Les transferts des Marocains résidant à l’étranger, estimés à plus de 11 milliards de dollars par an, sont menacés par une directive européenne. Rabat considère cette mesure comme une atteinte à sa souveraineté financière et engage un bras de fer diplomatique avec Bruxelles pour protéger ce pilier stratégique de son économie.
Une directive européenne qui change la donne
Le Maroc est en première ligne face à la directive bancaire adoptée par le Parlement européen en juin 2024. Ce texte, qui restreint l’activité des banques étrangères non européennes dans l’Union, touche directement les filiales marocaines implantées en France, en Espagne ou en Belgique. Ces établissements jouent un rôle central dans les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE), dont le volume dépasse 11 milliards de dollars par an, soit environ 7 % du PIB national.
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Pour Rabat, la menace est claire : si ces banques se voient restreintes, la diaspora pourrait être contrainte d’utiliser des services plus coûteux, réduisant l’impact économique des envois au pays. D’où la crainte d’un affaiblissement d’une source vitale de devises et d’un lien direct avec les millions de Marocains établis en Europe.
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Rabat hausse le ton face à Bruxelles
Dès l’adoption du texte, le gouvernement marocain a mis en place une task force permanente pour défendre ses intérêts. Les autorités ont engagé des négociations à la fois avec la Commission européenne et avec certains États membres, dont la France, partenaire clé. Une rencontre stratégique s’est tenue en juillet 2025 avec le Trésor français afin d’examiner un cadre permettant aux banques marocaines de continuer leurs activités malgré les nouvelles restrictions.
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Ce bras de fer illustre la volonté du Maroc de ne pas subir passivement une réglementation qui n’était pas initialement dirigée contre lui mais dont les conséquences pourraient être lourdes. À Rabat, certains responsables évoquent même une atteinte à la souveraineté financière du pays, car elle remet en question la capacité à encadrer directement les transferts de sa diaspora.
Des échéances qui approchent
Le calendrier fixé par Bruxelles laisse peu de temps pour trouver une solution :
10 janvier 2026 : date limite pour que les États membres de l’UE transposent la directive dans leur droit national.
11 janvier 2027 : application stricte de l’interdiction des services bancaires transfrontaliers non autorisés.
Ces échéances mettent la pression sur Rabat, qui cherche à obtenir rapidement des aménagements, afin d’éviter que les banques marocaines ne soient écartées du marché européen.
Plus qu’un enjeu financier
Au-delà des chiffres, cette bataille prend une tournure politique et symbolique. Les transferts ne sont pas seulement une manne économique : ils incarnent un lien fort entre la diaspora et son pays d’origine. Pour le Maroc, toute tentative de restriction est perçue comme une entrave à ce lien vital.
Bruxelles, de son côté, insiste sur le fait que la directive vise d’abord à harmoniser les règles bancaires post-Brexit et à sécuriser le marché européen. Mais pour Rabat, la conséquence est claire : la survie d’un système qui nourrit son économie et renforce son lien avec les MRE est en jeu.
Une bataille appelée à durer
À court terme, un compromis pourrait être trouvé avec certains États européens, mais la question reste ouverte au niveau communautaire. Le Maroc explore parallèlement des alternatives, notamment numériques, pour réduire sa dépendance aux règles européennes.
Une chose est sûre : ce bras de fer illustre l’importance stratégique des transferts de fonds dans les relations entre l’Europe et l’Afrique. Pour Rabat, céder sur ce terrain reviendrait à perdre un levier essentiel de sa souveraineté économique.



