Le Sénégal a franchi un nouveau cap dans la reconquête de ses leviers stratégiques avec la remise, le 1er juillet 2025, de la station interarmées de Rufisque par les autorités françaises. Active depuis 1960, cette infrastructure militaire servait de centre névralgique aux liaisons entre navires, avions et forces terrestres opérant dans l’Atlantique. Elle assurait également des fonctions de surveillance et d’écoute, participant à la régulation de l’espace maritime, depuis les routes d’approvisionnement jusqu’aux zones sensibles de pêche et de contrebande. Sa présence matérialisait encore, plus de soixante ans après l’indépendance, un pan de souveraineté partagée sur des secteurs aussi sensibles que les communications militaires.
La remise de cette base s’inscrit dans un processus entamé en mars 2025, fruit d’un accord signé entre Paris et Dakar en février. Ce plan prévoit la restitution complète des infrastructures utilisées par les Éléments français au Sénégal (EFS), une force de quelque 350 militaires déployée depuis des décennies comme point d’appui régional pour les opérations françaises en Afrique de l’Ouest. Avec cette quatrième rétrocession, le Sénégal réintègre une pièce maîtresse dans le contrôle de son territoire, mais surtout dans la gestion indépendante de ses signaux stratégiques.
Quatre bases déjà rendues, une dernière attendue
Avant Rufisque, trois sites avaient été restitués dans le cadre du même processus. Le 7 mars, les installations militaires de Maréchal et Saint-Exupéry, situées dans le périmètre du parc de Hann, avaient été rétrocédées. Le 15 mai, c’était au tour de la base navale Contre-Amiral Protet, implantée dans la zone portuaire de Dakar, de repasser sous contrôle sénégalais. Ces structures, bien que discrètes pour la population civile, abritaient des fonctions critiques en matière de logistique, de télécommunications et d’opérations maritimes.
Il ne reste plus désormais qu’un seul site à récupérer : la base militaire installée dans la zone aéroportuaire de Ouakam, au sein de l’ancien aéroport Léopold Sédar Senghor. Sa restitution, prévue d’ici le 18 juillet, marquera la clôture définitive de la présence militaire française permanente au Sénégal.
Rééquilibrer les partenariats, assumer la souveraineté
L’enjeu dépasse la question du foncier ou des équipements. Il s’agit pour Dakar de se repositionner comme acteur à part entière dans la gestion de son espace stratégique, sans tutelle ni présence militaire permanente étrangère. En récupérant ces infrastructures, l’État sénégalais ne ferme pas la porte à la coopération : il redéfinit les conditions de celle-ci. Il s’agit désormais d’échanges d’expertise, de formations ciblées, ou de partenariats ponctuels dans le cadre d’opérations multilatérales, plutôt que de l’hébergement durable de contingents étrangers.
La station de Rufisque, à elle seule, était l’un des derniers bastions techniques échappant encore à la pleine maîtrise nationale. Son retour marque une inflexion historique, comparable à la récupération d’un phare resté longtemps sous contrôle étranger, et dont l’éclat revient désormais à la main souveraine du pays.
Laisser un commentaire