En 2018, 2019, des partisans du régime dit de la « rupture » ont été interpellés par la justice béninoise ; certains ont été condamnés. Le régime, alors accusé d’une lutte sélective contre la corruption au Bénin, avait brandi ces différents cas comme preuve de l’impartialité du président Patrice Talon qui n’épargnait pas « ses propres amis ». Mais la suite de ces dossiers remet à nouveau en question la crédibilité et l’équité de cette lutte.
L’ex préfet du Littoral, Modeste Toboula, condamné à un an d’emprisonnement ferme dans une affaire d’opération de lotissement et de transactions irrégulières sur le domaine de l’Etat à Fiyégnon 1 dans le 12ème arrondissement de Cotonou, n’aura passé que quelques mois en prison. Son cas, entre-temps agité comme la preuve de ce que le chantre de la rupture n’a pas orienté sa lutte contre la corruption que vers les seuls opposants, se révèle de plus en plus comme une opération en trompe-l’œil.
Tenez ! Placé en détention provisoire en février 2019 puis condamné le 3 juin dernier après un procès plutôt expéditif , comme si on voulait vite faire les choses, le ‘’préfet démolisseur’’ du département du littoral, s’est envolé quelques jours après en direction de la Tunisie avant de se retrouver, comme par enchantement, au Maroc. Ceci, pour « raisons de santé », avait –on dit. Mais d’autres sources à l’époque avaient parlé de l ‘’exfiltration’’ du fameux détenu qui n’en était pas vraiment un. Puisque de l’avis de ses co-détenus, il bénéficiait ostensiblement d’un régime de faveur.
La veille de cette « évacuation exfiltration », on l’avait vu jouer aux cartes jusqu’à une heure tardive. Curieux pour quelqu’un qui était censé purger une peine privative de liberté dans une des maisons d’arrêt les mieux sécurisées du pays ! Toutes ces informations avaient été publiées par un de nos confrères et abondamment relayées sur les réseaux sociaux, sans aucun démenti des autorités pénitentiaires encore moins du pouvoir qu’il a servi les yeux fermés.
Modeste Toboula :«Il n’a jamais été un prisonnier» selon la présidente du comité des détenus politiques
La mention « bonne conduite »
De retour au pays, hier mardi 15 octobre 2019, de sources proches d’une radio souvent bien informée de la place, « Toboula ne va pas retourner à la prison civile de d’Akpro-Missérété » d’où il était parti soit disant, rappelons-le, pour raison de santé. On parle désormais d’une liberté conditionnelle. Et ce, « pour bonne conduite ». Ce qui apparaît désormais comme la « voie royale » pour extraire des proches du pouvoir après les avoir utilisés pour démontrer que le chef frappe aussi dans son propre camp.
Seuls les « rupturiens » se comportent bien en prison ?
On peut mentionner aussi le cas de Antoine Dayori, mis sous mandat de dépôt en février 2018. Il avait été condamné à trois ans d’emprisonnement ferme. Mais lui aussi, cette année, aurait fait preuve de « bonne conduite » et a bénéficié de la même mesure que le ’’ préfet bulldozer’’. Curieusement, c’est dans le camp des partisans de la rupture qu’on trouve ces détenus qui décrochent ce qu’on peut désormais appeler la « mention bonne conduite », notamment ceux-là inquiétés pour justifier l’équité dans la lutte contre la corruption au Bénin.
Quels sont finalement les critères de bonne conduite en prison pour que d’autres citoyens n’en remplissent presque jamais les conditions ? Surtout pas ceux qui sont critiques à l’égard du gouvernement et jetés en prison dans des dossiers pour lesquels le pouvoir est vraiment accusé de lutte sélective contre la corruption ou d’exploitation de la justice notamment la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) pour des règlements de compte politiques. Dans ces dossiers, dont celui de la Cnss-Bibe avec Laurent Mètongnon, il n’est pas question de bonne conduite. Les partisans du régime sont visiblement plus dociles en prison.
En définitive, on se rend compte que cette lutte a toutes les apparences d’une moralisation à double vitesse, une sorte de deux poids deux mesures. Cette affaire de bradage de réserves administratives impliquant des dizaines de millions de nos francs (contre les 2.500.000F reprochés à Metongnon et consorts) dans laquelle Toboula est impliquée en donne largement la preuve. Ce dernier n’a été condamné qu’à un an de prison ferme contre Cinq ans pour Mêtongnon et consorts.
Citons, pour clore définitivement le chapitre de la lutte sélective contre la corruption, le cas de l’ex ministre de la décentralisation Barnabé Dassigli qui, d’après le compte rendu du Conseil des ministres du 20 février 2019, avait instruit le préfet par message radio, aux fins de procéder à la levée de la mesure gouvernementale de suspension de toutes les opérations sur la zone sus-citée.
Le ministre Dassigli n’a pas été du tout inquiété au-delà de son limogeage et audition à la Criet en qualité de témoin. D’autres cas que celui de Dassigli avaient fait l’objet d’un débat houleux à l’Assemblée nationale, débats qui ont abouti, selon le cas , à la levée de l’immunité parlementaire assortie d’une comparution devant la Haute Cour de Justice. Voilà le vrai visage de lutte contre la corruption sous la rupture !
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