Dossier spécial conférence nationale

 

‘‘Une série de grèves dans l’enseignement ont abouti à une année blanche…’’

Dans un entretien à nous accordé, le Professeur Pierre Mêtinhoué, enseignant d’histoire à l’Université d’Abomey Calavi parle de la Conférence historique des forces vives de la Nation tenue du 19 au 28 février 1990 à l’hôtel Plm Alédjo de Cotonou. Après avoir rappelé la situation sociopolitique et économique d’avant, il est revenu sur les acquis de la conférence avant de jeter un regard sur l’évolution politique du Bénin.

Quelle était la situation sociopolitique et économique qui prévalait avant la conférence?

C’était une situation difficile pour tout le monde. A la fois pour les gouvernants et pour les gouvernés que nous étions. D’abord, parce que quelques années avant 90, à partir de 1988 à peu près, la situation économique était devenue difficile. Et au fur et à mesure que les années passaient, l’Etat s’est rendu incapable de payer les salaires des fonctionnaires. Je précise qu’il s’agit des fonctionnaires, les concitoyens qui travaillaient dans les offices et dans les sociétés d’Etat pouvaient encore toucher leurs salaires. Mais nous qui étions payés par le trésor n’avions plus de salaire.

Une des conséquences immédiates de cette situation était une série de grèves notamment dans l’enseignement; cela a abouti à une année blanche. Ainsi donc, l’année 1988-1989 s’est achevée sans examens. Cette situation a déplu aux parents d’élèves. Certains ont cherché des solutions ailleurs pour leurs enfants et d’autres sur place. C’est dire qu’au plan social les choses étaient difficiles.

Au plan politique, le Parti de la révolution populaire du Bénin, parti unique, commençait à battre de l’aile en raison des difficultés économiques. Cependant, il n’était pas question d’autoriser l’existence d’autres partis politiques. Il faut saluer l’audace de quelques uns qui malgré cette interdiction, se sont mobilisés dans la clandestinité. Les plus connus sont ceux qui ont créé le parti communiste du Bénin (Pcb). Ce parti a payé un lourd tribut au régime en place. Parmi ses cadres, beaucoup ont été emprisonnés, bastonnés, torturés. Mais ils continuaient de proclamer haut et fort, qu’il fallait rompre avec la pensée unique représentée et exprimée par les seuls dirigeants du Prpb.

Au plan économique, le Chef de l’Etat s’est résolu à négocier avec la Banque mondiale, un programme d’ajustement structurel «Pas». Lorsqu’on va au «Pas», on renonce à une partie de notre souveraineté. Le budget est contrôlé par les instances financières internationales, celles de Breton Woods. C’était la pire des choses qui pouvait arriver à des gens qui, en 1972, ont proclamé la révolution et surtout, ont adopté le 30 novembre 1972, le discours programme dans lequel ils ont annoncé que le pays devait voulait rompre avec le passé, se prendre entièrement en charge et ne plus dépendre de qui que ce soit. En effet, le discours programme commence par la phrase suivante: « la caractéristique fondamentale et la source première de l’arriération de notre pays est la domination étrangère». Quand on a affirmé cela devant l’opinion publique nationale et internationale et qu’on se retrouve moins de vingt ans après avec un programme d’ajustement structurel, c’est qu’il y a eu mal donne quelque part.

C’était donc, en résumé, la situation économique de la République populaire du Bénin à la veille de la conférence nationale des forces vives.

 

Quels étaient les acquis de ces assises de février 1990?

Au terme d’échanges verbaux parfois violents et de luttes fratricides la majorité des participants ont adopté le multipartisme intégral afin de tourner la page du Prpb. Ce fut, à mon avis, un acquis important de la conférence nationale.

Parmi les autres acquis, il faut citer l’élection d’un Premier ministre pour la période transitoire d’une année. Monsieur Nicéphore Soglo et le gouvernement qu’il a dirigé ont, je crois, séduit les Béninois par les résultats qu’ils ont obtenus au bout de douze mois d’exercice de pouvoir.

 

Enfin, il y eut l’approbation d’une nouvelle constitution et l’élection des députés à l’Assemblée nationale, puis celle du Président de la République.

On peut dire qu’avec l’organisation et le succès de la conférence nationale, le Bénin a ouvert une nouvelle page de son histoire et même de celle du continent africain.

 

Regard sur l’évolution politique et la situation économique.

Il est évident qu’aujourd’hui en 2012, nous n’avons pas exactement la même situation politique économique qu’en 1990. Il y a eu depuis la conférence, des hauts et des bas. Au plan politique, les choix fondamentaux de la conférence nationale n’ont pas été remis en cause. Aujourd’hui personne ne peut interdire à qui que ce soit, de créer un parti politique et de dire haut et fort ce que ce parti envisage de faire au Bénin. Personne, non plus, ne peut interdire à personne de prétendre à l’acquisition du pouvoir et de son exercice. Ces grands choix de la conférence nationale sont toujours respectés et il faut se battre pour qu’il en soit toujours ainsi, parce que ce n’est pas évident.

Au plan économique, il n’y a pas de miracle à espérer, de mon point de vue. Si comme c’est notre cas, vous ne disposer pas de ressources minières importantes comme le pétrole, l’or etc et que vous travaillez mal et peu, quels résultats économiques voulez vous avoir?

 

Impact de la flopée de partis politiques

Nous ne pouvons pas être fiers du nombre de partis politiques qui existent aujourd’hui dans notre pays. D’autant que la plupart d’entre eux ne sont visibles et ne se manifestent qu’à la veille des élections. Il y a plusieurs partis qui existent de noms, qui sont inscrits au ministère de l’intérieur, qui nous intéressent nous, les chercheurs mais qui politiquement sur le terrain ne gèrent pas grand chose. Si au nom du multipartisme on pense qu’il faut 200, 300 partis parce que la Conférence nationale l’a décrété, continuons donc. Peut être que nous nous arrêterons que nous atteindrons 1000 partis.

Réalisation et transcription:
Yao Hervé Kingbêwé
& Olivier Ribouis (Stags)

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