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Des paroles aux actes : Le Président du Bénin élu en 2016 et sa profession de foi

(Bilan d’un engagement électoral ) Dans son programme soumis aux Béninois, Patrice Talon a pris des engagements précis qui ont pu inspirer ses compatriotes, comme nous, à porter leurs voix sur sa candidature et à inviter les Béninois à en faire de même. Plus de trois ans après, nous faisons le point pour faire le bilan et nous demander si notre choix fut le meilleur. Si oui, pourquoi et si non quelles seraient les motifs. C’est un exercice que devrait, à notre avis, s’imposer un citoyen qui a connu, comme nous et comme beaucoup d’autres, un certain parcours politique.

Rappelons que dans un post daté du 5 janvier 2016, juste avant que la campagne électorale ne prenne de l’ampleur nous écrivions sur Facebook :

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Mettons-nous d’accord que les critères qui motivent un intellectuel ne sauraient être identiques à ceux d’un ouvrier ou un paysan, d’un fanatique religieux ou d’un libertaire au plan spirituel. Le contenu de la constitution et du code électoral n’est même pas connu d’un simple intellectuel qui n’a pas été confronté à leur application. La question des tracasseries fiscales sont étrangères au commun des Béninois.

Or, parler des motivations d’un vote ne doit pas être cantonné à une couche ou classe sociale ; cela doit s’adresser à tous et à chacun.

L’erreur souvent commise et qui m’a été fatale à plusieurs occasions est celle de penser que ma logique suffisait à convaincre. Trop abstraite pour le commun, elle m’a conduit à me rendre compte de nombreuses méprises. Mais, s’agissant de mes amis sur la toile, je voudrais m’en tenir à ce qui, à mon avis, devrait compter le plus. Et encore !

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Le premier critère est celui du jugement que l’on porte sur la gouvernance politique, je dis bien politique ; car en réalité, la gouvernance économique est et doit être au service d’une projection du futur de notre société, d’un idéal social voulu ou espéré pour les concitoyens et pour soi-même. Ce qui n’a pas fonctionné doit pouvoir changer ou évoluer grâce à notre vote. Dans le cas actuel du Bénin, cette gouvernance politique est règlementée par des textes fondamentaux de notre République et principalement par notre constitution. Lorsque l’on donne un mauvais outil au travailleur, il est vain de lui attribuer la faute de s’en être mal servi, dégageant malhonnêtement sa propre responsabilité et ses propres insuffisances : on se proclame parfait et avoir fait un travail parfait, comme si ce ne devrait pas être le résultat qui devrait trancher, mais notre propre égo. Cette attitude très peu scientifique est malheureusement très fréquente et ralentit le devoir de «validation» de son travail théorique, par l’expérimentation pratique.

Les dérives de la Cour constitutionnelle, celles de la HAAC, le blocage de toute action au niveau de la Haute Cour de Justice, l’utilité très réduite de Conseil Economique et Social, auraient dû suffire pour une opération de relecture de la loi fondamentale.

Voulons-nous changer ces insuffisances ? Pour ma part, cela est primordial. Pour le faire, il faut une très large consultation avant toute décision capitale dans le domaine. Pour moi, en effet, c’est en collant aux us et coutumes de nos peuples que nous pouvons leur donner le sentiment, puis ensuite la certitude, que l’Etat c’est avant tout eux, la matérialisation de leurs volontés communes, et non la construction de cerveaux formatés exclusivement par la culture d’autres peuples. Tous les pays qui ont adopté cette vision avancent assez normalement dans leur effort de progrès économique.

Le candidat qui aura mon vote devra s’engager à organiser une véritable concertation nationale en s’inspirant de l’approche adoptée pour la Conférence Nationale de février 1990. Cette concertation portera sur l’application qui a été faite du texte et de ses insuffisances qui ont permis les dérapages largement décriés. 

Les points spécifiques, à l’étape actuelle, ne peuvent qu’être vaguement évoqués ; ils ne peuvent être exhaustifs. Mais le candidat doit en donner un aperçu assez significatif.

Les autres critères ne peuvent qu’être fortement en corrélation avec le contenu de la loi fondamentale. 

L’objectivité de notre exercice peut être brouillée par des intérêts personnels privés ou de groupes. Elle est souvent le reflet de la conscience que l’on a des sentiments exprimés autour de soi, par les compatriotes de  différentes couches sociales avec lesquelles on est en contact. Elle peut aussi refléter des rancœurs non contenues, ou des espoirs personnels insatisfaits.

Il est donc normal que cet exercice soit l’objet de critiques elles aussi mues par les mêmes motivations. Tout évènement comporte en effet deux aspects passablement contradictoires. C’est cependant au regard des intérêts matériels des uns et des autres qu’il convient, selon notre philosophie d’action, de recevoir et d’interpréter ces critiques, si on en sent la nécessité et l’utilité.

C’est sur une remarque pertinente d’un ami journaliste que nous nous sommes décidé à rendre publiques ces quelques analyses. Il voulait connaitre les raisons et les objectifs de nos interventions sur les réseaux sociaux. Ils sont simples : réagir pour situer les limites de mon engagement antérieur de 2016. Nous le devons à nos amis, nos lecteurs et à nos adversaires aussi.

Nous ferons référence essentiellement aux engagements écrits publiés dans le fascicule «Le Nouveau départ» qui expose les éléments qui avaient justifié notre alignement.  Ce document commence par l’affirmation que voici :

Notre pays va mal sur tous les plans

Cependant, nous sommes capables de renverser cette tendance et de vaincre la fatalité.

Pris individuellement, les Béninois sont remplis de talents et de dynamisme.

Une équipe de dirigeants bien inspirés et compétents serait donc capable de mettre en œuvre avec succès un programme de relance rapide de notre développement dans un environnement apaisé de démocratie et de liberté.

C’est fort de cette conviction que le soumets à votre attention, chers compatriotes, les grandes lignes de mon programme pour le quinquennat 2016-2021.

Ce sera le Nouveau Départ.

Il s’agit d’une affirmation que nous avions prise pour une confiance dans les compétences  des Béninois. Avions-nous tort, mal compris sa signification ? C’est possible et nous ne demandons qu’à nous en convaincre pour accepter notre manque de perspicacité dans la lecture de cette affirmation. Que peu de temps après son élection, nous entendions notre Président affirmer devant toute la planète que notre pays était «un désert de compétences» fut pour nous une première surprise de taille, s’agissant d’un pays jadis qualifié de «quartier latin de l’Afrique», à tort nous en convenons. Mais nous pensions que c’était peut-être pour les mêmes raisons que nous. Mais le dire en sortant d’une rencontre avec le Chef de l’Etat français semblait bien saugrenu. La pratique a révélé qu’il s’agissait de la préparation des esprits à accepter des appels à des cadres non béninois  pour gérer le pays sans état d’âme en réponse à leur employeur. Nous les avions qualifiés de «mercenaires», sans l’intention de les vexer mais sans état d’âme ni mépris. Pour nous en effet, un mercenaire est surtout un employer qui exécute mot pour mot la volonté de son employeur et accepte de ne pas discuter de ses ordres pour le fait qu’il ne s’agit pas de tenir compte de ses propres contraintes morales personnelles.

Nous passerons en revue les passages les plus importants du dit fascicule, en dehors de cette introduction qui s’est révélée être de simples paroles.

1.Rétablir un Etat respectueux des principes démocratiques

A ce sujet, le document dit :

A la pratique on constate que la Constitution du 11 décembre 1990 offre au Président de la République d’importantes possibilités d’excéder ses  pouvoirs et de contrôler les autres institutions.

Le Président de la République exerce désormais un pouvoir «surpuissant»  qui lui a permis de dominer toutes les autres institutions, de mettre sous son contrôle exclusif tous les moyens de l’Etat, d’affaiblir les droits et de discriminer dans l’accomplissement de ses devoirs vis-à-vis des citoyens.

Le pouvoir exécutif est devenu nuisible en ce qu’il est exposé à toutes les dérives institutionnelles, structurelles et personnelles. Il œuvre exclusivement à son propre maintien et épanouissement, au détriment de la dynamique collective.

Toutes choses ayant compromis la démocratie, la liberté, l’émulation et le développement humain, social et économique de notre pays 

Puis suit l’énumération des mesures clés envisagées.

Présenté de cette manière, le discours du candidat Talon ne pouvait que répondre à nos vœux, indépendamment de l’opinion personnelle que nous avions de loin du candidat. Il est inutile de rappeler les détails des mesures clés exposées dans la profession de foi du candidat. Il était difficile de supposer, malgré les avertissements du Président sortant, qu’il ne s’agissait que de simples paroles mielleuses destinées à semer des illusions et abuser de nos espoirs de renforcement du système démocratique issu de la Conférence nationale des forces vives de la Nation de février1990. Le diagnostic s’apparentait si profondément à nos opinions dès l’adoption du texte de la Constitution du 11 décembre 1991.

Est-il possible de bonne foi d’affirmer que la situation décrite dans le diagnostic a changé même après le boulevard ouvert par les élections exclusives de mars 2019 destinée à contrôler entièrement et à 100%  le Parlement et le vote des lois?  

Tout laisse à penser que le diagnostic mettait en exergue les aspects pervers de notre loi fondamentale qui seraient utilisés à des fins contraires à celles des mesures clés détaillées dans le fascicule du candidat Talon. Il est impossible à un citoyen attentif aux actes officiels de taire sa désapprobation de ce qui s’apparente à une mauvaise foi caractérisée. Et lorsqu’on écoute certaines déclarations et injonctions des pontes du moment, on se rend compte de leur cynisme dans la définition qu’ils donnent de l’action politique. Pour eux, la politique se caractérise par la ruse et la recherche d’avantages claniques, une attitude du genre «nous sommes au pouvoir et nous avons le droit de faire ce que nous voulons ; vous en souffrirez mais vous ne pouvez rien». Cela semble d’ailleurs avoir été dit explicitement, sans vergogne, comme une conséquence honorable de l’exercice du pouvoir d’Etat. C’est cette philosophie qui préside et nourrit la formation pratique proposée à notre jeunesse qui répète à vous faire vomir que «c’est la politique» pour signifier que tous les coups bas sont possibles et permis.

En résumé, il nous est difficile d’appeler cela «Rétablir un Etat respectueux des principes démocratiques» mais plutôt «construire un Etat autocratique au service de l’immoralité» ; appréciation excessive ? Peut-être, mais qui traduit parfaitement notre vision de la réalité de l’exercice du pouvoir politique aujourd’hui. Les justifications données font appel à la loi, appliquée de manière sélective bien sûr, lorsqu’elle n’est pas modifiée pour rendre légal un tantinet escroquerie morale.

Faut-il mentionner ce qui est prévu au sujet des partis politiques ? Eh bien on lit :

Une loi sera prise pour instaurer dès 2016 une allocation annuelle correspondant à 0,50% minimum des ressources propres de l’Etat.

Le montant de l’allocation sera reparti entre les partis au prorata de leur poids électoral pondéré par la répartition géographique de ce parti.  

Dans quelle mesure cet engagement a-t-il été respecté ? A la place, nous avons eu droit à une réforme du système partisan qui n’a pas été annoncée dans le «projet de société». Pire, elle n’a pas fait l’objet d’un débat approfondi, en dehors peut-être des sanctuaires du Chef. C’est ce projet qui est à l’origine des dérapages de toutes natures lors des élections législatives et dont le texte est ensuite modifié. Etait-ce simplement pour s’assurer des élections exclusives qu’elle a été introduite et appliquée tambours battant ? Cela en a tout l’air. Le bilan, c’est la perte de vies humaines innocentes, des manquements aux droits du citoyen, un dialogue de façade et la fuite en avant dans la destruction de ce qui appartient au consensus national en catimini honteux. 

Entre la campagne électorale et ses actes, qu’est-ce qui a changé et qui puisse expliquer ces initiatives malheureuses auxquelles l’électeur nous ne s’y reconnaisse pas ? Les nouveaux alliés après la victoire, les accords secrets qui ont permis les soutiens et retournements de vestes entre le premier tour de la présidentielle, la victoire ? Ce ne serait pas une surprise d’autant plus que les plus acharnés dans le mépris de l’avis populaire furent les mêmes sous Kérékou et Boni Yayi.

2. Promouvoir une justice indépendante, efficace et accessible à tous

Le diagnostic se présente comme suit

  • Instrumentalisation de la justice par le pouvoir exécutif
  • Manque de célérité dans l’administration de la justice
  • Manque de moyens humains, matériels et financiers
  • Insuffisance de formation
  • Grèves répétées.

Ici aussi les mesures phares sont indiquées. Il est instructif d’en présenter une qui, à nos yeux, est capitale, les autres se révélant comme étant uniquement des promesses de mise à disposition de moyens financiers.

Restructurer le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) de sorte que le pouvoir exécutif n’y joue plus un rôle prépondérant 

Quelle est la mesure finalement adoptée pour répondre à ce diagnostic ? On la trouve dans la réforme du CSM. On peut notamment signaler  que «pourront être désormais membres du Conseil Supérieur de la Magistrature, en dehors du chef de l’Etat, du Garde des Sceaux et de la personnalité extérieure proposée par le Bureau de l’Assemblée nationale et nommée par le chef de l’Etat, trois autres personnalités extérieures nommées suivant la même procédure, les ministres en charge des finances et de la fonction publique».

Est-il possible d’affirmer sans mauvaise foi qu’il s’agit-là d’une mesure pour «promouvoir une justice indépendante, efficace et accessible à tous» ? 

L’association des magistrats estime que cette «invasion du Conseil Supérieur de la Magistrature par des allogènes vise à faire contrôler cette institution par l’Exécutif. … Cette hégémonie de l’exécutif au sein de l’instance chargée d’assurer la nomination des magistrats, la gestion de leur discipline et de leur carrière, vise à inféoder le pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif». 

La mesure donne en effet un résultat contraire au diagnostic avancé par le candidat Talon. Il y a ainsi une énorme différence entre le «Président Talon» et le «candidat Talon». Pourquoi cette différence ? Sincérité ou manque de sincérité ? Ou enfin l’exercice du pouvoir a révélé le bien fondé de la main mise de l’Exécutif sur le Judiciaire et que l’illusion de séparation ne résiste pas à la réalité de l’appareil.

On est bien tenté, en l’absence de déclaration d’autocritique indiquant que l’on s’était trompé, qu’il faut simplement retenir la mauvaise foi théorisée par la promesse d’user de «ruse et de rage» que nous avions prise comme un lapsus bien malheureux. Ce n’était peut-être pas cela.

3. Assurer la liberté et l’accès équitable de tous aux organes publics de presse

Le diagnostic présenté comporte 

  • Pouvoir exorbitant de l’autorité de régularisation (HAAC)
  • Politisation de la HAAC et des organes publics de presse
  • Restriction de la liberté de presse
  • Insuffisance de formation des professionnels des médias
  • Insuffisances des infrastructures et équipements pour les Technologies de l’information et de la communication (TIC)
  • Précarité de la situation financière des organes de presse  

Les mesures préconisées sont une reprise de principe de ce diagnostic en s’engageant à y remédier.

Quel est, honnêtement, le professionnel de la presse qui puisse soutenir que ces promesses ont un début de réalisation ? 

La composition de la HAAC a-t-elle été modifiée même après le holdup organisé pour voter des  modifications de la Constitution, fruit d’un consensus national ? Non. Pendant près de trois ans, l’institution chargée de faire respecter la liberté de presse s’est illustrée par des décisions et des positions qui entravent cette conquête des citoyens pour une information diversifiée et renseignée. Au point de sembler mériter le nom de HACHE. L’une des lois chéries par le régime est celle relative à  la répression des articles sur les réseaux sociaux, devenus la seule tribune où une information objective peut être rendue publique, avec à la clé la menace d’être poursuivi en procédure d’urgence pour avoir publié une information sensée être indispensable aux citoyens, mais jugée préjudiciable à la poursuite d’actions jugées nocives par les auteurs. 

Les organes d’information de service public sont incapables d’organiser des débats réellement contradictoires, transformés en entonnoirs de la parole divine du maitre du moment.  Les agents qui se permettent de respecter l’éthique de la profession se disent être des cibles de sanctions qui ne disent pas leur nom et surtout supplie de rester dans l’anonymat total ! Nous n’avons aucune honte de dire ouvertement que nous évitons d’ouvrir les chaînes des médias de service public et même ceux qui sont réputés privés. Est-il besoin d’insister sur les sorts réservés aux autres promesses relatives au secteur de la liberté de presse ? Inutile, pensons-nous en attendant ceux qui prétendraient déceler un éventuel effort.

4. Redynamiser et moderniser notre administration publique

Dans cette rubrique il est procédé à un diagnostic sans identifier les causes des remarques avancées et proposé une série de mesures diverses qui ne peuvent pas être qualifiées de démagogiques, mais laissent une impression de programme de privatiser les secteurs de gestion des ressources humaines de l’administration. Que dit le diagnostic ?

  • Insuffisance de formation
  • Manque d »effectifs dans certains corps
  • Politisation à outrance
  • Absence de contrôle
  • Manque de motivation.

On constate aisément le caractère général de ce diagnostic qui ne pré visage pas la privatisation progressive de la gestion des agents de la fonction publique et sa précarisation. C’est pourtant à cela que nous assistons impuissants, avec l’espoir d’en finir rapidement avec cette tendance lourde du libéralisme mis en application au Bénin. Les mesures clés énoncées restent dans la généralité de la langue de bois. Et pourtant cela ne nous avait pas empêché d’inviter à préférer le candidat au fonctionnaire français commis pour diriger notre pays, avec le soutien actif, déterminé et conscient de Boni Yayi qui a cru suffisant de demander ensuite pardon au peuple béninois. Il était difficile d’admettre cette sorte de larme de crocodile, aussi bien avant que maintenant. Il y a des responsabilités historiques qui ne doivent jamais quitter nos mémoires de citoyens conscients. Ce souvenir sert à juger ensuite de toutes les gymnastiques de l’activité politique des auteurs, pour se prémunir des manipulations de toutes sortes.

5. Renforcer la protection des biens et des personnes

Le diagnostic est le suivant :

  • Insécurité grandissantes dans les villes et les campagnes
  • Manque d’infrastructures, d’équipements et de formation au niveau des forces de Sécurité et de Défense
  • Politisation et mauvaise utilisation des ressources humaines
  • Orientation exclusivement politique des missions des services de renseignement.

Les sentiments d’insécurité des citoyens ont été repris ici sans qu’il puisse y apercevoir les causes des phénomènes évoqués. Dans ces conditions, il est normal que le pilotage soit à vue dans la mesure où c’est l’exercice réel du pouvoir qui permet d’identifier les causes réelles de ces phénomènes. Il était par conséquent prévisible qu’au début du mandat le diagnostic soit complet et rendu public pour prévenir des mesures probables afin de redresser la situation. Il est regrettable qu’on n’ait pas pu opérer de cette manière. S’il y a des raisons à ce «manquement», nous ne sommes pas en mesure de les inventer, mais seulement autorisé de supposer tout ce qui nous parait possible, en faveur de l’acteur ou en sa défaveur, sans état d’âme.

Peut-être a-t-on fait des merveilles pour la formation des ressources humaines dans le secteur de la sécurité dans la stricte confidentialité ? L’occasion des discours sur l’état de la Nation, cet exercice ennuyeux auquel l’ancienne Constitution astreint les Présidents de la République n’a pas permis d’évoquer ce volet. Il est par conséquent normal que l’affabulation d’avoir mis la sécurité des citoyens béninois dans les mains des services d’un Etat africain «ami» ait longue vie. Cette situation semble être la même pour les services de renseignement.

Sur ce chapitre, notre bilan ne saurait être fondé puisqu’il s’agit d’un secteur de souveraineté et de culture du confidentiel. Nous n’en faisons donc aucun. 

Il nous plait cependant d’évoquer l’une des mesures clés contenues dans le document qui nous a fondé à voter Talon.  C’est «renforcer les effectifs, notamment de la Gendarmerie pour couvrir tous les besoins de la sécurité, maintien de l’ordre et protection dans nos villes et campagnes». Il semble que c’est tout le contraire qui a été fait en dissolvant la gendarmerie dans la police et en affectant ses infrastructures à d’autres fins. Pour quelles raisons, bien malin qui pourrait le dire avec certitude. Il se dit que c’est pour expérimenter ce qui se passe dans le «pays ami». Nous y croyons parce qu’il n’est pas interdit d’essayer ce qui s’est fait ailleurs en tenant compte des résultats. L’impression d’un pilotage à vue est en conséquence légitime et justifiée. Il est cependant dangereux qu’elle persiste dans la majorité des secteurs de la vie de notre pays, parce que nous n’avions pas conscience de choisir un élève d’un autre Président pour conduire notre destinée. Qu’il nous soit permis de faire preuve de vigilance extrême sur chaque acte de nos responsable et d’être très critique lorsque nous en sentons la nécessité et le devoir. La priorité donnée aux actions de maintien de l’ordre par les forces de défense entraîne, nous l’avons vécu, le risque d’utilisation des armes à feu contre des citoyens non armés. C’était du domaine de la Gendarmerie dissoute. Mais nous nous accusons nous-même de n’avoir pas décelé ce risque à la lecture du point 5 consacré aux forces de la défense nationale. Si la fusion de la Gendarmerie et de la Police avait été annoncée, peut-être que notre attention aurait été attirée sur cette mesure dite clé.

  1. Faire de notre diplomatie un véritable instrument au service du développement :

Le diagnostic présente quatre points essentiels

  • Diplomatie inefficace et non-offensive caractérisée par des nominations exclusivement clientélistes
  • Absence de rayonnement international
  • Perte totale de crédibilité au plan international et plus particulièrement auprès des partenaires au développement,
  • Pléthore de représentations diplomatiques et d’effectifs inutilement coûteux. 

Les mesures clés sont d’une généralité qui ne fait pas entrevoir ce qu’est une «diplomatie au service du développement» ou ce qu’on entend dire de cette manière. Ce langage sur toutes les lèvres des nouveaux Chefs de nos Etat est reçu avec une indifférence certaine, comme du déjà entendu. Cependant, deux des mesures clés méritent d’être rappelées. C’est celles qui portent les numéros 6 et 7, libellées comme suit : «Mettre en œuvre une diplomatie efficace envers le Nigéria en vue de permettre le libre échange commercial, conformément aux dispositions des accords communautaires et bilatéraux»  puis «mettre en place un programme d’incitation de l’investissement au Bénin pour la diaspora basé sur un accord fiscal avec les pays de résidence. Dans ce cadre, l’Etat béninois prendra partiellement en charge l’incidence fiscale des revenus investis par la diaspora».

Sur le Nigéria, la dernière crise qui se prolonge est la preuve d’un échec malheureux de notre diplomatie. Elle devait, en principe, s’appesantir sur la circulation de la production béninoise sur la base des accords de Badagry. Nous avons assisté à ce qui ressemble à s’y méprendre à une démarche favorisant le trafic de la contrebande, comme pour le riz et la tomate et autres produits importés pour être écoulés vers le Nigéria et concurrencer la fabrication nigériane,  et des entraves aux investissements nigérians au Bénin, comme dans l’affaire GLO et le ciment Dangote pour ce que nous connaissons. L’on a encouragé, par une absence de communication, des tentatives d’intoxication et de développement de sentiments anti-nigérians par les journaux et les réseaux sociaux, pendant que notre voisin communiquait officiellement sur les causes qu’il donne à la crise. Notre gouvernement fut incapable d’en faire autant et de freiner la campagne anti-Nigéria de mauvais aloi.

En ce qui concerne la diaspora elle semble se limiter aux amis appelés à meubler les agences gouvernementales ou faire des affaires avec l’Etat. Au demeurant, notre propre expérience concrétisée par la première journée des Béninois de l’Extérieur organisée dans le même objectif nous convainc qu’il ne peut s’agir que d’un bluff. Quel est le bilan de cette mesure clé envisagée en dehors des marchés concédés par l’Etat ? Ce sera peut-être fait l’année prochaine pour constater l’erreur d’appréciation des capacités de cette diaspora qui a arraché la mesure-clé. 

Nous arrivons dans la dernière année du mandat de l’actuel Président de la République. En souvenir de notre réflexion rendue publique le 5 janvier, voici notre conclusion à l’issue de ce rapide survol des actes et actions de notre candidat de 2016, celui à qui nous avons accordé notre vote et pour qui nous avons invité nos amis à voter. Nous faisons fi des termes de polémique affectionnés par nombre de fanatiques malheureusement limités dans leurs appréciations par l’obséquiosité légendaire des partisans sans boussole. Ces derniers ne pardonnent pas à ceux qui ont la suite dans leurs idées et leurs engagements de départ de s’imposer un bilan «formatif» qui clôture les observations «normatives».

Qu’importe, notre conviction est qu’il faut à tout moment prendre «le risque»  d’exprimer ouvertement ses opinions et ses positions, sans le sentiment de détenir la Vérité absolue qui doit s’imposer aux autres, mais avec la sincérité la meilleure.

La Président Talon nous aura déçu, non pas parce qu’il n’a fait que des erreurs, ce serait injuste et ridicule, mais parce qu’il s’est fermé au critère premier qui est le nôtre : rester ouvert à la consultation et à la concertation, et prendre ensuite la décision qui revient toujours au Chef. 

Sur les points essentiels de sa profession de foi, nous avons noté qu’il est passé outre, s’il n’a pas tout simplement fait le contraire de ce qu’il a écrit lui-même. L’on peut s’être trompé en raison des réalités du pouvoir, et s’imposer la raison d’un changement d’approches. L’assumer ouvertement ne peut porter préjudice que s’il transparait dans les nouvelles orientations une option en faveur d’une minorité ou de ses amis de divers horizons.

Le Président Talon a été formel : pour être réélu ce n’est pas la réalisation de son programme qui importe, c’est la réussite dans l’offensive des mettre dans son camp les grands électeurs comme il les a appelés. Cette opinion est diamétralement opposée à la nôtre et à tout groupe doté d’un idéal et d’un véritable programme. Il faut se refuser à n’avoir pour vision que celle d’un homme hors des membres de son organisation politique. On en arrive à des Partis politiques qui n’ont de programme que celui du Président de la République, et pourtant qui sont dissociés, victimes de transhumances pour des raisons identiques aux pratiques anciennes. La réforme du système partisan n’a pas permis d’éradiquer, ni de freiner le phénomène. Les tares des Institutions que sont leur dépendance exclusive de l’Exécutif  n’existent plus, réclamer l’indépendance de la Justice est devenue un délit, la liberté d’opinion et d’expression un luxe qu’on peut se permettre. Pour quels résultats finalement ? Le discours sur l’état de la Nation a continué d’être une présentation des réalisations gouvernementales dont la rédaction souffre de manque de sincérité, et qu’on découvre qu’à cette occasion.

A moins de changements pertinents et idoines, nous ne saurions apporter notre soutien ni au renouvellement du mandat, ni au soutien des complices des dérapages de la période des quatre années écoulées.

Mais qu’est-ce qu’il y a en face de fiable et de réaliste ? Des bonnes volontés capables qui ne font pas des têtes d’affiches, sont handicapées par le caractère censitaire de notre système politique et les obstacles qui risquent d’empêcher sciemment toute concurrence comme annoncé déjà, et que certains pensent être une boutade.   

9 réponses

  1. Avatar de Econonie
    Econonie

    Je crois qu’ils n’ont plus d’arguments. Ils avaient vraiment pensé que le PAG allait échouer. Maintenant que les aveugles ont commencé par voir ils n’ont plus d’arguments. Je me demande comment il va résumer tout ce qu’il a écrit aux habitants de sa Commune pour les empêcher de considérer les réalisations du PAG aux prochaines élections.

  2. Avatar de BAIPOLAR
    BAIPOLAR

    Tonton AKINDES un seigneur du savoir. Joeleplombier qui se targue d’être praticien du droit alors que nous avions fait ensemble DEUG 1 de droit à Paris 10. De 1975 à 1985, il est resté en DEUG 1, finalement renvoyé sur décision spéciale du Conseil Universitaire, mise en oeuvre par le doyen de l’époque le Professeur François Poniatowski.
    Je donne tous ces détails pour qu’il s’en souvienne bien
    Praticien du droit tchrooouuus! un gawa comme ça
    Tu es tjs chez Monoprix comme plombier chef à Chateau Rouge

  3. Avatar de EFELDÉ
    EFELDÉ

    Akin-délé et non Akandé.

  4. Avatar de Joeleplombier
    Joeleplombier

    je respecte le droit d’écrire et de dire n’importe quoi de ce monsieur
    Seulement ; vous êtes jeune , vous ne le connaissez pas. Il fut ministre dans ce pays. Posez-lui la question de savoir s’il a un bilan ???
    Il se prend pour un intellectuel ; il n’en est pas un .
    Un ministre médiocre .
    Aujourd’hui ; il parle ; le monde à l’envers
    Je passais
    Le Plombier

  5. Avatar de Dr Doss
    Dr Doss

    Mais c’est le monde à l’envers avec monsieur Akandé ex minstre fitila honte a vous

    1. Avatar de EFefELDefjÉ
      EFefELDefjÉ

      Akinn

    2. Avatar de EFELDÉ
      EFELDÉ

      AKIN-DÉLÉ et non AKANDÉ.

    3. Avatar de Sourou0
      Sourou0

      VvOuouii

  6. Avatar de Mum
    Mum

    Très bonne analyse. Il n’y a pas meilleur qu’un répenti pour mieux parlé de péché… Allez y comprendre…. Avec ça on nous dira que le pays va bien.

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