Les deux élus du second tour ont en effet en commun, d’être des personnages politiques neufs ou presque. Le premier tour de l’élection présidentielle française, a livré son verdict : Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont les candidats retenus pour le second tour, avec des scores proches des pourcentages annoncés par les sondages.
Un vrai séisme dans un pays où le clivage droite/gauche a dominé la vie politique française, depuis le début de la cinquième république ; séisme dont l’onde de choc n’épargnera aucun pays en Europe, et va sonner le glas d’une certaine forme de relations entre la France et l’Afrique. Les deux élus du second tour ont en effet en commun, d’être des personnages politiques neufs ou presque. Le premier a réussi le tour de force de partir de rien, d’un simple mouvement créé il y a seulement un an, au nom prédestiné de « en marche », pour grimper sur la plus haute marche du podium. Dominique de Villepin, le truculent ancien ministre des Affaires étrangères et ex-premier ministre de Jacques Chirac, n’avait pu faire autant contre son ennemi intime Sarkozy, aux encablures de 2007-2008, quand ce dernier prenait les rênes de l’Ump.
Quant à Marine Lepen, elle a réussi au fil des ans à faire oublier dans la mémoire collective, que le parti qu’elle a hérité de son père est un parti d’extrême droite, d’essence fasciste et raciste, contre lequel la majorité des Français s’était unie comme un seul homme, pour porter au pouvoir Jacques Chirac. C’était en 2002. Il y a seulement 15 ans.
L’ascension fulgurante du Front national (Fn) dans les sondages, que les urnes n’ont pas démentie, s’expliquent en grande partie par cette amnésie collective qu’on appelle pudiquement dans l’Hexagone « dédiabolisation », qui a touché tous les secteurs de la société française, les médias en premier. Au point où dans l’intervalle de quinze ans, les leaders du Fn sont devenus des politiciens comme tous les autres. Et les thèses qu’ils défendent (immigration, préférence nationale, sortie de l’euro et rétablissement du franc), paraissent aujourd’hui banales, n’effraient plus grand monde.
Au contraire, ces thèses radicalement populistes trouvent échos ailleurs en Europe, Autriche, Hongrie, Royaume Uni, Hollande, Pologne, et aujourd’hui aux Usa de Donald Trump. Et l’arrivée au pouvoir de ce dernier a donné des ailes à tous les partis racistes et aux groupes nationaux irrédentistes d’Europe, qui ne rêvent que de protectionnisme.
Vue d’Afrique, cette première séquence de l’élection présidentielle en France ne manquera pas d’avoir des conséquences sur les paysages politiques de nos pays. Du Sénégal au Bénin en passant par la Côte d’Ivoire et le Togo, où les partis traditionnels sont décriés, on pariera désormais sur l’extinction rampante des partis politiques historiques, au profit de regroupements autour d’ « hommes providentiels », du type nouveau (hommes d’affaires ou fonctionnaires internationaux en fin de carrière), pour conquérir le pouvoir.
Dans un continent où le mimétisme est la chose la mieux partagée par une certaine élite, l’exemple de Macron, électron libre et ovni politique s’il en est, a toutes les chances de faire école sous les tropiques, de susciter des vocations et de donner des ailes à tous ceux qui, hors du sérail politique, veulent en découdre avec ce qu’on appelle ici, « la vieille classe politique », engluée dans la fange des scandales et de la corruption.
Une chose paraît en tout cas certaine : avec l’un ou l’autre des prétendants à la magistrature suprême en France, les relations France/Afrique vont connaître, sinon de profonds bouleversements, du moins quelques ajustements qui risquent d’être douloureux pour nombre de roitelets africains. Habitués aux tapes amicales dans le dos et aux accolades sans fin avec leurs homologues français, ils vont devoir s’accommoder avec des interlocuteurs plutôt froids, moins hypocrites ou carrément arrogants.
D’un côté : un jeune premier, né près de vingt ans après les indépendances négociées au profit de la France (Macron est né en 1977), qui ne connaît de l’Afrique que ce que les livres d’histoire lui ont enseigné. Banquier froid, pétri d’idéologie néolibérale du « moins d’Etat et de tout pour l’entreprise », résolument tourné vers la construction européenne.
De l’autre, une raciste notoire, adepte de la pureté de la race blanche, foncièrement opposée à toute forme d’immigration, et prête à rapatrier de force tous les Africains qui continuent de rêver d’Europe. Tous deux, en tout cas au nom de la Realpolitik, maintiendront avec l’Afrique le minimum de relations qui permettra à la France de prétendre au statut de puissance moyenne. Alors camarades, si nous n’avons pas compris que l’heure « de nous-mêmes » a véritablement sonné, nous aurons doublement péché contre les générations passées et surtout, celles à venir!
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