À moins de six mois de la présidentielle de 2026, le parti Les Démocrates (LD) traverse une tempête politique et judiciaire dont l’issue pourrait déterminer sa présence — ou non — à ce scrutin majeur. L’affaire du député Michel Sodjinou, qui défraie la chronique depuis le début de la semaine, semble rouvrir de vieilles blessures et raviver un souvenir douloureux : celui de 2021, quand le parti n’était pas dans la course au fauteuil présidentiel pour défaut de parrainage.
Tout est parti d’un acte d’huissier adressé au président du parti, Boni Yayi, par le député Michel Sodjinou, membre du groupe parlementaire Les Démocrates. Dans cette correspondance, le parlementaire exige la restitution de sa fiche de parrainage, qu’il dit avoir confiée à la direction du parti dans un cadre qu’il juge aujourd’hui « non conforme à ses convictions ».
Une demande qui, dans le contexte du dépôt des candidatures à la CENA, prend la forme d’un véritable coup de tonnerre. Car au Bénin depuis l’adoption du nouveau code électoral en 2024, tout candidat à la présidentielle au Bénin doit réunir au moins 28 parrainages pour que son dossier soit validé. La perte d’un seul parrainage peut ainsi suffire à compromettre l’ensemble de la candidature.
La situation s’est rapidement envenimée. Une ordonnance du tribunal de première instance de Cotonou a ordonné à Boni Yayi de restituer la fiche litigieuse. Dans la foulée, la CENA a invalidé la fiche de parrainage en question, accentuant la pression sur le parti.
Entre frustration et appel à la conciliation
A la suite de ses événements, Éric Houndété, premier vice-président du parti, a adressé le 15 octobre une lettre publique au député Sodjinou. Éric Houndété adopte un ton conciliant et lance un appel solennel à son collègue : « Je viens très humblement me mettre à tes genoux pour te supplier de remettre le parrainage au parti. »
Ces mots traduisent un malaise profond : celui d’une formation politique tiraillée par ses tensions internes et confrontée au défi de sa participation à la présidentielle de 2026. Houndété y voit un épisode de plus dans la série d’obstacles rencontrés par Les Démocrates depuis leur création : « Ce qui se joue aujourd’hui dépasse un simple différend individuel », a-t-il ajouté lors d’une intervention relayée sur les réseaux sociaux.
Le parti contre-attaque
Le jeudi 16 octobre, le parti a tenu une conférence de presse pour clarifier sa position. Les responsables ont dénoncé « une manipulation destinée à écarter Les Démocrates de la présidentielle », tout en réaffirmant que leurs 28 parrainages restent intacts et valides. Ils ont également annoncé une bataille judiciaire pour contester la compétence du tribunal ordinaire sur ce type d’affaire, estimant que seule la Cour constitutionnelle peut statuer sur un litige relatif au parrainage présidentiel. Ce discours de fermeté vise à rassurer les militants et illustre la volonté du parti d’opposition de rester pleinement engagé dans le processus électoral, tout en révélant la tension qui entoure la course contre le temps imposée par le processus électoral.
Le spectre de 2021
Difficile, dans ce contexte, de ne pas penser à 2021. Cette année-là, le parti Les Démocrates n’avait pas pu présenter de duo à la présidentielle, faute de parrainages suffisants. Les conditions politiques et juridiques avaient alors alimenté un sentiment d’exclusion au sein de l’opposition. Aujourd’hui, alors que le parti semblait mieux préparé et plus organisé, l’histoire semble prête à se répéter — non plus par défaut de parrainages, mais à cause d’une crise interne qui a éclaté à la dernière minute fragilisant tout l’édifice.
La répétition du scénario n’est pas encore certaine, mais le risque est réel. Si la CENA invalide la candidature du duo Renaud Agbodjo et Jude Lodjou, le parti pourrait, une fois encore, être absent de la compétition présidentielle.
Un test décisif pour la crédibilité du parti
L’affaire Sodjinou dépasse donc la simple querelle entre deux personnalités politiques. Elle pose une question fondamentale : Les Démocrates ont-ils tiré les leçons de 2021 ? Leur capacité à surmonter cette crise, à préserver la discipline interne et à défendre juridiquement leur dossier déterminera s’ils seront — enfin — de la partie en 2026. À ce stade, rien n’est joué. Mais si la situation perdure, l’opposition pourrait revivre le même cauchemar : celui d’une présidentielle sans Les Démocrates. Et cette fois, le coup vient de l’intérieur.



