indicateurs maîtrisés et accuse l’actuelle équipe au pouvoir de noircir délibérément le tableau pour masquer son incapacité à proposer des solutions concrètes. Pour les partisans de Macky Sall, cette stratégie de diabolisation de l’ancien régime vise à détourner l’attention d’une gestion qu’ils jugent déjà hasardeuse après à peine quelques mois de pouvoir.
Institutionnalisation du conflit politique
Au-delà de la joute verbale entre anciens et nouveaux dirigeants, c’est la relation entre exécutif et judiciaire qui se retrouve prise en étau. L’APR reproche au Premier ministre d’avoir volontairement brouillé les lignes entre les pouvoirs en s’attaquant à des magistrats, au mépris de toute retenue institutionnelle. Cette accusation relance un débat sensible : un Premier ministre peut-il, au nom de la liberté d’expression ou du devoir de vérité, s’autoriser à juger publiquement l’appareil judiciaire alors même qu’il en dépend politiquement ? Le risque, pour certains observateurs, est que ces prises de position passionnées finissent par renforcer la méfiance généralisée à l’égard des institutions.
Face à une opinion divisée, entre fatigue des querelles politiques et attente de résultats concrets, la classe politique sénégalaise semble encore prisonnière d’un cycle de confrontation héritée des dernières années. La question demeure : le pouvoir actuel parviendra-t-il à s’affranchir des antagonismes pour faire avancer les priorités nationales, ou restera-t-il enlisé dans la réplique permanente face à une opposition qui n’a pas renoncé à peser dans le débat public ?
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